Trois années de rêves nocturnes, un bilan

Cela fait plus d’une dizaine d’années que j’ai pris l’habitude de noter mes rêves de la nuit. Mais seulement 3 ans que je le fais systématiquement. Mes petits carnets de rêves se sont accumulés à divers endroits de ma bibliothèque, et j’ai mis un sacré bout de temps à retranscrire ces récits sur mon ordinateur. D’ailleurs, c’est loin d’être terminé. Certains récits de rêves ne font qu’une ou deux lignes, d’autres remplissent plus d’une page. Généralement, ils tiennent en deux ou trois paragraphes.

Si je fais le compte des trois dernières années, j’obtiens les chiffres suivants :

  • pour l’année 2004, j’ai noté 30 rêves.
  • pour l’année 2005, pas moins de 104 rêves (mon record !).
  • pour l’année 2006, 80 rêves.

Ce qui me fait donc, sur 3 ans, pratiquement 6 rêves par mois. En réalité c’est moins bien réparti. Par exemple, pour le seul mois d’août 2005, j’ai noté pas moins de 20 rêves, dont 6 dans la même nuit, bien distincts, les uns à la suite des autres. Et par deux fois, je me suis retrouvé sans souvenir de rêve pendant 4 à 8 semaines consécutives. Une première fois en juin-juillet 2004, une seconde fois en septembre 2006. Ces deux périodes coïncident avec des moments de ma vie où j’étais très occupé intellectuellement, soit par de contrariétés, des soucis à régler, soit par des passions subites ou des découvertes enrichissantes (comme si, aux moments où mon esprit est “occupé” ou en effervescence, il n’y avait plus de place pour traiter les souvenirs de rêves). En revanche, quand j’ai noté 20 rêves, en août 2005, c’était en beau milieu de vacances merveilleuses, notamment pendant mon voyage de noces dans un superbe hôtel en Toscane, alors que j’étais calme et reposé, et que je dormais sans contrainte.

J’ai tenté de classer mes rêves en catégories, en fonction de leurs thématiques. Seulement je me suis vite aperçu que c’était assez artificiel. Il y a bien des “colorations” qui reviennent souvent, mais elles sont souvent entre-mêlées, ce qui fait qu’un seul rêve va correspondre à plusieurs thèmes. Les ambiances qui reviennent le plus souvent sont les suivantes (sans ordre particulier) :

Des rêves où je suis jugé d'une manière ou d'une autre : réussites spectaculaires ou au contraire échecs cuisants, et toujours en public. C’est généralement plutôt des rêves d’échec. Par exemple, me retrouver sur une scène de théâtre, mais incapable de sortir une ligne puisque je n’ai même pas lu le script de la pièce. Les rêves de succès sont généralement plus brefs : j’arrive à résoudre une situation délicate en passant un coup de fil, d’une voix très assurée, faisant ainsi l’admiration des personnes autour de moi.

Des rêves à teneur érotique, voire carrément pornographique : depuis le simple flirt à mi-mots à l’orgie la plus impudique. Bien souvent ces rêves sont mêlés de thématiques pas vraiment agréables ni excitantes. Ce sont très rarement des accomplissements de fantasmes, bien au contraire. J’ai même honte d’en avoir rêvés certains, qui ne reflètent pas du tout mes préférences sexuelles, en tout cas “à l'état conscient” (on peut toujours supputer à propos de tendance sexuelles “inconscientes”, mais rien ne permet de “falsifier” de telles conjonctures). Dans la plupart, il y a toujours une composante moralisatrice, voire même castratrice (je me suis parfois demandé si ce n’était pas ma morale intime qui venait contrarier le déroulement de l’action, du genre “non… tu ne peux tout de même pas faire ça voyons ! Allons allons, un peu de tenue !”). Souvent le sexe et la mort (parfois même, la mort violente) y sont intimement liés.

Des rêves où le décor semble plus important que l’action ou l’intrigue : J’ai notamment de nombreux récits où le personnage principal n’est autre que le lieu où je me trouve, et c’est très souvent un lieu hors-norme, au gigantisme démesuré : une maison de campagne, une station de métro, une salle de cinéma, un parking public souterrain, etc. Parfois ces lieux semblent être comme en résonance avec mon corps. Par exemple : un vieux chalet de bois décrépis, de deux pièces, dont l’une est complètement détruite, avec ses murs effondrés, alors que justement je me rends compte que j’ai un œil crevé, recouvert sur ses bords de petites bandes de pansements qui ne sont pas sans évoquer les planches de bois saillantes devant moi.

Des rêves à thématique fantastique, voire carrément gore : J’ai toujours eu un faible pour le cinéma de genre, et je suis toujours heureux quand je me souviens d’un de ces rêves où j’ai dû affronter un monstre à la Alien, ou bien assister à une séance de torture (complètement paniqué au moment où je me rends compte que je suis le seul à ne pas trouver ça normal). C’est typiquement le genre de rêve qu’on qualifie de “cauchemar”, mais moi j’adore. Ils sont toujours complexes, à plusieurs épisodes, avec des rebondissements, de superbes effets spéciaux et des émotions intenses. Du véritable cinéma mental quoi.

