(Article publié pour la première fois sur le site de la liste Aleph en janvier 2002.)
Traduit de l'américain par Grégory Gutierez. 1)
Paru en 1966 dans la Flying Saucer Review, cet article du journaliste John Keel est la première apparition du mothman dans la littérature ufologique. L'histoire du mothman est à la frontière entre l'ufologie “classique” et l'enquête fortéenne agglutinant le bizarre et l'improbable : les “simples” observations d'ovnis le disputent aux phénomènes paranormaux et aux inquiétants “hommes en noir” qui font ici l'une de leur première apparition. Le tout sert de cadre aux manifestations terrifiantes de l'homme-phalène (“the mothman”), créature de cauchemar aux grandes ailes noires et aux yeux rouges, sortie tout droit d'un conte fantastique. Point de non retour et conclusion de l'histoire : la catastrophe du Silverbridge qui fera une trentaine de victimes.
Cet article a réellement une valeur culturelle et historique, il précède le livre que plubliera John Keel quelques années plus tard, et contient déjà toute la “mythologie” du mothman, qui va imprégner la culture américaine pour longtemps : en 2001 sort le film “La prophétie des Ombres” adapté du livre de Keel. Digérés par la culture de l'entertainement de masse, les événements de Point Pleasant - tels qu'ils sont rapportés par John Keel - n'en restent pas moins très bizarres ! S'agit-il simplement de l'enthousiasme et de l'imagination de son conteur ? Personnellement, je ne crois pas : il a bien dû se passer quelque chose d'anormal à l'époque, mais quelque chose dont l'origine réelle s'est probablement perdue à tout jamais pour laisser la place au mythe du mothman, façonné et altéré par le contexte soucoupique dans lequel son auteur l'a placé.
En 1966, une nouvelle créature mystérieuse a fait son apparition près de la petite ville de Point Pleasant, située à 320 km à l'ouest de la région où fut observé le célèbre “Monstre de Flatwoods” en 1952. Doté d'ailes — ce qui le différencie de son cousin de Flatwoods — le monstre de Point Pleasant semble capable de suivre une voiture roulant à plus de 150 km/h, sans avoir à les faire battre ! Dans la région, on le surnomme “L'Oiseau”, mais, partout ailleurs, les journalistes l'ont aussitôt rebaptisé Mothman : “l'homme-phalène”.
Quelle que soit sa nature, cet “Oiseau” a déjà terrorisé beaucoup de monde et demeure une énigme pour la plupart des scientifiques, qu'ils soient biologistes ou ornithologues. Depuis décembre 1966, je me suis rendu cinq fois à Point Pleasant et j'ai interviewé en profondeur de nombreux témoins. Leurs vies ont parfois radicalement changé depuis leur terrible expérience avec “l'homme-phalène”. Je suis resté en contact avec beaucoup de ces personnes et j'ai suivi de près les développements de l'affaire en Virginie-Occidentale, comparée à d'autres affaires d'ovnis dans le pays. Il ne fait désormais plus aucun doute pour moi que Monsieur Mothman est lié aux objets volants non identifiés d’une manière tout à fait particulière et terrifiante.
Les ufologues connaissent l'existence de ces créatures ailées dont on a recensé les apparitions depuis 1878 (NOTE1). Pourtant, on n'en avait jamais vu se manifester avec une telle constance dans une seule région comme aujourd’hui en Virginie-Occidentale. L'annexe ci-jointe contient 26 observations étalées entre novembre 1966 et novembre 1967. La créature a pris en chasse des voitures ou approché de très près des véhicules à l’arrêt dans 11 de ces cas. Ce n’est pas là simplement le scénario classique de rencontres avec un ovni, mais un trait de caractère particulier de ces grandes créatures velues qui reviennent chaque année en Californie, dans le Michigan et dans nombre d'autres régions des Etats-Unis. Ces créatures mystérieuses et insaisissables ne sont pas seulement liées entre elles, elles semblent être une même façade utilisée par quelque chose qui n’est pas là que par admiration pour nos produits de Détroit (NDLR : Détroit était à l'époque la ville des usines automobiles General Motors).
“Ils” portent un intérêt tout particulier aux occupants des voitures approchées et se servent de leurs accoutrements bizarres pour mieux cacher leurs intentions. Même si cette hypothèse paraît étonnante, les preuves s’accumulent en sa faveur. Beaucoup des témoins de l’homme-phalène sont intelligents, bien éduqués et possèdent une bonne réputation dans leur communauté, il ne s’agit pas de farfelus. La région de Point Pleasant est très industrialisée, on y trouve beaucoup d’usines le long du fleuve Ohio et la main d’œuvre y est très qualifiée. Autre bon point pour cette communauté, sa foi profonde et son appartenance à la “Ceinture de la Bible” : 22 églises à Point Pleasant pour 5000 habitants, et pas un seul bar.
