Le B.A.BA de la parapsychologie (par Pascal Michel)

(Textes récupérés de la revue de parapsychologie Psittt!, publiée dans les années 1970 par le GERP, et mis en ligne pour la première fois en mai 2002, sur le site de la liste Aleph, avec, à l'époque, l'autorisation de leur auteur, Pascal Michel.)

“Le B.A.BA de la parapsychologie” : un ensemble de 42 textes courts et concis qui expliquent le “psi”. Écrits par Pascal Michel, publiés dans les années 80 dans la petite revue de débats “Psittt!”éditée par le Groupe d'Etudes et de Recherches en Parapsychologie, ils forment une sorte de Foire Aux Questions avant l'heure. Tous les sujets sont abordés : psi et politique, psi et fraude, psi et philosophie, psi et science, etc. Que vous soyez novice en la matière ou que vous ayez déjà de solides connaissances sur le “psi” (et quelque soit votre opinion sur le sujet), ces textes ne peuvent que vous faire réfléchir et vous étonner. De la vulgarisation au sens noble du terme !

D'un point de vue historique, ils sont aussi un témoignage important sur la manière dont les “tenants” de la parapsychologie, en France dans les années 80, envisageaient son actualité, ses tendances et son avenir.

Dans cette série d'articles on ne trouvera ni un catéchisme à l'usage de celui qui croit au psi, ni un résumé de cours à l'usage de l'étudiant en parapsychologie. D'abord parce que des ouvrages d'introduction à la parapsychologie, et des cours comme ceux du GERP, existent déjà. Ensuite parce que ce qui est présenté sous la forme d'un cours donne l'impression de former un tout ordonné et achevé, où il n'y a plus rien à découvrir, alors que la parapsychologie est avant tout un domaine de recherche.

Ce que propose cette série d'articles c'est de réfléchir sur certaines questions fondamentales en parapsychologie. Questions toujours très simples, auxquelles chacun pourra réfléchir, sans connaissances préalables.

La première de ces questions est : “Qu'est-ce que la parapsychologie ?”

Plutôt que d'asséner une définition, je préfère présenter trois remarques que m'inspire cette question.

  • A cette question certains répondent que la parapsychologie est une pseudoscience, une caricature des methodes de la science appliquées à des faits inexistants. Il peut être intéressant de savoir que cette opinion, si elle est partagée par un grand nombre d'hommes de science, ne l'est pas par la majorité de la population, comme le montrent des sondages effectués aux Etats-Unis et en France.
  • Les parapsychologues eux-mêmes ne sont pas toujours d'accord sur la délimitation entre ce qui relève de la parapsychologie et ce qui n'en relève pas. Ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait qu'il en est de même en physique ou en biologie. Même en mathématiques existent plusieurs écoles qui ne sont pas du tout d'accord entre elles sur des questions comme distinguer entre ce qui est et ce qui n'est pas des mathématiques, ou comme savoir ce qu'est un objet mathématique. On peut alors se douter que dans un domaine comme la parapsychologie, beaucoup plus contesté que les sciences exactes, l'accord soit encore moindre.
  • Enfin je voudrais présenter la définition suivante: “La parapsychologie est ce que font certains qui se reconnaissent entre eux comme parapsychologues”. Des définitions semblables: ont déjà été proposées pour d'autres domaines d'études. Loin d'être tautologiques, de pareilles définitions ont l'avantage de rappeler le ressort de toute entreprise humaine, et de ne pas renvoyer à un monde des idées indépendant de la production humaine.

Qu'est ce qui relève de la parapsychologie, et qu'est-ce qui n'en relève pas ?

S'il n'y a pas accord unanime sur la réponse à cette question, c'est que chacun y répond en s'appuyant sur des prises de position théoriques, des hypothèses de travail, très diverses. Ce sont donc ces prises de position, ces hypothèses, qu'il faut examiner d'abord.

Pour certains, il existe deux mondes distincts, le normal et le paranormal, qui s'opposent, obéissent à des lois différentes. Pour d'autres, il n'y a pas de discontinuité entre le normal et le paranormal, normal et paranormal sont de même nature, et le parapsychologue doit viser une unification de toute la connaissance.

