(Traduction conjointe de moi-même et de Jérôme Beau (site www.rr0.org) de l'article de Patrick Huyghe paru dans la revue The Anomalist, 8ème numéro, en 2000.)
Aucune histoire d’ovni n’a, plus que celle de Socorro, contribué à convaincre toute une génération que les ovnis n’étaient pas seulement des objets mystérieux parcourant les cieux, mais qu’ils étaient aussi, probablement, pilotés par des visiteurs d’un autre monde. L’affaire de Socorro n’est certes pas le premier cas d’une prétendue rencontre avec des extraterrestres. De telles histoires circulaient alors depuis au moins une cinquantaine d’années. Mais avant que l’observation du policier Lonnie Zamora fasse la Une des journaux, en 1964, les récits de rencontre avec des hommes de l’espace étaient le fait de témoins à la crédibilité et à la réputation discutables. Des histoires qui prêtaient pour le moins à sourire.
L’histoire de Zamora était différente. Il était policier, ce qui faisait de lui un témoin hautement crédible. Dès lors, s'évanouit définitivement le sentiment alors très répandu — y compris parmi les amateurs d’ovnis — selon quoi il y avait quelque chose d’absurde, voire même de ridicule, à propos des humanoïdes. L'association entre ces objets mystérieux, les ovnis, et la présence de petits pilotes venus d'ailleurs, devint alors l'une des composantes essentielles du phénomène.
Les cieux étaient clairs et ensoleillés, avec juste quelques nuages épars, cet après-midi du 24 avril 1964, au dessus de Socorro au Nouveau Mexique. Le vent soufflait avec force dans le ciel, pendant qu'au sol, les représentants de la loi filaient à vive allure, poursuivant un chauffard au volant d'une Chevrolet noire. Lonnie Zamora, un officier de police de Socorro, conduisait la deuxième voiture de police, une Pontiac blanche de 1964. C'est alors que, vers 17h45, alors qu'il pourchassait le contrevenant, il aperçut une flamme dans le ciel et entendit un rugissement soudain. Pensant qu'un dépôt de dynamite toute proche venait d'exploser, il abandonna la poursuite pour se diriger vers l'endroit d'où semblait venir cette curieuse flamme.
Pendant qu'il roulait, il put voir, à travers ses lunettes de soleil vertes placées par-dessus sa paire de verres correcteurs, cette flamme qui descendait lentement. Elle était de couleur bleue et orange et avait la forme d'un entonnoir, deux fois plus large à sa base qu'à son extrémité et quatre fois plus haute que large. Mais une colline l'empêchait de voir la source de cette flamme.
Ce bruit que Zamora entendait toujours tenait plus du rugissement que d'une explosion ou d'un réacteur. Pendant qu'il conduisait, fenêtres baissées, sur la route rocailleuse qui menait au dépôt de dynamite, ce bruit passa d'une fréquence élevée à une fréquence basse, en une dizaine de secondes environ.
Mais Zamora eut une difficulté considérable à monter en haut de la colline, à cause de la route en pente raide et rugueuse. Les roues de sa voiture glissaient sur la rocaille instable, et il dût s'y reprendre à deux fois, forcé à chaque fois de faire marche arrière pour relancer le véhicule. A la troisième tentative, il remarqua que la flamme et le grondement avaient disparus, puis il finit par atteindre le haut de la colline de 18 mètres 1). Une fois au sommet, Zamora roula lentement vers l'ouest, sur une route pleine de graviers, sans plus rien remarquer d'anormal pendant 15 à 20 secondes.
Pendant qu'il cherchait du regard le dépôt de dynamite dont il ne ne souvenait pas de la situation exacte, il vit soudain un objet brillant, vers le sud, à 240 mètres de distance 2) environ. Il arrêta immédiatement sa voiture et se mit à observer la scène pendant quelques secondes.
Tout d'abord, cet objet lui évoqua une voiture retournée, puis il aperçut deux personnes en combinaisons blanches juste à côté. La « voiture » paraissait toute blanche, comme posée sur le terrain de mousses, et les deux silhouettes avaient l'air normales. Il supposa qu'il s'agissait d'adultes de petite taille, ou bien de grands enfants, qui se seraient amusés à renverser le véhicule. Ils mesuraient environ un tiers de la taille de l'objet, soit 1,20 à 1,37 mètres 3) environ. C'est alors que l'un d'entre eux se tourna vers Zamora, et qu'il parut effrayé.
Pensant pouvoir leur être utile, le policier s'engagea sur la route qui menait vers eux. Sur le chemin, il indiqua par radio au bureau du shérif qu'il était sur le lieu d'un possible accident, dans un arroyo 4) et qu'il allait bientôt sortir de son véhicule pour examiner la situation de plus près. Toujours en parlant à la radio, il stoppa à 30 mètres 5) environ de la “voiture retournée”. Mais au moment d'ouvrir sa porte, il fit tomber son micro et dût se baisser pour le ramasser et le replacer sur son support. C'est à ce moment qu'il entendit deux ou trois coups6) très forts, espacés d'à peine une seconde les uns des autres. C'était comme si quelqu'un ouvrait et refermait violemment la portière d'une voiture.
Avant qu'il puisse se retourner vers la scène, il entendit une nouvelle fois le rugissement, qui augmenta en puissance, évoluant d'une tonalité grave à une tonalité aiguë. Au même moment, il vit la flamme sous l'objet, et réalisa alors qu'il ne s'agissait nullement d'une voiture retournée. L'objet s'éleva à la verticale, lentement, en émettant depuis le centre de sa face inférieure une légère flamme bleutée dont l'extrémité tournait à l'orange. Cette flamme semblait remuer la poussière dans les environs immédiats, mais il n'y avait pas de fumée.
Depuis une distance de 800 pieds environ Zamora eut un bon aperçu de l'objet. Il avait la forme d'un oeuf de couleur aluminium. Pas de porte, ni de hublot, ni aucune autre caractéristique, à part une inscription de couleur rouge. Cette inscription, à la manière d'un insigne, occupait près de 0,76 mètres7) de large, en plein milieu de l'objet. Lorsqu'il fut à un peu moins d'un mètre au-dessus du sol8), Zamora remarqua qu'il semblait être doté de “pieds” à sa base, inclinés vers l'extérieur et qui reposaient sur le sol.
