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Wangari Maathai est une figure du militantisme écologiste africain. Née au Kénya en 1940, elle fait parler d'elle dans les années 1970 avec son mouvement de la Ceinture Verte, toujours très actif de nos jours comme le prouve le site internet Green Belt Movement. A l'origine, Maathai avait fait parler d'elle en plantant, en 1977, sept arbres, en l'honneur des femmes qui mènent alors la lutte pour la protection de l'environnement en Afrique.

La lecture de sa fiche Wikipédia montre une personnalité qui n'hésite pas à prendre des risques, et qui mêle allègrement la lutte pour la protection de l'environnement et celle pour l'émancipation des femmes en Afrique : “Elle est également dirigeante du « Maendeleo ya wanawake » (Conseil national des femmes du Kenya). Elle aura eu trois enfants avant de divorcer en 1979. Son mari affirme alors au juge qu'elle avait un trop fort caractère pour une femme et qu'il était incapable de la maîtriser, le juge lui a donné raison. Pour avoir déclaré dans la presse que ce juge ne pouvait qu'être incompétent ou corrompu, elle est emprisonnée, pour la première fois, durant quelques jours.”

Wangari Maathai, inconnue en France, est pourtant une militante d'envergure internationale, autant de la cause des femmes que de la défense de l'environnement. Ses livres commencent à être traduits et publiés en français à partir de 2005 : Pour l'amour des arbres (L' Archipel, 2005), Mama Miti, la mère des arbres (Le Sorbier, 2008), Réparer la Terre (Éditions Héloïse d'Ormesson, 2012), etc. Elle meurt en 2011, en laissant derrière elle un mouvement international qui s'appuie essentiellement sur “les 4 R”, comme elle l'explique lors de nombre de conférences dans les années 2000 : Reduce, Reuse, Recycle, …and Repair (Réduire notre consommation, Réutiliser les ressources, Recycler nos déchets, Réparer la terre).

On le voit, la parenté idéologique avec Pierre Rabhi est évidente. Il s'agit aussi d'un discours écologiste visant à éduquer l'espèce humaine quant à son impact sur l'environnement.

Et lorsqu'on découvre les vidéos des conférences de Wangari Maathai, on découvre aussi qu'elle utilisait très souvent la même parabole que Pierre Rabhi. L'histoire du petit colibri venait souvent conclure ses conférences devant des centaines voire des milliers de personnes, y compris devant des parterres de responsables politiques ou à l'ONU.

La voici par exemple en 2007, devant la Royal Society of Geography du Royaume Uni :

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On le constate, l'histoire est exactement la même. Ou presque : dans la version de Wangari Maathai, le colibri ne répond pas aux autre animaux circonspects, “je fais ma part”, mais “I'm doing the best I can”, c'est-à-dire, “je fais aussi bien que je peux, je fais de mon mieux”. C'est subtil, mais il y a tout de même une différence entre “faire sa part”, et “faire de son mieux”. Et Maathai commente ainsi la parabole : “Qui que nous soyons, quoi que nous soyons, il y a quelque chose que nous pouvons faire, dans nos vies, collectivement, pour faire la différence. Donc, soyez des colibris, dans vos vies, dans votre communauté, qui que vous soyez” Voilà qui ressemble beaucoup au propre discours de Rabhi… Mais quand Wangari Maathai incite ses auditeurs à être eux-mêmes des colibris, c'est pour faire quoi, exactement ?

En 2004, Wangari Maathai reçoit le prix Nobel de la Paix pour l'ensemble de son oeuvre. C'est d'ailleurs la première femme africaine à recevoir ce prix prestigieux. Dans son discours de réception, elle explique que grâce à son mouvement de la Ceinture Verte, des millions d'arbres ont pu être plantés en Afrique, et par des femmes, une action simple à réaliser, accessible à toutes, qui a permis à des millions de femmes pauvres d'avoir du bois pour se chauffer et pour construire des maisons, des écoles, mais aussi pour s'émanciper de la croyance que seule la charité des pays riches pouvait les aider à survivre. Maathai continue : “Bientôt, planter des arbres est devenu un symbole de la lutte pour la démocratie et contre la corruption (…) Des citoyens se sont mis à planter des arbres pour lutter contre les abus de pouvoir dans leurs pays… Des arbres de la paix ont été plantés, pour exiger la libération des prisonniers de conscience, et une évolution pacifique vers la démocratie.”