L'histoire de l’homme-phalène débute par l'observation d'un “homme ailé” à Scott, dans le Mississippi, le 1er septembre 1966 (NOTE3). La ville de Scott est située sur le fleuve Mississipi, à quelques centaines de kilomètres au sud du point où il rejoint l'Ohio. Le nouveau territoire de l'homme-phalène en Virginie-Occidentale se trouve à un peu plus d’un kilomètre des rives de l'Ohio.
Sur les 26 témoignages de notre liste, 10 ont été effectués dans le voisinage immédiat de la “zone TNT”, une réserve de munitions de la Deuxième Guerre Mondiale au nord de Point Pleasant. La « zone TNT » se compose de plusieurs centaines d'hectares boisés, en bordure de la Réserve Clinton F. McClintic Wildlife Station, une forêt très dense et montagneuse qui s’étale sur quelques 2500 hectares parsemés de lacs et de barrages.
La zone TNT est parsemée de nombreux dômes artificiels aux lourdes portes d’acier. Certains de ces dômes ont été condamnés car ils renferment encore d’anciens stocks d'explosifs. De nos jours, il n'y a plus aucune activité dans la zone, il ne reste que les ruines de deux grandes centrales électriques et de vieilles usines d'explosifs. Un vaste réseau de tunnels s'étend sous le site, la plupart condamnés, certains noyés par l'eau boueuse.
L'une des premières rencontres avec l'homme-phalène (n°4) se déroule le 15 novembre 1966 vers minuit, devant l'une des deux centrales abandonnées (NOTE4). 2 couples, les Scarberry et les Mallette, roulent dans une voiture le long de la route sale et cahoteuse qui borde la centrale, lorsqu’ils voient soudain une silhouette grise grande comme un homme, avec des ailes et d’effrayants yeux rouges luminescents. La chose semble s’avancer maladroitement vers les portes de la centrale. Terrifiés, les témoins accélèrent et quittent la zone. Alors qu'ils roulent nerveusement vers Point Pleasant à la vitesse de 160 km/h, la créature surgit au-dessus de leur voiture, sans battre des ailes ! Les témoins reviennent sur les lieux avec l’officier de police Millard Halstead : la créature a disparu, mais la radio du policier émet d'étranges bruits… comme le son d’un disque lu trop rapidement, dira-t-il plus tard.
Cette rencontre a été le début d'une longue chaîne d'événements étranges. Les époux Scarberry, qui vivent alors dans une caravane, ont affaire à une série de manifestations de type poltergeist. Les phénomènes ne cessent pas malgré leur déménagement - M. Scarberry est désormais dans l'armée et sa femme Linda vit chez sa mère à Point Pleasant. Les parents eux aussi, M. et Mme MacDaniel, ont d’inexplicables problèmes avec leur téléphone et pensent être sur écoute. Des lumières bizarres apparaissent et les objets ont une nette tendance à se mouvoir, semble-il, de leur propre volonté.
Le 11 janvier 1967, dans la journée, Mme McDaniel voit “l'Oiseau” de ses propres yeux. Elle croit apercevoir un petit avion qui vole au faîte des arbres devant chez elle. Comme l'engin s'approche, elle se rend compte qu'il s’agit d’une forme humaine, avec des ailes. Mme McDaniel me confira plus tard que la chose plongea vers elle puis tourna au dessus d'un restaurant proche avant de s'éloigner jusqu'à ne plus être visible. Précisons que Mme McDaniel travaille au Bureau des Sans-Emplois et jouit à Point Pleasant d'une très bonne réputation, j'ai souvent été invité chez eux et je n'ai jamais détecté aucun signe de déséquilibre ou d'imagination trop poussée dans cette famille.
Linda et ses parents prétendent chacun avoir reçu la visite de personnes dont les descriptions cadrent avec celles des controversés et légendaires “Hommes en Noir”, la dernière de ces visites s’étant déroulée le 23 décembre 1967. Ces témoignages sont de ceux qui m'ont fait prendre au sérieux les histoires de M.I.B. (NDLR : Men In Black). La demeure des McDaniel se situe en bordure de la Route 62, laquelle traverse la zone TNT.
Dans la majorité des cas, les témoins ne distinguent que vaguement la créature. Sa caractéristique principale est sans aucun doute ses yeux rouges brillants. Peu de témoins ont pu décrire le visage de “l'Oiseau”, mais beaucoup ont été terrifiés par ses yeux. Beaucoup de témoins ont affirmé qu’il était de couleur grise, d’autres qu’il était de couleur brune. Tous précisent que les ailes ne battent pas pendant le vol, ce qui rend ses performances particulièrement incroyables. Ceux qui l'ont vu marcher disent qu'il se dandine ou qu’il chaloupe, et ceux qui l'ont vu prendre son envol en parlent comme d'un hélicoptère qui monterait en ligne droite.