Comme le rugissement ne cessait de s'accentuer, Zamora pensa que l'engin allait peut-être exploser, il se détourna, paniqué, et se mit à courir pour rejoindre sa voiture. Soudain, alors qu'il jetait un regard vers l'objet, il heurta le pare-chocs arrière de sa voiture avec sa jambe, tomba au sol et perdit ses lunettes. Mais il se releva tout de suite et continua à courir vers la crête de la colline. En regardant encore une fois en arrière il vit que l'objet s'était élevé au-dessus de l'arroyo et qu'il était maintenant dans le ciel, au même niveau que sa voiture.
Zamora était si effrayé par le rugissement qu'il comptait bien continuer à grimper la colline, mais le bruit s'arrêta et il entendit à la place un gémissement aigu qui dura peut-être une seconde. Il plongea alors à terre, la face tournée vers le sol, en protégeant sa tête avec ses bras. Dans le silence qui suivit, il se décida à regarder en l'air et vit l'objet partir en direction du sud-est, en ligne droite, à environ 3 à 4,5 mètres9) du sol. Il passa bientôt à presque un mètre10) au-dessus du stock de dynamite dont la hauteur était de 2,5 mètres11).
Zamora revint alors en courant à sa voiture, tout en gardant un oeil sur l'objet qui montait toujours et se dirigeait au loin, au-dessus de la campagne, silencieusement et sans flamme. Il ramassa ses verres correcteurs, mais laissa ses lunettes de soleil au sol, et rentra dans la voiture. Il contacta tout de suite Ned Lopez, l'opérateur radio de la police, et lui dit de regarder par la fenêtre de son bureau. “Qu'est-ce que c'est ?” demanda Lopez. “Ca ressemble à un ballon”, répondit Zamora, qui suivait toujours l'objet des yeux. Il semblait s'élever lentement et “rapetisser” très vite. Après avoir survolé Box Canyon ou Six Mile Canyon Mountain, il disparût simplement.
Zamora donna alors des instructions à Lopez et au sergent M. Samuel Chavez, un patrouilleur d'état du Nouveau Mexique, pour qu'ils le rejoignent. En attendant leur arrivée, il sortit son stylo et fit un croquis de l'insigne qu'il avait vu sur l'objet. Il dessina un demi-cercle au-dessus d'une flèche pointant vers le haut depuis une ligne droite de base (on a suspecté par la suite que le dessin de Zamora aurait été « changé » par l'enquêteur militaire venu l'interroger, et que Zamora décrivit à l'origine un insigne comme un V inversé au-dessus de 3 lignes parallèles). Zamora descendit alors jusqu'à l'endroit où l'objet s'était trouvé, et constata que quelques broussailles avait brûlé. Il entendit alors le sergent Chavez l'appeler depuis la radio de sa voiture pour lui demander de préciser sa position. Zamora retourna alors à son véhicule et dit à Chavez de regarder droit devant lui — il se tenait juste là.
A 10 h du matin le 24 avril 1964 — environ 10 h avant l'événement de Socorro — Gary Wilcox, un fermier vivant à Tioga City, dans l'état de New York, vit un appareil qui ressemblait beaucoup à celui vu à Socorro, ainsi que 2 personnages similaires habillés de manière presque identique. Wilcox décrivit avoir vu un objet brillant dans les bois. Alors qu'il approchait, il vit un engin en forme d'oeuf de 6 mètres12) de long stationnant à 0,6 mètre13) au-dessus du sol. Lorque Wilcox commença à l'examiner, il fut confronté à deux êtres, chacun de 4 pieds de haut environ et portant des combinaisons blanches argentées qui recouvraient leur tête. Ces personnages, trapus, portaient des plateaux sur lesquels se trouvaient des échantillons de sol.
Un des êtres approcha Wilcox et commença à lui parler en anglais. Ils parlèrent pendant 2h de sujets tels que la pollution de l'air, les sondes spatiales, les méthodes d'agriculture et le fait que ces êtres prétendaient venir de Mars. Les martiens dirent à Wilcox de ne parler à personne de son aventure, puis ils entrèrent dans leur vaisseau, qui émit un son lancinant (« an idling sound ») lorsqu'il décolla.
Wilcox réalisa à quel point son histoire était absurde et pensa que quelqu'un lui avait fait une blague. Il appela alors sa mère pour lui raconter ce qui était arrivé, et l'histoire finit par être connue. Les jours suivants, diverses personnes vinrent interroger Wilcox, dont le shérif, deux agents fédéraux, des ufologues et des journalistes de presse. Ils trouvèrent tous en Wilcox un sujet très réticent, au moins, personne ne pouvait l'accuser de rechercher la publicité. Wilcox n'entendit parler de l'événement de Socorro qu'une semaine plus tard, lorsque son père lui montra une coupure de presse à ce sujet.
L'enquête sur l'incident de Socorro commença quelques minutes après la rencontre. Ce sera l'un des incidents d'ovnis les plus étudiés de l'histoire.
Le sergent Chavez de la Police d'Etat du Nouveau Mexique arriva dans sa voiture juste quelques instants après que Lonnie Zamora ait vu l'objet disparaître au loin. Chavez jeta un oeil à Zamora qui était pâle et en sueur. « On dirait que tu as vu le diable… », lui dit-il. « Peut-être bien que je l'ai vu ! », lui rétorqua Zamora. Lorsqu'il mit le patrouilleur au courant de ce qui s'était passé, Chavez fut d'abord sceptique. Il regarda discrètement dans la voiture de Zamora à la recherche d'outils qu'il aurait pu utiliser pour produire ces traces d'atterrissage. Mais il ne trouva rien permettant d'incriminer Zamora.
Lorsque Zamora et Chavez commencèrent à marcher le long de l'arroyo où Zamora avait vu l'objet, ils trouvèrent des traces de brûlures ici et là. De la fumée semblait émaner d'un buisson brûlé, mais il n'y avait ni flamme ni braise. Chavez remarqua que le buisson brûlé était au centre de 4 empreintes triangulaires. Il cassa alors une branche du buisson, mais il était froid au toucher. Les 4 empreintes au sol avaient apparemment été produites par les pieds de ce qui avait atterri là, quoi que ce fût.