Pour certains, tout ce qui est paranormal ne relève pas pour autant de la parapsychologie. Le paranormal se divise en plusieurs parties, et la parapsychologie n'étudie que l' une d'entre elles. D'autres parties relèvent d'autres disciplines, comme par exemple les OVNI, qui relèvent de l'ufologie. Pour d'autres, le parapsychologue n'a pas à faire de ségrégation parmi le paranormal. Télépathie, miracles, OVNI sont autant d'objets d'études dignes d'intérêt. La parapsychologie étudie tout le paranormal.

Pour certains, les différents phénomènes parapsychologiques sont indépendants les uns des autres, relèvent d'explications différentes. On peut espérer expliquer, par exemple, la télépathie, sans faire d'hypothèses sur les autres phénomènes parapsychologiques. Pour d'autres, tous les phénomènes qu'étudie la parapsychologie relèvent de la même compréhension, de la même explication. Il forment un tout, et c'est une erreur de les traiter comme des phénomènes étrangers les uns aux autres. Il n'y a à la limite qu'un seul phénomène, dont on voit diverses manifestations.

Selon la position que l'on occupe vis-à-vis de chacun des trois problèmes ci-dessus, on pensera que le champ d'étude de la parapsychologie doit ou non se garder d'empiéter sur d'autres disciplines, doit ou non exclure l'étude des OVNI, etc. Si bien que ce champ d'étude peut se restreindre jusqu'à se limiter à la recherche d'hyothèses précises sur une classe bien particulière de phénomènes paranormaux, ou au contraire ce champ d'étude peut s'enfler jusqu'à faire de la parapsychologie une discipline totalitaire, qui a partout son mot à dire. Retour sommaire

Ces quatre mots ne sont pas tout à fait équivalents. Chacun d'eux est associé à une certaine époque historique. Mais surtout chacun d'eux est associé à certaines hypothèses que les chercheurs ont fait sur les phénomènes parapsychologiques.

  1. Le terme de METAPSYCHIQUE reste lié à celui de spiritisme. Métapsychistes et spirites ont étudié les grands médiums (on dirait de nos jours “sujets psi”), et certains des premiers métapsychistes étaient spirites. Mais bientôt les métapsychistes se sont efforcés de montrer qu'on pouvait réduire les phénomènes de la médiumnité à des phénomènes qui relèvent d'hypothèses ne faisant pas intervenir l'au-delà.
  2. La PSYCHOTRONIQUE est une tentative, répandue surtout dans les pays de l'Est, pour réduire les phénomènes parapsychologiques à des phénomènes physiques, voire électriques. La psychotronique a étudié l'effet Kirlian. De nos jours, des soviétiques développent l'hypothèse du “bioplasma”.
  3. PARAPSYCHOLOGIE est le terme actuellement employé par le plus grand nombre de chercheurs. Il est à noter que les Anglais et les Américains emploient aussi le terme de “Psychical Research” (Recherche psychique).
  4. PSILOGIE est un terme forgé en 1974 par le canadien Louis Bélanger. Ce terme suit la tendance actuelle à utiliser l'abréviation “psi” pour désigner les phénomènes parapsychologiques. On parle aussi de psi, tout court, de phénomènes psi, de sujet psi.

On peut remarquer, pour conclure, que la totalité de ces termes comporte le mot “psychique” sous diverses formes, ce qui témoigne, quelle que soit l'approche utilisée, d'une unité profonde qui regroupe toutes ces recherches sous une même bannière. Une longue tradition de soumission à cette bannière, rendant difficile toute recherche nouvelle, est la plus lourde hypothèque qui pèse sur l'étude des phénomènes psi. Retour sommaire

De nombreux hommes de science, quand on leur demande pourquoi ils refusent de s'attacher à l'étude des phénomes psi, répondent souvent que c'est parce que les phénomènes psi ne sont pas reproductibles, alors que les phénomènes étudiés par la science sont reproductibles.