Le matin du 25 novembre 1966 à 7h15, Thomas Ury, un jeune homme de 25 ans habitant à Clarksburg en Virginie-Occidentale, aperçoit, alors qu’il conduit sur la route 62 près de la zone TNT, une grande silhouette grise qui s'élève d'un champ (cas n°10) : “C'est arrivé comme un hélicoptère, puis c'est passé au-dessus de ma voiture”. Il accélère rapidement sans pour autant distancier la créature, qui reste à son niveau et va même jusqu’à décrire des cercles au-dessus de son véhicule. La chose fait 2 mètres de long pour une envergure d'environ 2,5 à 3 mètres. Comme beaucoup d'autres témoins, Thomas Ury ne distingue pas de visage : il conduit une voiture décapotable et n’a aucune envie de voir la chose foncer directement sur lui. (NOTE8).
Connie Joe Carpenter, un autre témoin, jure qu'elle a vu le visage de la créature, mais ne peut trouver les mots pour le décrire : “C'était horrible… comme quelque chose tiré d'un film de science-fiction” (cas n°13).
Connie, une jeune fille de 18 ans calme et sensible, se rend en voiture à l'église, dimanche 27 novembre 1966 à 10h30, quand elle distingue une grande silhouette grise sur le gazon du terrain de golf de Mason County, à la sortie de New Haven. La chose déploie soudain des ailes longues de 3 mètres, décolle à la verticale et se précipite sur elle. Les grands yeux ronds, rouges, brillants et féroces, la tétanisent littéralement : “C’est un miracle que je n'aie eu aucun accident !”.
Connie parvient à regagner sa maison dans un état quasi-hystérique. Le lendemain ses yeux sont rougis et presque clos. J’ai rencontré Connie 2 semaines plus tard et ses yeux étaient encore rougis et larmoyants (NOTE10).
Comme pour beaucoup d’autres personnes, ce premier incident fut pour elle le début du cauchemar.
Au début de février 67, Connie se marie avec M. Keith Gordon et le couple s’installe à Middleport, Ohio, dans une demeure divisée en deux appartements et abritant un autre couple. Le téléphone n’est pas installé.
Le 22 février, Connie quitte la maison pour se rendre à l’école, elle est bientôt suivie par une grosse voiture noire. Comme tous les jeunes de son âge, Connie est passionnée par les voitures (un symbole social important pour la jeunesse américaine rurale), et l’identifie sans hésiter : c’est une buick 1949 (NOTE11). Le conducteur ouvre la portière et l’appelle. Pensant qu’il cherche son chemin, Connie s’approche sans crainte. L’homme est jeune, 25 ans environ, et présente bien. Il porte un tee-shirt bariolé «mod», pas de veste, des cheveux noirs lissés, un teint fortement hâlé et lui parle sans aucun accent (NOTE12).
Lorsqu’elle arrive au niveau de la voiture, il tente brusquement de l’attraper par le bras en lui ordonnant de monter, mais elle lutte et parvient à le faire lâcher prise. Terrifiée, elle se réfugie chez elle et, l’uatre couple étant absent, s’enferme à double tour. Plus tard dans la journée elle croit entendre des bruits de pas sur le perron mais se garde bien d’aller vérifier s’il y a effectivement quelqu’un à la porte. Le soir, elle fait part de sa mésaventure à son mari, qui a vu lui aussi la buick dans le voisinage. Aucun d’eux ne connaît le conducteur.
Connie reste chez elle le jour suivant, 23 février. Vers 15h elle entend quelqu’un devant la maison et un grand coup est donné sur la porte. En approchant lentement, elle ne remarque personne mais un petit mot a été glissé, écrit au stylo sur une page de bloc-notes : «Sois prudente jeune fille, je peux encore t’attraper.» Cette nuit-là, Connie et Keith se rendent à la police. Connie remarque un détail curieux : le véhicule, malgré son ancienneté, était complètement neuf, et pas simplement bien entretenu (NOTE13).
La police de Middleport est assez modeste (3400 habitants dans cette ville) et quelque peu léthargique. En mars 67 je visite leurs bureaux à propos de cette tentative d’enlèvement. Le chef me tend un papier indiquant les nom et prénom de Connie et une simple note manuscrite : «Buick noire. Homme jeune.». Selon lui, personne ne possède de buick noire à Middleport, il s’agit clairement d’une tentative d’enlèvement par un maniaque. L’officier Manly m’assure alors que le domicile du couple est encore sous étroite surveillance. J’ai dû lui apprendre mmoi-même que les Gordon avaient quitté la maison et s’étaient installés de l’autre côté du fleuve, en Virginie-Occidentale.