Quelques minutes plus tard, le policier d'état Ted V. Jordan, l'adjoint au shérif James Luckie, et l'inspecteur de bétail Robert White, lequel avait entendu la discussion radio entre les policiers, arrivèrent et commencèrent à examiner les lieux. Jordan prit des photographies. A 19h Chavez et Zamora partirent rejoindre les bureaux de la Police d'Etat. Lorsqu'ils arrivèrent, Zamora parla à l'agent du FBI J. Arthur Byrnes Jr., qui se trouvait être au bureau pour une autre affaire et avait entendu parler de l'incident sur la radio de la police.
Byrnes contacta immédiatement l'officier en charge au centre d'essais de White Sands, qui à son tour contacta le capitaine Richard T. Holder, l'officier militaire le plus proche. Holder arriva à la station 20 mn plus tard, et lui comme Byrnes interrogèrent Zamora. Par la suite ils visitèrent le site en compagnie de plusieurs officiers de police de Socorro. Puis, de retour au poste, Holder appela une police militaire, qui établit un périmètre autour du site le soir-même et, à l'aide de lampes-torches, prirent des mesures et recueillirent des échantillons. A 1h du matin, Holder avait terminé son rapport sur l'incident. Un peu plus tard, il allait recevoir l'appel d'un colonel dans la salle de commandement de l'Etat-Major Inter-Armées du Pentagone qui voulait être tenu au courant de l'incident sur le brouilleur (NdT : l'émetteur radio codé utilisé pour les communications militaires).
L'Air Force entama alors son enquête. Le major Hector Quintanilla, qui était alors directeur du projet Blue Book pour l'US Air Force depuis à peine un an, admit que ce fut un enfer lorsque l'histoire parut dans les journaux, le 25 avril. Les journalistes appelèrent Quintanilla tôt chez lui, de sorte qu'il partit à son bureau immédiatement pour diriger l'enquête. Lorsqu'il y arriva enfin, « les téléphones ne cessaient de sonner », se souvient-il ; pas moins d'une douzaine d'appels en attente pour lui. Mais il ne répondit à aucun. La première chose qu'il voulait faire était de contacter le major William Connor, l'officier enquêteur sur les ovnis à la base aérienne de Kirkland à Albuquerque, au Nouveau Mexique, à 55 miles de Socorro. Bien que Conner lui-même avait peu d'expérience, le sergent David Moody, qui était l'analyste en chef de Quintanilla, se trouvait être en affectation temporaire à Kirkland.
Il fallut des heures pour que l'enquête de l'Air Force démarre vraiment. Un compteur Geiger dût être trouvé ainsi que le photographe de la base. Moody et Conner vérifièrent finalement la radioactivité du site seulement deux jours après l'événement, et les résultats furent négatifs. Ils ne parvinrent pas non plus à trouver une quelconque trace radar du passage de l'objet. Ils obtinrent des copies de l'enquête préliminaire de Holder ainsi que les photographies du site que l'adjoint au shérif Jordan avait prises.
Les échantillons de sol prélevés le soir du 24 avril furent analysés par l'Air Force Materials Laboratory. Une analyse spectrographique achevée le 19 mai sur un échantillon du sol ne révéla aucun matériau étranger. Aucun élément chimique n'avait été trouvé dans le sol carbonisé ou brûlé qui puisse accréditer la présence d'un quelconque système de propulsion. Pas plus que le laboratoire ne trouva de quelconque différence significative de composition entre les échantillons de contrôle et ceux du site. Le laboratoire conclut donc qu'il n'y avait aucun résidu étranger sur le site.
Les médias exerçaient une forte pression sur le Bureau de l'Information de l'Air Force pour avoir une réponse mais, nota Quintanilla, « il n'y avait rien à partir de quoi nous pouvions tirer une conclusion définitive, ou même une évaluation digne de ce nom ». Quintanilla n'avait aucune idée de ce que Zamora avait bien pu voir, mais il était bien déterminé à en découvrir l'origine. Il décida d'envoyer à Kirkland le conseiller scientifique du Blue Book, J. Allen Hynek, l'astronome de l'Université Northwestern.
Parallèlement, le dimanche 26 avril, Jim et Coral Lorenzen de l'Organisation de Recherche sur les Phénomènes Aériens (APRO) de Tucson arrivèrent sur place pour mener leur propre enquête. Ils établirent que les empreintes laissées par les pieds de l'objet couvraient une zone de 8 sur 12 pieds. Les empreintes étaient de forme triangulaire et de 3 à 4 pouces de profondeur. Ils notèrent aussi 4 dépressions circulaires, d'environ 4 pouces 1/2 de diamètre et approximativement 3 pouces de profondeur ; empreintes qu'ils supposèrent avoir été faites par l'échelle que les personnages avaient dû utiliser pour entrer et sortir de l'appareil. Quatre autres empreintes avec une petite forme de croissant au milieu furent trouvées là où les personnages se tenaient ; on pensa qu'il s'agissait de leurs traces de pas.
Le mardi 28 avril vit arriver Ray Stanford, représentant du Comité National d'Enquêtes sur les Phénomènes Aériens (NICAP), un groupement ufologique privé de haut niveau basé à Washington, D.C. Stanford, un médium (« psychic ») qui affirmait avoir vu des ovnis lui même à de nombreuses reprises, rencontra Zamora, visita le site et recueillit sur le sol ce qui lui semblait être des éraflures métalliques sur une roche, dans l'une des dépressions du sol, là où l'objet avait atterri. Une analyse ultérieure par des scientifiques du Centre de Vol Spatial Goddard à Greenbelt, dans le Maryland, révéla que le matériau était juste de la silice — c'est-à-dire rien que du sable. Mais Stanford préféra insister sur le fait que le scientifique qui avait procédé à l'analyse lui avait initialement affirmé que les éraflures étaient un alliage de zinc et de fer différent de tous ceux connus sur Terre, laissant à penser que l'objet de Socorro était un appareil extraterrestre.