Des rêves de manipulation de la chose technique : typiquement, je me retrouve devant un ordinateur qui ne démarre plus, ou devant un téléphone portable récalcitrant. Il s’agit toujours de gadgets technologiques. Ce sont des rêves assez rares, toujours brefs et de la même “saveur” : un esprit de jeu, de découverte, de défi technique à relever. D’ailleurs, je suis généralement seul face à la machine dans ces types de rêve.

Un constat évident, c’est que les éléments qui interviennent dans mes rêves sont toujours issus de mon vécu psychique récent. C’est comme si le scénariste nocturne, tout au fond de mon cerveau, se servait des morceaux de décors qui sont restés dans ma mémoire immédiate pour construire son scénario à la va-vite. Non pas que ces éléments constituent la trame intime du rêve, mais ils en sont le décor. Pour la trame intime, je ne sais pas vraiment quoi penser, comment “décoder” les rêves. En revanche je suis à peu près certain d’une chose : bien souvent, j’ai le sentiment que mon rêve s’improvise au fur et à mesure de son déroulement. J’ai même noté quelques occurrences “d’improvisations d’urgence”. Comme si ma conscience (ou mon inconscient, comme vous voudrez), s’échine à essayer de garder un minimum de cohérence au récit en cours, tout en essayant de me pas trop heurter ma raison, parce que sinon je risquerais de me réveiller et donc de couper court à l’histoire.

Un exemple : j’ai rêvé une nuit que je dînais avec des amis, dont une personne en particulier dont le visage, dans ce rêve, était horriblement mutilé. C’était vraiment horrible, un spectacle répugnant, et pourtant personne ne semblait s’en formaliser. L’ami lui-même n’y faisait pas attention. Et puis soudain je me suis dit que c’était impossible, parce que j’avais vu cette personne (dans la vraie vie) la veille ou l’avant-veille, et que son visage était tout à fait normal, et qu’il n’y avait aucune raison qu’il lui soit arrivé quelque chose. Et là, soudain, comme un montage de film, voilà que mon ami retrouve son visage normal, et je découvre que c’était une personne inconnue, qui dînait à la table d’à côté, qui avait ce visage déformé, vraiment laid, à la Elephant Man, qui m’avait tant choqué. En me réveillant, j’ai eu l’impression que mon scénariste nocturne avait trouvé une parade au dernier moment, avant que l’incohérence de la situation ne provoque un réveil impromptu.

C’en est au point que je me suis demandé parfois si je ne m’étais pas réveillé “à l’intérieur du rêve”, comme si j’arrivais à faire des rêves lucides. A plusieurs reprises, la fin du rêve semble être née du fait que j’ai commencé à me poser des questions sur ce que je vivais, à douter de la réalité du spectacle. Et paf, soudain, me voilà éveillé, et il m’est très difficile de retenir le souvenir du rêve qui semble absolument vouloir disparaître. Je remarque que ce genre de chose ne m’arrive que depuis 2 ans environ, en fait depuis que je me suis posé la question de savoir s’il était possible de faire vraiment des rêves lucides. Est-ce que ces rêves-là sont construits de façon à me faire croire que je les commente avec ma conscience vigile, ou bien s’agit-il vraiment de rêves au cours desquels je prends soudain conscience que je rêve ? Impossible à dire, mais je penche plutôt pour la deuxième solution. Même si je ne me souviens pas de rêves où j’avais vraiment le “contrôle psychique” de la situation.

Enfin, bien entendu, j’ai remarqué souvent que mes rêves traduisaient de manière déguisée (le “contenu manifeste”, dirait Freud) des préoccupations ponctuelles de ma vie réelle (le “contenu latent”). Ce sont généralement des mises en scène autour de problématiques qui n’avançent pas dans la réalité. Par exemple, si je suis brouillé avec un ami, je vais faire un rêve où j’interagis avec un autre ami à qui je remonte les bretelles pour son comportement inacceptable, ou bien qui va agir comme mon ami de la réalité alors que cette attitude est totalement aberrante chez cet ami de songe.

En revanche, est-ce que mes rêves me permettent de réaliser des fantasmes ? A vrai dire, je pense que non, car dans chaque rêve fantasmatique (et tous ne le sont pas), il y a toujours un élément perturbateur qui vient gâcher le plaisir. Par exemple, j’ai noté 3 rêves au moins dans lesquels je vois un ovni ! Mais à chaque fois, il y a quelque chose qui coince : je n’arrive pas à régler les jumelles que j’utilise ; l’engin spatial se transforme en semi-remorque qui se met à rouler sur l’autoroute, me faisant moi-même douter de ce que je viens de voir ; ou encore l’observation reste ambiguë et quelqu’un m’explique qu’il s’agit en fait d’un satellite. Même chose pour les rêves à teneur ouvertement sexuelle, il y a toujours un truc qui coince au plus mauvais moment.

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  • Dernière modification : 2020/04/11 14:35
  • de Grégory Gutierez