Malgré mes publications dans de nombreux journaux et mon appartenance à la North American Newspaper Alliance, les policiers sont restés très méfiants à mon égard, et n’ont eu de cesse de me demander si je n’étais pas «du gouvernement». En outre, l’officier Manly se débrouilla pour perdre rapidement la menace manuscrite que Connie leur avait confié (NOTE14).
Les Gordon se sont installés temporairement à News Haven, avec la mère de Connie, Mme Faye Carpenter. La nuit du 22 mars, Connie est brusquement réveillée par un long bruit strident, une sorte de «bip» provenant de derrière sa fenêtre. Le 22 décembre 67, une personne répondant au signalement d’un MIB leur rend visite et discute avec eux près de 2h. Mme Carpenter est bien là pendant l’entretien mais étrangement, elle ne se rappelle que de l’arrivée et du départ du visiteur, et ne garde aucun souvenir de la conversation. Depuis un an, il y a eu des manifestations répétées de poltergeists dans sa demeure. Bruits mystérieux, objets qui tombent soudainement de l’endroit où ils reposent depuis des lustres, etc. Elle note aussi de nombreuses bizarreries avec son téléphone : l’appareil sonne sans aucun interlocuteur à l’autre bout du fil, des sons métalliques étranges retentissent pendant les conversations, et toute l’habituelle panoplie du harcèlement téléphonique.
Mme Carpenter mène une vie parfaitement tranquille et n’a jamais médiatisé ces incidents. Comme de nombreuses autres personnes à New Haven, elle a vu beaucoup d’ovnis ces derniers mois (NOTE15).
Un autre témoin de la première heure, Mme Marcella Bennett, traverse elle aussi une série d’expériences traumatisantes suite à sa rencontre avec l’homme-phalène (cas n°5). Le vendredi 16 novembre 1966, à 9h du matin, Mme Bennett roule vers la zone TNT en compagnie de M. et Mme Raymond Wamsley. Ils rendent visite à Mme Ralph Thomas, qui habite dans la zone TNT avec sa famille, parmi les fameux «igloos». Les époux Thomas ne sont pas chez eux ce jour-là mais leurs enfants Rickie, Connie et Vickie, sont à la maison. Ne le sachant pas, mais ayant entendu parler de l’homme-phalène, Mme Bennett et ses amis ont préparé une petite blague : ils veulent faire peur à leurs hôtes en frappant aux fenêtres à leur arrivée. Ils sortent silencieusement de la voiture et s’avancent vers la maison. Mme Bennett tient Tina dans ses bras, sa fille de 2 ans. Alors qu’elle s’éloigne du véhicule, une gigantesque silhouette grise aux yeux rouges s’élève de l’arrière et la regarde fixement, Mme Bennet pousse alors un hurlement d’horreur (NOTE17). Une vague d’effroi parcourt les témoins qui détalent vers la maison, mais Mme Bennett trébuche, laisse tomber sa fille et reste finalement figée devant la créature. «Elle est tout à coup entrée dans une sorte de transe» m’a confié par la suite Raymond Wamsley, témoin de la scène.
Après un instant insoutenable, Mme Bennett retrouve ses esprits, récupère sa fille qui s’était mise à crier, et parvient à se réfugier tant bien que mal dans la maison. La panique s’empare du trio quand la créature s’avance à son tour vers le porche. Très éprouvés, ils appellent la police. La «chose» n’est plus là lorsque les secours arrivent enfin.
Mme Bennett, une séduisante blonde proche de la trentaine, est au bord de la crise nerveuse après cet incident. Plusieurs semaines après, elle ne peut tout simplement pas évoquer sa mésaventure. Pendant des mois, elle refuse de s’entretenir avec moi, mais des relations communes finissent par la persuader de m’accorder une audience. Lors de ce premier entretien, elle reste très réticente et se confit peu, mais sous-entend tout de même que le «monstre» est revenu rôder entre temps à proximité immédiate de sa demeure. Ce n’est qu’en novembre 67 que je peux enfin avoir un véritable entretien avec elle. Elle m’avoue alors que lors de notre première rencontre, «quelque chose me disait de me méfier, vous étiez peut-être envoyé par le gouvernement». (Je dois avouer que cette paranoïa anti-gouvernement a été l’un de mes principaux obstacles pendant mon enquête. Remercions les groupements ufologiques pour cette malheureuse attitude du public, qui a certainement privé le gouvernement et l’Air Force de beaucoup de précieuses informations) (NOTE18). Lors de notre entretien, Mme Bennett s’est rappelé que le soir de leur expérience dans la zone TNT, ils avaient aperçus une étrange lueur rouge évoluer dans le ciel pendant qu’elle conduisait. A cette époque cependant, personne à Point Pleasant ne prêtait attention aux ovnis.