De nombreuses personnes enquêtèrent sur l'incident de Socorro, mais probablement personne ne fit un travail aussi approfondi que Ray Stanford, qui publia le seul ouvrage consacré à ce cas, Socorro Saucer in a Pentagon Pantry (Blueapple Books, Austin, Texas, 1976). Malgré son ampleur, l'enquête de Stanford est considérablement teintée d'une attitude quasi-paranoïaque, largement répandue à l'époque, au sujet d'une supposée politique du secret de l'Air Force sur les ovnis. Stanford était ainsi convaincu que les autorités avaient tenté de dissimuler leur intérêt et leur implication dans le cas de Socorro, et de cacher des indices. En fait, l'agent du FBI Arthur Byrnes demanda que son nom ne soit pas mentionné en tant que participant à l'enquête de Socorro. Byrnes demanda aussi à Zamora de ne pas mentionner avoir vu les deux personnages associés à l'objet. Et le capitaine Holder suggéra à Zamora qu'il ne parle du symbole qu'il avait vu sur le côté de l'appareil à personne d'autre que les enquêteurs officiels.
Plus tard, Stanford apprit par James McDonald, un physicien de l'atmosphère de l'Université d'Arizona, qu'une chimiste radiologue du Public Health Service de Las Vegas avait analysé les matériaux recueillis à Socorro, dont du sable vitrifié recueilli sur le site d'atterrissage. Mais il semble que des personnes de l'Air Force vinrent récupérer toutes les notes et les matériaux de cette chimiste, en lui demandant de ne plus en parler. L'Air Force avait aussi récupéré les photographies du site d'atterrissage prises par Ted Jordan après le départ de l'objet, sans jamais les lui rendre. Pour quelle raison ? Parce qu'elles auraient été abîmées, apparemment irradiées.
Lorsque l'astronome Hynek arriva à Socorro pour le compte de l'Air Force, il y avait peu de choses qu'il puisse faire pour ajouter à l'effort d'enquête déjà mené. Zamora reconstitua l'épisode entier pour Hynek, qui erra également loin du lieu de l'incident, à la recherche de traces d'atterrissage similaires dans la zone, sans en trouver aucune. Les traces elles-mêmes ne faisaient que 2 ou 3 pouces de profondeur, elles étaient sablonneuses, argileuses et tassées (« hard-packed »), et semblaient avoir été écopées (« scooped out »), comme si un énorme dispositif mécanique s'était positionné là avec une certaine douceur. Hynek observa personnellement certains des buissons épineux carbonisés dans le voisinage immédiat de l'incident.
Hynek décida de se focaliser sur le caractère et les relations des personnes impliquées, Zamora en particulier. Il espérait invalider le témoignage de Zamora d'une manière ou d'une autre, mais cet effort échoua. « Mon opinion est qu'un événement réel, physique a eu lieu dans la périphérie de Socorro cet après-midi-là… », conclut-il.
Dans le même temps Quintanilla procédait à ses propres vérifications. Il appela le Centre de Contrôle des Ballons de la base aérienne de Holloman au Nouveau Mexique, afin de vérifier l'activité des ballons dans la région au moment de l'incident. Avec sa secrétaire Marilyn Beumer Stancombe, ils appelèrent toutes les stations météo et les bases de l'Air Force du Nouveau Mexique. Il examinèrent également la possibilité d'une activité d'hélicoptère et les vols d'appareils gouvernementaux et privés dans l'état, susceptibles d'apporter une explication à l'observation de Zamora.
Mais toutes ces vérifications se révélèrent négatives. Il n'y avait eu aucun hélicoptère, aucun ballon ni aucun appareil non-identifié dans la région, et les installations radar de Holloman et Albuquerque n'avaient observé aucun « blip » inhabituel. En outre, le site radar le plus proche de Socorro, le Holloman Moving Target Indicator Radar, ait été éteint ce jour-là à 16h. Désespéré, Quintanilla appela même la division reconnaissance du Pentagone et le Service d'Immigration. Finalement, en dernier recours, il décida de vérifier même auprès du Poste de Commandement de la Maison Blanche. Mais c'était une impasse là aussi — un général informa Quintanilla que la seule activité qu'ils avaient eue dans la zone était des vols de U-2, le premier avion espion de haute altitude de l'Amérique à l'époque.
Après des jours à vérifier une chose puis une autre, Quintanilla finit par recevoir le rapport de Hynek sur Socorro. Mais celui-ci n'ajoutait pratiquement rien au rapport que Connor et Moody avaient rédigé. En fait, Quintanilla était furieux contre Hynek, car ce dernier avait « soufflé sur les braises » à l'occasion de ses conférences de presse. « J'étais déterminé à résoudre le cas envers et contre tout », notera Quintanilla. Comme Hynek, il était convaincu qu'un véritable appareil physique s'était trouvé là. La question était : était-ce extraterrestre ou de fabrication humaine ?
Quintanilla suspectait que la solution puisse se trouver dans un quelconque hangar de la base aérienne de Holloman. Après avoir tiré quelques ficelles au Pentagone, il prit lui-même l'avion pour Holloman afin d'interroger longuement le commandant de la base. Sa visite dura quatre jours, Quintanilla parla à tout le monde et fit des recherches d'un bout à l'autre de la base. Il passa même un autre jour avec les contrôleurs, les plus bas dans l'échelle hiérarchique, de la zone de missiles de White Sands. Mais il dût repartir, convaincu que la réponse au mystère de Socorro ne résidait finalement pas dans la base d'Holloman.
Sur le chemin du retour, à la base aérienne de Wright Patterson dans l'Ohio, Quintanilla aboutit à une autre solution potentielle au mystère de Socorro : Zamora aurait-il pu voir un prototype du module d'atterrissage lunaire, qui était alors en cours de test ? Il demanda à être informé sur le sujet, les recherches sur le module lunaire du programme Apollo étant menées justement à Wright Patterson. Il passa beaucoup de temps à suivre cet piste, et pour de bonnes raisons. C'était une excellente supposition.
Fin 1962 la NASA avait sélectionné la société Grumman pour fabriquer cette pièce de matériel cruciale pour la course à la Lune de l'Amérique. Le contrat fut signé le 14 janvier 1963 et Grumman passa les trois premiers mois à mettre au point une forme externe acceptable pour le véhicule. On mit beaucoup d'attention à imaginer à quoi la surface de la Lune ressemblerait et comment on pouvait concevoir un atterrissage en toute sécurité. Les concepteurs réalisèrent qu'ils n'avaient pas besoin d'un véhicule aérodynamiquement profilé, comme cela aurait été nécessaire dans l'atmosphère terrestre. L'appareil ne devant opérer que dans le vide spatial, il pouvait avoir une apparence aussi maladroite qu'il était nécessaire. Et comme l'appareil de Socorro, ce serait un véhicule conçu pour deux hommes.