L'histoire du colibir est la même, la démarche de militantisme écolo est la même, mais il y a tout de même une grosse différence dans l'usage qui est fait du petit colibri : avec Maathai, le conte illustre la nécessité de se battre pour rétablir la démocratie, et pour l'émancipation des peuples qui passe par l'émancipation des femmes. Deux thématiques qui n'émergent guère des discours de Pierre Rabhi, qui parle bien plus volontiers de la responsabilité “personnelle et intime” de chacun d'entre nous pour combattre les injures faites à la Nature par l'humanité moderne.

Les colibris, ou oiseaux-mouches, sont très présents dans tout le continent américain, essentiellement en Amérique centrale et en Amérique du Sud, mais certaines espèces peuvent migrer jusqu'au Canada au Nord et jusqu'en Terre de Feu, à l'extrême sud du continent. On en trouve beaucoup en Equateur et au Pérou par exemple. Il paraît donc vraisemblable que ces petits oiseaux si particuliers, parce qu'ils butinent les fleurs et peuvent rester en vol stationnaire voire même reculer en vol, se retrouvent dans les folklores locaux.

Quelques recherches sur le Net par mots-clés en espagnol permettent de trouver plusieurs blogs et sites associatifs qui reprennent l'histoire du colibir de Rabhi, ce sont à l'évidence des traductions hyspaniques récentes du petit conte publié par Rabhi. Mais en cherchant plus avant, on tombe sur une étonnante petite histoire, issue du légendaire des indiens Shuar, qui résident justement entre l'Equateur et le Pérou. C'est l'histoire d'un petit colibri… qui vole le feu pour le donner aux hommes.

On trouve cette légende Shuar dans un livre paru en 1987, Setenta Mythos Shuar, qui rassemble des contes et légendes traduits du dialecte shuar vers l'espagnol au cours des années 1970. Et cette légende vaut la peine d'être résumée : les indiens ne connaissant pas le feu et devaient se nourrir de fruits crus, alors que de l'autre côté de la montage, le monstre Taquea, lui, maîtrisait le feu. Mais on ne pouvait pas l'approcher, il dévorait tout de suite les malheureux qui s'égaraient dans son territoire. Un jour de fortes pluies, les enfants du monstre recueillent un colibri tellement trempé et transi de froid qu'il ne pouvait plus s'envoler. Déposé près du foyer dans la maison du monstre, il ne tarde pas à se réchauffer et parvient à reprendre son envol. En partant, il récupère le feu (une brindille entre ses pattes ? Une flamme son bec ? ce n'est pas précisé…). Le petit oiseau traverse toute la forêt et finit par rejoindre les hommes, à qui il offre ainsi le feu. Depuis lors, les indiens Shuar gardent toujours leur feu allumé, toute la nuit, pour ne pas le perdre à nouveau.

Voilà qui est étonnant ! Nous retrouvons bien une histoire de colibri dans le légendaire amérindien, mais loin d'être un minuscule pompier qui tente d'éteindre un gigantesque incendie, c'est au contraire un Prométhée local qui offre le feu aux hommes, leur permettant ainsi de s'extraire d'une vie uniquement rythmée par le bon vouloir de la nature. (Rappelons que dans la mythologie grecque, le titan Prométhée a volé le feu de l'Olympe à la barbe du dieu Zeus pour le donner aux hommes).

Dans une autre version de la même histoire, plus développée mais plus récente, le colibri s'envole sans s'apercevoir que sa queue a pris feu, et s'est sans le vouloir qu'il embrase l'arbre où il se pose après son voyage. Les indiens aperçoivent une colonne de fumée au loin, découvrent l'arbre en feu, et c'est ainsi qu'il capturent enfin le feu qui leur permettra enfin de cuir leurs aliments, de se réchauffer et de se protéger des prédateurs.

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  • Dernière modification : 2017/03/29 16:52
  • de Grégory Gutierez