Dans les mois qui suivent l’incident, la tension est palpable chez les Bennett. Miss Bennett fait des cauchemars et entend de drôles de choses, bruits de pas sur son toit et objets qui tombent tout seuls dans des pièces vides. Elle entend même une fois ce qui lui semble être le cri effrayé d’une femme, en bordure de sa maison (NOTE19). En décembre 1966, alors qu’elle conduit avec sa fille Tina à côté d’elle, elle remarque qu’une Ford Galaxy rouge la suit. Son conducteur est un homme imposant qui semble porter une perruque épaisse. Elle ralentit pour que le véhicule la double, mais au contraire il la colle comme pour tenter de l’éjecter de la route. Elle accélère alors brusquement mais son agresseur la dépasse et disparaît au détour d’un virage pour se poster un peu plus loin, en travers de la petite route, et bloquer ainsi le passage. Très effrayée, elle prévient sa fille de s’accrocher et donne un violent coup d’accélérateur pour passer en force, l’autre véhicule se dégage en urgence. Elle n’a jamais revu cette voiture ni son conducteur anonyme depuis cet incident.
Lors de ma première visite à Point Pleasant, en décembre 1966, j’ai été très étonné de constater qu’aucun journal local ne faisait état d’observations d’ovni. Mais il s’avéra en réalité que beaucoup de personnes avaient vu des ovnis, comme j’ai pu m’en rendre compte en seulement quelques heures, en rencontrant plusieurs témoins en compagnie de Miss Mary Hyre, correspondante locale de l’Associated Press et journaliste au Messenger d’Athens, Ohio, quotidien très diffusé à Point Pleasant. Un article faisant la synthèse de ces témoignages est publié dans la foulée, et c’est brusquement comme un barrage qui cède : soudain une multitude de témoins se manifeste, du simple fermier de la campagne au notable local de quelque importance (NOTE20).
J’ai collecté de nombreux témoignages de qualité dans plusieurs villes le long du fleuve Ohio (NOTE21). Il est clair qu’une «vague» importante a frappé les alentours et qu’elle est restée ignorée de la presse locale, les témoins ayant peur de parler. Mais dès que la porte s’est entr’ouverte, l’ufomanie s’est répandue dans toute la région. Depuis ce moment, Miss Hyre a reçu jusqu’à une vingtaine de témoignages par jour.
J’ai personnellement aperçu tellement d’objets et de lumières étranges que j’en ai abandonné le compte. Les observations couvrent tout l’éventail classique, depuis les «cages à oiseaux volantes» (en mars 1967, des centaines de personnes observent l’une d’elles survoler Point Pleasant à basse altitude) jusqu’à de gigantesques cigares rougeoyants et de grandes sphères qui semblent avoir un penchant pour les retenues d’eau et les usines (NOTE22). On a signalé des dizaines de poursuites d’automobiles et d’innombrables atterrissages, l’un d’eux dans une cour de récréation (NOTE23).
Il est impossible de décrire précisément la situation actuelle. Des personnes vivant dans les hauteurs affirment entendre la nuit des coups portés aux murs. Des cas de poltergeist se manifestent un peu partout, des télévisions disjonctent sans raison, d’autres, à peine achetées, explosent dès qu’on les allume.
La majorité des observations d’ovnis se concentre dans la zone TNT. Une nuit de mars, l’officier de police Harold Harmon observe un objet métallique large et plat survoler un canal dans la réserve naturelle. Pendant plusieurs minutes, il voit la chose se balancer dans le ciel «comme un bateau sur des vagues» puis s’éloigner lentement au-dessus des arbres.
Harmon est d’ailleurs avec moi le soir du 31 mars 67, lorsque la situation atteint son paroxysme : tout le long de l’Ohio, les radios de police tombent en panne, comme parasitées par une étrange décharge d’électricité statique. L’émetteur radio du shérif de Mason County est détruit par un incendie à 19h30 et les émetteurs de secours refusent de fonctionner. Devant Harmon et d’autre témoins, j’envoie des signaux lumineux à d’étranges « étoiles ». Au grand étonnement de tous, elles se mettent alors en mouvement et changent de couleur, puis disparaissent peu à peu le long du fleuve (NOTE24).