La NASA décida que les systèmes de propulsion du module seraient testés à White Sands, et prévoyait également de tester le module lunaire en vol au Nouveau Mexique, si l'on en croit une étude historique du programme par la NASA. Mais au fil des années, la conception du module lunaire changea considérablement, et à la fin Grumman aboutit avec une sorte d'énorme insecte aux pattes d'araignée, assez différent de ce que Zamora avait vu au Nouveau Mexique en 1964.
Dans sa quête, Quintanilla écrivit même à toutes les sociétés impliquées dans la recherche opérationnelle sur le module lunaire, mais toutes leurs réponses furent négatives. Aucun prototype de module lunaire n'était encore opérationnel en avril 1964.
A la fin, Quintanilla, forcé de se prononcer sur le cas, le qualifia de “non-identifié.” Il le fit bien que pensant que de nombreux éléments essentiels du cas manquaient, « des éléments impondérables (« intangibles ») impossibles à vérifier ». En 1966, dans les pages d'un magazine intitulé Studies in Intelligence, Quintanilla affirme ne pas douter une minute de la fiabilité de Zamora : « Un officier de police sérieux, un pilier de son église, et un homme bien versé dans la reconnaissance des véhicules aériens dans cette région. Il est intrigué par ce qu'il a vu et, franchement, nous le sommes tout autant. Il s'agit du cas le mieux documenté de nos archives, et nous ne sommes toujours pas parvenus, en dépit d'une enquête approfondie, à trouver le véhicule ou tout autre stimulus qui pu ainsi effrayer Zamora au point de le paniquer. »
Déterminée comme elle l'était à se débarrasser du cas (« to explain away »), l'Air Force n'essaya pas vraiment de retrouver d'autres témoins de l'événement de Socorro. Mais d'autres virent apparemment l'objet de Zamora, dont 2 hommes de Dubuque, dans l'Iowa, dont le témoignage, cependant, se révéla par la suite douteux. Le soir de l'incident, le dispatcher de la radio de la police reçu 3 signalements d'habitants prétendant avoir vu une flamme de lumière bleue dans la zone, mais il ne consigna pas leurs noms dans le registre des appeles. Une chaîne de télé d'Albuquerque aurait aussi reçu un appel, juste avant 17h30, d'une personne déclarant avoir vu un ovni en forme d'oeuf qui voyageait en direction du sud, vers Socorro. Mais encore une fois le nom du correspondant ne fut pas conservé. Deux femmes de la périphérie sud de Socorro déclarèrent avoir entendu le bruit de rugissement associé à l'objet, mais sans jamais voir l'objet lui-même.
Deux jours après l'incident, Opel Grinder, le responsable de la station service des Frères Whitting, raconta une histoire fascinante, bien que non étayée. Grinder raconta qu'un groupe de touristes — un homme, sa femme et 3 garçons — s'était arrêté à sa station en fin d'après-midi et avait fait mention de « cet appareil volant bien bas près du sol près d'ici». Lorsque Grinder répondit qu'il y avait beaucoup d'hélicoptères dans la région, le touriste commenta : « C'était un drôle d'hélicoptère alors, si c'en était un ». L'objet avait survolé leur voiture, en se dirigeant apparemment tout droit vers l'arroyo où Zamora avait fait sa rencontre. L'homme ajouta même avoir vu une voiture de police — probablement celle de Zamora — qui se dirigeait vers la colline. Malheureusement, ce temoin ne revint jamais s'identifier après que l'observation de Zamora ait été rendue publique.
Des années plus tard, d'autres témoins se firent connaître. Robert Dusenberry, qui travaillait pour la Socorro Electric Corporation, déclara avoir vu le départ de l'objet avec 2 autres hommes alors qu'ils roulaient le long du « site d'atterrissage ». Plusieurs heures après l'incident, un sergent-chef de la Stallion Range Station voisine de la zone d'essais de missiles de White Sands repéra une lueur bleue dans le ciel. Alors que celle-ci s'intensifiait, le moteur de sa voiture s'arrêta et son système électrique tomba en panne. Après que la lueur ait disparu, il fut à nouveau capable de démarrer sa voiture. La lueur était apparue au sud-ouest, exactement la direction où l'objet se dirigeait lorsque Zamora le perdit de vue.
Une seule personne, à Socorro, pensa qu'en fait Zamora avait fabriqué toute l'histoire, et cet honneur douteux revient à Felix Phillips. Phillips vivait près du site d'atterrissage et se trouvait chez lui avec sa femme au moment de l'incident. Ils vivaient si près, en fait — juste à un millier de pieds de distance — que Phillips jugeait qu'il aurait dû entendre l'énorme rugissement dont Zamora avait parlé, en particulier parce que Zamora avait prétendu l'avoir entendu à 4000 pieds de distance, et par-dessus le bruit de sa propre voiture lancée à pleine vitesse. Cependant, bien que Phillips ait eu plusieurs de ses fenêtres ouvertes cet après-midi-là, ni lui ni sa femme n'entendirent aucun son…
Phillips fut la seule personne à considérer Zamora comme l'auteur d'un canular. Mais Hynek jugea l'accusation inacceptable : le memo officiel de Hynek sur l'incident précise : « Phillips était directement en vent arrière depuis la coulée, il y avait un vent sud-ouest qui soufflait très fort, et la coulée est sur le versant opposé de la colline d'où Phillips écoutait. Ceci, bien sûr, peut faire une énorme différence dans la capacité à entendre. »
Au fil des années, aucune autre suggestion de canular n'a été formulée. « Il est honteux de s'en prendre à quelqu'un d'aussi honnête que Lonnie Zamora », dit aujourd'hui l'enquêteur Ray Stanford, « Cet homme est honnête du matin au soir. »
Tout le monde pense que Zamora a bien vu quelque chose. Mais qu'est-ce que c'était ? En dépit de la propre conclusion de l'Air Force, les sceptiques, comme Donald Menzel, un astronome de l'Université de Harvard et le « déboulonneur » (« debunker ») d'ovnis le plus influent de l'époque, pensait que quelqu'un avait dû faire une blague à Zamora. Le scénario de Menzel, très élaboré, impliquait des jeunes du lycée utilisant un ballon et divers produits chimiques pour « jouer un tour » à l'officier de police, pour une raison ou une autre. Quelques années plus tard, cependant, Menzel changeait d'avis : peut-être Zamora avait-il vu finalement un «diable des poussières » (« dust evil ») (NdT : Les « dust evils » sont de grands tourbillons de poussière qui apparaissent dans les étendues désertiques, produits par le vent. On peut en voir quelques illustrations ici : http://en.wikipedia.org/wiki/Dust_devil ou encore là : http://www.planete-mars.com/image_semaine/2002/image3402.html)
Initialement, Philip Klass, un rédacteur du magazine Aviation Week and Space Technology, pensa que Zamora avait vu un phénomène de plasma lié aux lignes électriques à haute tension avoisinantes. Mais lui aussi changea d'avis des années plus tard, et en vint à croire que Zamora avait conspiré avec le maire, lequel possédait la propriété sur laquelle l'incident avait eut lieu, afin de fabriquer cette histoire d'ovni et d'attirer les touristes. Si c'est bien le cas, cela n'a pas marché.
La plupart des gens à Socorro pensaient que l'objet que Zamora avait vu était probablement un prototype expérimental secret. Ce fut aussi l'opinion de l'ufologue Jacques Vallée. Le détail de l'insigne vu par Zamora sur l'objet accréditait cette thèse.
Cet insigne qu'il se souvient clairement avoir vu sur le mystérieux objet ovoïde est sans doute l'aspect le plus déroutant de l'observation de Zamora. Il est assez rare que les signalements d'ovnis mentionnent quelque inscription que ce soit. En fait, de telles inscriptions constituent une caractéristique particulière des appareils de fabrication humaine. Et ils ont un but précis : permettre l'identification. En théorie, il serait sans doute possible de déterminer l'origine de l'appareil si nous pouvions faire correspondre les inscriptions décrites par Zamora avec un insigne connu.
La description des inscriptions par Zamora évoquèrent à J. Allen Hynek un marquage de bétail typique, mais, à l'évidence, ce n'était pas une vache qu'avait vu Zamora. Jacques Vallée, qui travaillait étroitement avec Hynek à l'Université Northwestern en 1964, pensait pour sa part que l'insigne ressemblait beaucoup au logo de la société Astropower, une filliale de la Douglas Aircraft Corporation. Il avait trouvé le logo dans une publicité d'un numéro spécial informatique des Actes de l'Institut des Ingénieurs Radio, daté de janvier 1961. L'insigne rendit Vallée suspicieux. Il n'avait jamais entendu parler d'un signalement de soucoupe authentique dans lequel un insigne aurait été vu sur le côté de l'engin. Il se demanda alors si l'appareil de Socorro n'aurait pas pu être un prototype militaire quelconque. Tout comme Quintanilla, Vallée suspecta en outre qu'il puisse s'agir d'un prototype du module lunaire.
Larry Robinson pense savoir ce que Lonnie Zamora a vu ce jour-là. Quelque part entre 1965 et février 1967, Robinson, aujourd'hui ingénieur à l'université d'Indiana, se souvient avoir lu un article de magazine à propos d'une séries de vols d'un ballon à air chaud à travers plusieurs états. Une carte montrait les points d'atterrissage du ballon. Une petite anecdote racontait une aventure amusante sur le trajet : « l'équipage fit une rencontre avec un représentant des forces de l'ordre qui avait visiblement l'intention de tirer sur l'engin, ou même de tirer sur eux. Il paraissait véritablement effrayé par ce ballon. Ils découvrirent ensuite que le policier avait cru voir un vaisseau spatial. » Hélas, Robinson ne parvint jamais à retrouver cet article.
Puis, en mars 1967, Robinson acheta le numéro spécial du magazine Look consacré aux soucoupes volantes et, pour la première fois, il lut le récit de l'observation de Socorro. Le nom de Socorro lui était familier parce qu'il l'avait vu récemment sur la carte publiée avec l'article du magazine.
En juin 1968 Robinson vit pour la première fois les inscriptions que Zamora avait décrites et il se souvint immédiatement d'une publicité qu'il avait vue dans un autre magazine en 1963 ou 1964, et qui montrait un ballon appartenant à, ou sponsorisé par, la société International Paper. Leur logo était un cercle avec une flèche pointant vers le haut, constituée des lettres “I” et “P”. Mais il écarta l'explication d'un ballon, pensant, à l'époque, que les ballons ne pouvaient être aussi bruyants que l'engin décrit par Zamora.
Puis un jour de l'été 1976 Robinson entendit son chien aboyer, puis un rugissement très fort au dehors. Lorsqu'il sortit dans son jardin, il vit un objet rond à environ 200 pieds d'altitude. C'était un ballon à air chaud piloté, propriété d'un établissement vinicole local. La ballon rugit à nouveau et il vit la flamme qui sortait du brûleur pour faire s'élever la ballon. Lorsque Robinson relut le récit de Socorro en février 1996, tout semblait concorder.