Aux alentours de la zone TNT, les gens commencent à noter des incidents bizarres avec leurs téléphones (NOTE25). Vers le milieu du mois de mars, les ovnis apparaissent de manière régulière dans la zone TNT, tous les soirs à 20h30, au faîte des arbres. Des milliers de personnes les voient, dont plusieurs photographes (NOTE26) et une équipe de télévision, et cependant rien de tout cela n’est finalement diffusé dans la presse nationale, à part un article en 7 parties que j’écris pour NANA en juin 1967. Comme d’habitude, des incendies mystérieux se déclarent. Un bâtiment abandonné de la zone TNT part en fumée une nuit de mars, et ce sous une pluie battante. Les pompiers ne peuvent s’expliquer comment le feu a pu prendre.
Un autre mystère prend place dans un grand cimetière à la périphérie de Point Pleasant. De grosses pierres tombales sont retrouvées couchées sur le flanc et rangées en lignes. Sur les lieux avec la police, j’ examine les dommages : les pierres étaient solidement scellées au sol, elles ont dû être nettement cassées et beaucoup d’entre elles pèsent plusieurs centaines de kilos. La police soupçonne d’abord de jeunes vandales, mais il faudrait s’y prendre avec des tracteurs et tout une organisation pour créer de tels dommages. On découvre bientôt d’autres cimetières victimes du même «coup» dans la région, toujours dans des zones où les ovnis sont très présents (NOTE27).
L’énormité de la situation – il y a désormais d’autres Point Pleasants dans le pays – est complètement ignorée des médias et des amateurs d’ovnis qui se contentent de récolter un peu au hasard des témoignages isolés. Il n’est que temps désormais d’arrêter de se voiler la face, il faut se préoccuper sérieusement d’enquêter sur ces zones de pique d’activité du phénomène ovni et sur les événements bizarres qui surgissent dans la vie des témoins. Il y a notamment une relation évidente entre les manifestations de poltergeist et le phénomène ovni. Il faut aussi envisager la possibilité que des êtres humains, ou plutôt des choses qui prennent l’apparence d’êtres humains, soient impliquées dans le phénomène (NOTE28).
J’ai pu vérifier personnellement la fiabilité des témoins et leurs récits, grâce à la méthode journalistique classique, longs entretiens et enquêtes approfondies au coeur des événements. Aucun des témoins n’a jamais entendu parler des «Hommes en Noir» auparavant et peu d’entre eux savaient ce qu’étaient des poltergeists. De nombreux témoins ont d’ailleurs interprété leurs expériences en des termes religieux.
Lors de mes visites au pays du «Mothman», un certain nombre d’hommes d’affaires locaux, d’enseignants et autres notables, m’ont confié leurs propres rencontres avec des ovnis ou avec «l’ Oiseau». Presque tous me racontent sensiblement la même chose, mais il y a quelques exceptions. Les témoins des cas n°7, 11 et 15 ont sans doute vu une sorte d’énorme volatile inconnu. Cela peut sembler un peu absurde, mais il y a des raisons de penser que des oiseaux exotiques ont été introduits à dessein dans la région pour semer la confusion et réduire l’impact de l’homme-phalène. A la fin du mois de décembre 66, une très rare chouette arctique fut abattue par un fermier de Gallipolis Ferry. La bête mesurait 0,6 mètre de long et avait une envergure d’1,5 mètres. Des témoins de l’homme-phalène ont vu la dépouille et affirment qu’il ne s’agit pas le moins du monde de la même créature. En juillet 67, un autre oiseau rare est mentionné, un vautour-dinde de 0,3 mètre de long, trouvé par un groupe de jeunes garçons de New Haven. Une fois encore, les témoins de l’homme-phalène s’en sont retournés.
La grande question ici est la suivante : comment une chouette arctique et un vautour-dinde ont pu se frayer un chemin jusqu’en Virginie-Occidentale ? Nous pouvons aussi nous demander par quelle étrange coïncidence des ballons-météo viennent soudain s’échouer au pied des gens lorsqu’une vague d’ovnis fait la une des journaux. Ce genre de coïncidence devient trop commune. Ou bien les sceptiques ont raison, ou bien nous sommes tous victimes d’une gigantesque manipulation dans le but de nous tromper.
Bien qu’il n’y ait pas d’ours à Mason County, en novembre 66 M. Cecil Lucas distingue 3 créatures ressemblant à des ours vagabonder dans son champ, autour d’une pompe à essence (NOTE31). Sa ferme est proche de la maison des McDaniel, en bordure du fleuve Ohio. Lorsqu’il s’approche des créatures sombres et velues, elles s’enfuient vers le fleuve et disparaissent derrière un talus bosquet. Aucun «ours» n’a jamais été vu auparavant ni depuis dans la région. J’ai été très impressionné par la sincérité et l’honnêteté évidentes de Cecil Lucas quand il m’a raconté sa rencontre, et de toute manière, quel intérêt aurait-il eu à inventer une histoire de petits ours si saugrenue ? Tout cela est un résumé peu précis de la situation actuelle à Point Pleasant. L’histoire est loin d’être terminée. La police et la journaliste Miss Hyre reçoivent encore au moins un témoignage d’observation d’ovni chaque jour. L’homme-phalène hante toujours la vallée de l’Ohio.