« Tous les effets observés collent parfaitement avec un ballon », conclut Robinson, qui remarque qu'en 1964, ces ballons de sport à air chaud ne dataient que d'un ou deux ans. « Lorsque le ballon a atterri, les pilotes ont stoppé le brûleur par sécurité. Ils avaient probablement la plate-forme triangulaire et plate utilisée à cette époque, avant 1966, qui laissa trois marques sur le sol. « L'équipage then set up a stand ou dû retenir l'anneau de la bouche du ballon afin de la garder ouverte. En faisant cela ils firent probablement les quatre marques ainsi que les empreintes de pas. Ils rallumèrent alors le brûleur (les coups entendus par Zamora) et remplirent à nouveau l'enveloppe. Le brûleur émet des souffles sur les côtés lors du remplissage jusqu'à ce que le ballon s'élève, ce qui mit probablement le feu aux broussailles. Avec dans les parages un policier donnant l'impression d'être un peu dingue, et qui se cachait pour arriver vers eux, ils n'ont certainement pas tardé à décoller pour fuir droit vers le ciel. »
Robinson pense que l'insigne que Zamora avait vu sur l'objet n'était autre que le logo de la International Paper Corporation et que l'objet était un de leurs ballons. Mais une vérification auprès du siège d'International Paper, à Rye dans l'état de New York, ne permit pas de confirmer cette hypothèse : le logo de la société, qui ressemble effectivement à ce que Zamora avait vu, ne fut pas utilisé avant 1968, quatre ans après l'incident de Socorro. Et il n'était pas rouge, contrairement à ce que Zamora avait décrit. (La société en question existe toujours aux Etats-Unis, on peut constater qu'elle utilise toujours le logo adopté en 1968, en lettres blanches sur fond bleu, sur son site internet, http://www.internationalpaper.com
« Je pense savoir ce qui s'est passé », répond Robinson. « Dans les courses de ballons, les emblèmes doivent être lisibles depuis assez loin pour pouvoir identifier la société. Les responsables ont dû penser que le précédent logo de International Paper n'aurait certainement pas suffit à cette identification. C'est à ce moment que le nouveau logo a dû être mise au point. Ou alors, quelqu'un d'autre devait avoir un logo semblable. »
Ou bien, ce ballon aurait-il pu être un projet militaire secret ? Un article de Peter Stekel sur Don Piccard, le pionnier des ballons, indique : « Au cours de ses années à Raven (Industries), entre 1962 et 1964, Piccard consacra toute son énergie à promouvoir les Vulcoons, des ballons thermiques à passager unique. En insistant sur son absence d'accréditation de sécurité à l'époque, Piccard raconte qu'il travailla strictement sur les ballons de sport et qu'il n'eut aucun rapport avec les contrats militaires de Raven… En se remémorant ces jours à Raven, Piccard est d'avis que la division des ballons sport de la compagnie était en réalité une couverture pour les applications militaires de ballons : “Le programme de ballon sport, auquel la direction de Raven Industry ne croyait pas, ne faisait finalement qu'entretenir cet homme un peu fou (was strictly getting this crazy guy) passionné par les ballons, qui faisait une superbe couverture. Et donc, le jour où l'un de ces autres ballons (ceux des essais militaires, NdT) serait aperçu, il évoquerait juste un de ces aéronautes sportifs.' Lorsque la Marine mit fin à son contrat avec Raven, le programme de ballons sport s'arrêta aussi. C'était en décembre 1964.”
On peut déduire des informations sur l'appareil de Socorro d'après les traces qu'il a laissé derrière lui dans le ravin du désert. L'objet laissa quatre empreintes de « pads d'atterrissage », arrangées de manière asymétrique. Trois des empreintes, équilatérales, faisaient 1 ou 2 pouces de profondeur en leur centre, avec un monticule de terre de 2 pouces de haut expulsé vers l'extérieur ; la quatrième empreinte n'avait qu'un pouce de profondeur et était moins nette. Il a été estimé qu'il faudrait la tranquille pression (« the gentle setting ») d'au moins une tonne pour produire chacune des marques laissées dans ce type de sol du désert. Le véhicule lui-même, alors, devait peser entre 4 et 10 tonnes.
Plus particulier, cependant, est l'arrangement des quatre marques sur le sol. Elles suggèrent une figure quadrilatérale avec une distance allant de 9 pieds 7 pouces 1/2 à 13 pieds 2 pouces ½ entre chaque empreinte. De manière significative, lorsque des lignes sont tracées entre les empreintes opposées, elles coupent le centre à des angles de 90°. Une analyse d'ingénierie minutieuse par William T. Powers en 1968 montra que les diverses mesures sont cohérentes entre elles. De plus, Powers montra que si le centre de gravité de l'objet était directement au-dessus de la marque de brûlure du centre, alors un poids égal aurait été supporté à chaque point médian des lignes tracées entre les quatre pads d'atterrissage — en supposant que le lien entre les “pieds” était souple.
« Nous devons conclure », écrivit Powers dans la Flying Saucer Review, « que tout plaide en faveur d'un véhicule ayant atterri près de Socorro, sur 4 pieds. » Powers fut surpris de constater que les pads d'atterrissage semblaient avoir été placés de manière utile pour ceux utilisant l'engin (les empreintes de pas, et vraisemblablement la porte, sont situés près de la marque qui semble la plus “mal placée”) plutôt qu'en fonction de règles de symétrie trop strictes. « Et cela », nota Powers, avec un étonnement considérable, « sans sacrifier aux nécessités d'une bonne ingénierie ».
A l'époque de l'incident, Lonnie Zamora avait 31 ans, il était trapu, portait des lunettes, et officiait depuis plus de dix ans dans les forces de police de Socorro au Nouveau Mexique. Autour de lui, personne n'a douté qu'il avait effectivement vu quelque chose en ce jour fatidique du 24 avril 1964, et il eut toujours droit à tous les éloges. Pour son superviseur, le chef de la police Polo Pineda, Zamora était « un bon gars », une expression qui illustre bien l'opinion générale (« covers a lot of ground ») parmi les officiers de police. Le Dr. Lincoln La Paz, qui à l'époque dirigeait l'Institut des Météorites de l'Université du Nouveau Mexique à Albuquerque, connaissait Zamora depuis une quinzaine d'années. Pour La Paz, c'était un homme honnête et fiable. Le sergent Sam Chavez de la Police d'Etat, avait la plus haute considération pour la fiabilité de Zamora et son intégrité incontestée. Il le connaissait comme un homme sobre et dédié à son travail. Et, en toute logique, sa dernière rencontre avec l'alcool remontait à deux ou trois bières un mois auparavant.
Le véritable nom de Lonnie Zamora est Dionicio Zamora. Il est né à Magdalena, au Nouveau Mexique, le 7 septembre 1933. A l'âge de 17 ans, il rejoint la Garde Nationale du Nouveau Mexique et sert pendant 24 ans. Bien qu'il ne vit jamais le combat, il participa aux interventions lors des émeutes de prison des années 1980. Zamora rejoignit le département de police de Socorro en tant qu'officier à mi-temps en 1951 et passa à plein temps à l'âge de 21 ans.