En mars 67, j’ai contacté le Pentagone, la base de Wright-Patterson et j’ai directement appelé l’Air Force pour les convaincre de lancer au moins une enquête de routine en Virginie-Occidentale. Rien n’a été fait. Les mutilations de bétail (NOTE32) ou de chevaux et les disparitions de chiens sont désormais courantes dans la région et la police est dépassée par les événements. Depuis 3 ans, une vingtaine d’enfants ont disparu dans le conté de Braxton, la résidence du «Monstre de Flatwoods».
L’une des dernières observations de l’homme-phalène est particulièrement intéressante. Dans la nuit du vendredi 19 mai 67, vers 22h30, Miss Brenda Smith (pseudonyme) et sa passagère roulent sur la route 62, vers le nord, à la sortie de Point Pleasant (NOTE35). Alors qu’elles passent devant la ferme de C. C. Lewis, près de la zone TNT, elles distinguent une forme noire dotée de grands yeux rouges. La chose paraît tourner autour d’un arbre. Brenda Smith a l’impression qu’il s’agit d’une silhouette ailée, un peu plus grande qu’un homme. Soudain une grosse lueur rouge apparaît à basse altitude dans le ciel et rejoint la silhouette. Les deux lumières semblent se fondre l’une dans l’autre pour n’en former plus qu’une, qui s’éloigne vers le nord. Les deux femmes, très excitées, retournent à Point Pleasant pour faire part de leur découverte. Elles sont persuadées d’avoir assisté à un rendez-vous entre l’homme-phalène et un ovni. A 3h ce matin-là, plusieurs résidents déclarent avoir vu un ovni lumineux atterrir dans un champ proche du collège de l’Ohio River à Point Pleasant. Certains observent l’objet pendant une vingtaine de minutes avant qu’il ne s’élève et disparaisse dans le ciel nocturne. Si ce témoignage est vrai, l’Oiseau et les ovnis sont donc liés.
En novembre 67 j’ai visité une nouvelle fois Point Pleasant. L’activité ovni s’était calmée, mais avec d’autres témoins j’ai tout de même vu un objet survoler la zone TNT. Lors de mes discussions avec les habitants, j’ai appris qu’une nouvelle épidémie s’était répandue dans la ville. Miss Ralph Thomas, Miss Hyre et beaucoup d’autres personnes faisaient des rêves dérangeants : Miss Hyre avait vu des gens mourir dans les eaux glacées de l’Ohio, Miss Thomas assistait à un grand désastre dans l’eau. Une vague de sombres présages parcourait la ville.
Le 15 décembre 67, le pont à suspensions reliant Point Pleasant à l’Ohio s’effondre, engloutissant avec lui 17 camions et 40 automobiles. Parmi les nombreuses victimes se trouvent plusieurs témoins dont Marvin Wamsley, le jeune neveu de MM. Raymond Wamsley (NOTE36).
Dans l’heure qui suit l’effondrement du pont (à 17h05) une douzaine d’ovnis font leur apparition au-dessus de la zone TNT, selon les témoignages de la famille Lilly, habitués à observer les ovnis. Cependant aucun ovni n’est observé aux alentours du pont.
Point Pleasant est un microcosme à l’intérieur duquel tous les complexes aspects du phénomène ovni se sont retrouvés. Nous devons même envisager la possibilité que des bases ovnis soient cachées dans les épaisses montagnes de la région. En dehors des unités de la garde nationale, il n’y a aucune présence militaire importante dans les environs, aucune couverture radar susceptible de détecter des intrus. Les forces de police de l’Ohio sont peu nombreuses et surchargées de travail. Il n’y a que 2 agents fédéraux en charge de tout le secteur. L’avenue principale de Point Pleasant est déserte dès 19h et vers 21h la plupart des habitants sont déjà couchés. En clair, la Virginie-Occidentale est vulnérable à n’importe quel type d’invasion.
Et l’invasion a peut-être déjà commencé.
(fondée sur la compilation des descriptions de plus de 100 témoins)
Date | Témoins | Ville | Description |
---|---|---|---|
1. 1er septembre 1966 | Plusieurs adultes | Scott, Mississipi | Un objet humanoïde volant bas. |
2. 1er novembre 1966 | Un garde national | Réserve à munitions, près de Camp Conley Road, Point Pleasant | Une grand figure humanoïde, brunâtre, sur la branche d’un arbre. |
3. 12 novembre 1966 | 5 hommes adultes | Cimetière près de Clendenin, Virginie-Occidentale | Un objet volant de forme humanoïde. |
4. 15 novembre 1966 | 2 couples mariés (jeunes) | Zone TNT, près de l’ancienne usine électrique | Une grande créature humanoïde grise, yeux rouges brulants, 3 mètres d’envergure. Poursuit la voiture des témoins. |
5. 16 novembre 1966 | 3 adultes, 3 enfants | Zone TNT, près des «igloos» | Grande créature grise aux yeux rouges brillants. |
6. 17 novembre 1966 | Un adolescent | Route 7, près de Cheshire, Ohio | Une créature humanoïde grise aux yeux rouges, 3 mètres d’envergure, poursuit la voiture de l’adolescent. |
7. 18 novembre 1966 | 2 hommes adultes (pompiers) | Zone TNT | Une créature ailée géante aux yeux rouges. |
8. 20 novembre 1966 | 6 adolescents | Campbells Creek | Une créature humanoïde grise aux yeux rouges. |
9. 24 novembre 1966 | Une famille, 2 adultes 2 enfants | Point Pleasant | Une créature volante géante aux yeux rouges. |
10. 25 novembre 1966 | Un adulte | Autoroute qui traverse la zone TNT | Un être humanoïde gris aux yeux rouges, de 3 mètres d’envergure, poursuit une voiture. |
11. 26 novembre 1966 | 2 hommes et 2 enfants | Lowel, Ohio | 4 «oiseaux» gris géants, aux têtes rouges, 1,5 mètres de haut et 3 mètres d’envergure. |
12. 26 novembre 1966 | Femme au foyer | Saint-Albans, Virginie-Occidentale | Créature grise aux yeux rouges, plus grande qu’un homme, se tenant sur une pelouse. |
13. 27 novembre 1966 | Fille de 18 ans | Mason, Virginie-Occidentale | Grand être de forme humaine, aux ailes de 3 mètres d’envergure et aux yeux rouges. Poursuit une voiture. |
14. 27 novembre 1966 | 2 adolescentes | Saint-Albans, Virginie-Occidentale | Les témoins sont poursuivis par une créature grise de 2 mètres d’envergure aux yeux rouges. |
15. 4 décembre 1966 | 5 pilotes | Aéroport de Gallipolis, Ohio | «Oiseau» géant, d’abord interprété comme un avion. Vitesse estimée à 110 km/h. |
16. 6 décembre 1966 | Un postier | Maysville, Kentuky | Créature géante en forme d’oiseau. |
17. 6 décembre 1966 | 2 adultes (professeurs) | Zone TNT | Silhouette géante, de forme humaine, avec des yeux rouges brillants. |
18. 7 décembre 1966 | 4 femmes | Route 33, Ohio | Une créature volante, brune-grise, avec des yeux rouges brillants. |
19. 8 décembre 1966 | 2 femmes | Route 35, Virginie-Occidentale | 2 yeux rouges brillants, une silhouette grise, au sommet d’une colline. |
20. 11 décembre 1966 | 1 homme, 1 enfant | Zone TNT | Une forme humaine, grise, vole au-dessus d’une voiture à grande vitesse. |
21. 11 décembre 1966 | Une femme | Route 35, Virginie-Occidentale | Une grande créature grise avec des yeux rouges brillants passe devant une voiture. |
22. 11 janvier 1967 | Femme au foyer | Point Pleasant | Une créature aussi grosse qu’un petit avion survole la route 62. |
23. 12 mars 1967 | 2 femmes | Letart Falls, Ohio | Un être volant, blanc, d’une envergure de 3 mètres, passe devant une voiture. |
24. 19 mai 1967 | 2 femmes | Zone TNT | Une créature volante aux yeux rouges approche un objet volant et disparaît. |
25. 2 novembre 1967 | Une femme | Zone TNT, près des «igloos» | Grande forme grise évoluant rapidement au niveau du sol. |
26. novembre 1967 | 4 hommes | Parc de Chief Cornstalk, Virginie-Occidentale | Les témoins prétendent avoir rencontré une grande forme grise avec des yeux rouges alors qu’ils chassaient. Ils ont été si effrayés qu’ils ne pensèrent même pas à utiliser leurs fusils. |
Note : Il existe beaucoup d’autres rapports, et des rumeurs d’observations que je n’ai pas eu le temps de vérifier. Ces 26 cas sont représentatifs des événements.