L'un des incidents d'ovni les plus significatifs de tous les temps devrait logiquement changer un homme pour toujours. Etait-ce bien le cas ici ? Je décidais de le découvrir. Retrouver Zamora fut assez facile. Il vivait toujours dans la même ville. Son numéro de téléphone était le même qu'il y a un quart de siècle. Et à l'âge de 66 ans, il travaillait toujours. Il montra quelque réticence à discuter.
Il tenta tout d'abord de me dissuader. « je ne me souviens plus de ça aujourd'hui », me dit-il, « et puis je ne fais plus d'interviews ». Mais il était trop gentil et aimable pour insister et il voulut bien répondre à mes questions, bien que brièvement. Zamora se montra tout à fait sincère, bien qu'il soit clairement toujours aussi déconcerté aujourd'hui qu'il le fut alors, 35 ans plus tôt.
Je commençai ma brève interview avec une question sur la durée de la rencontre. La littérature prétend que moins de deux minutes s'écoulèrent entre le moment ou Zamora vit la flamme pour la première fois et la disparition finale de l'objet dans le ciel. Mais cela me sembla être une durée bien trop brève pour inclure tout l'épisode, y compris ses trois tentatives successives de faire grimper sa voiture de police en haut de la colline. Je lui demandai donc s'il se souvenait de la durée que prit son observation : « Oui, je me souviens… Oh, je dirais que c'était six ou sept minutes environ. »
L'incident de Socorro reste l'un des cas d'ovnis les plus remarquables de tous les temps. Enquêté de manière intensive et analysé en profondeur par certains des esprits les plus brillants de l'époque, il constitue notamment le seul cas inexpliqué de Blue Book impliquant un appareil posé à terre et ses occupants.
Plusieurs facteurs placent ce cas au-dessus de la moyenne des observations d'ovnis. Le témoin principal était un policier, et un individu hautement digne de confiance. Une certain nombre de témoins secondaires déclarent également avoir observé telle ou telle partie de l'événement, qui eut lieu, de manière notable, à faible distance et en plein jour. Mais, peut-être le plus important, l'événement laissa derrière lui des indices physiques, des trous dans le sol et des broussailles carbonisées, qui suggèrent fortement qu'un objet physique a bien été présent à l'endroit supposé de l'atterrissage. Un autre facteur qui jette sur ce cas une lumière favorable est ce qui arriva immédiatement après l'observation. A peine l'objet avait-il été perdu de vue qu'une enquête fut entammée, la première d'une longue série.
En somme, il y a peu de doutes dans l'esprit de quiconque qu'un objet réel fut impliqué. Mais qu'était-il ? De nombreuses personnes furent convaincues qu'il s'agissait d'une arme militaire secrète ou d'un appareil de la NASA qui fit un bref atterrissage d'urgence. Mais malgré ses recherches aux niveaux les plus haut placés, le directeur du Projet Blue Book, Quintanilla, ne parvint jamais à confirmer cette hypothèse. Et, certainement, même si le secret lui avait été caché à l'époque, il serait probable que nous le saurions aujourd'hui, plus d'un quart de siècle après l'événement. Mais rien de semblable n'a émergé des coffres noirs du Pentagone.
Pouvait-il simplement s'agir d'un ballon à air chaud faisant un arrêt momentané, comme le suggère l'ingénieur Larry Robinson ? C'est possible. Après tout, comme l'avance à raison Robinson, Zamora lui-même dit que l'objet lui évoquait un ballon. Mais plusieurs détails militent contre cette explication. D'abord, Zamora ne vit pas de nacelle, de gondole ou de plate-forme sous le ballon lui-même, ni de cordages d'ailleurs, et les flammes qu'il vit sortaient de sous l'objet, et au milieu, en brûlant vers le bas. De plus, Zamora paniqua clairement à la vue de cet objet ; dans ses 13 années comme officier de police il n'avait jamais rien vu de tel. Robinson insiste sur le fait que le ballon à air chaud moderne n'avait que 2 ans d'existence à l'époque de l'observation et que les gens n'étaient pas encore familiers du rugissement et de la flamme de cette nouvelle technologie et qu'il était donc compréhensible que Zamora ait été fortement surpris. Mais si c'était un ballon, comme aurait-il pu laisser des traces d'atterrissages dans le désert équivalent à un appareil de 4 à 10 tonnes ? Robinson pense que l'impact d'un ballon avec une plate-forme métallique était suffisant pour créer de telles empreintes. « Après tout », nous rappelle-t-il, « les personnages aussi ont laissé des empreintes. Doit-on considérer qu'ils avaient du surpoids ? » demande-t-il.
On pourrait penser qu'une explication si triviale aurait fait l'objet d'une enquête approfondie à l'époque. S'il y avait eu la moindre chance qu'il s'agisse bien d'un ballon, le Blue Book aurait certainement sauté sauté sur cette occasion. Après tout, Quintanilla désespérait de trouver une solution. Comment aurait-il pu — et tous les autres avec lui — manquer quelque chose d'aussi simple ? D'un autre côté, si Robinson a raison, qui aurait pensé à demander à une société fabriquant des boîtiers d'archives si elle sponsorisait un ballon dans le région ? Si l'explication du ballon n'est pas impossible, elle est hautement improbable. Mais peut-être pas aussi improbable qu'un appareil extraterrestre.
S'agissait-il d'un appareil venu d'un autre monde ? Le nombre d'observations d'ovnis doubla au mois d'avril 1964, et cette observation sembla être le prologue au début de la “vague” d'ovnis des années 1960. Mais s'il s'agissait d'un véhicule extraterrestre pourquoi apparût-il alors comme un appareil si « humain » ? Des rugissements énormes et des flammes brillantes sont l'exception plutôt que la règle dans les observations d'ovnis. Non, si cela venait d'un autre monde, cela devait être du nôtre — de notre futur peut-être ? Il n'est pas évident, cependant, d'imaginer une machine à voyager dans le temps qui ferait autant de bruit et cracherait une flamme aussi énorme.
Le vérité est que nous ne savons tout simplement pas ce que Zamora a vu ce jour-là dans le ravin de Socorro. Peut-être un jour y aura-t-il une réponse. Mais 35 ans plus tard, ce jour reste encore à venir.