Que signifie : “Les phénomènes étudiés par la science sont reproductibles” ?

Cela signifie que lorsqu' un chercheur scientifique prétend avoir découvert quelque chose, il doit expliquer aux autres chercheurs comment il a fait, il doit donner aux autres chercheurs le moyen de redécouvrir ce qu'il a découvert. Cela signifie que ce n'est que lorsque quelques autres chercheurs ont indépendamment reproduit la découverte, que celle-ci est acceptée par la majorité des chercheurs de la discipline en question. Ceux qui ne sont pas convaincus le deviennent après avoir reproduit l'expérience.

Il faut d'abord noter qu'il y a des phénomènes étudiés par les scientifiques qui ne sont pas reproductibles, comme par exemple des phénomènes astronomiques rares et à évolution rapide.

Ensuite, il faut remarquer que l'on ne peut pas reprocber à certains phénomènes psi de ne pas être redroductibles. Il s'agit de ceux que l'on appelle des phénomènes spontanés, qui n'ont lieu parfois qu'une ou deux fois dans la vie d' une personne, sans qu'elle s'y attende.

Il en est autrement des phénomènes expérimentaux. Dans ce cas, un parapsychologue essaie de provoquer le phénomène psi. Il le prépare et l'attend en laboratoire.

Le Parapsychologue expérimentateur prétend que l'expérience qu'il a faite est aussi sérieuse que n'importe quelle expérience scientifique de laboratoire. C'est le chemin suivi par les grands métapsychistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle pour l'étude des médiums ; c'est le chemin suivi par l'Americain J.B. Rhine à partir de 1930, et c'est le chemin suivi de nos jours par ceux qui étudient les sujets psi.

De telles expériences devraient être reproductibles. Or, c'est un fait qu'elles ne le sont pas. Ou plus exactement, quand on essaie de reproduire une telle expérience, parfois cela marche, et même très bien, et parfois cela ne marche absolument pas, ou bien surprend le sujet en flagrant délit de fraude. Un exemple : le parapsychologue anglais J. Beloff a pendant des années refait les expériences de Rhine, sans aucun succès.

Le psi expérimental est donc non-reproductible. Or, l'expérimentation sans reproductibilité ne mérite plus le nom d'expérimentation. Peut-on espérer, dans un proche avenir, trouver une expérience reproductible en parapsychologie ? Etant donné qu'une telle situation dure depuis plus d'un siècle, que depuis plus d'un siècle les scientifiques somment les parapsychologues de leur fournir des faits reproductibles, que depuis plus d'un siècle aucune expérience reproductible à volonté en parapsychologie n'a pu, malgré tous les efforts, être obtenue, il semble que, sans attendre qu'un siècle supplémentaire se soit écoulé, on peut faire l'hypothèse qu'il n'y a pas de psi expérimental, mais seulement du psi spontané qui a le bon goût de se produire parfois dans une situation expérimentale ; qu'il est vain d'appliquer la méthode expérimentale au psi, qu'il existe une répugnance fondamentale du psi à l'expérimentation. Retour sommaire

On connait des exemples de fraude dans toutes les disciplines scientifiques. On pourrait donc penser qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que la parapsychologie ait ses brebis galeuses qu'il convient de dissocier de la recherche honnête et sérieuse.

Cependant, plusieurs indices montrent que le problème de la fraude en parapsychologie ne peut pas être résolu de manière aussi simple.

Presque tous les médiums de la fin du XIXe siècle et du début du Xxe siècle ont été un jour pris en flagrant délit de fraude. Cela ne prouve pas qu'ils aient tous fraudé tout le temps. De nos jours les sujets psi tordeurs de métal comme Uri Geller et Jean-Pierre Girard sont des prestidigitateurs amateurs. Ce qui ne prouve pas qu'ils opèrent par prestidigitation. Et si de nombreux contacts avec les extra-terrestres ont des buts lucratifs, d'autres sont plus discrets.

Ce qui est plus surprenant, c'est une attitude comme celle du commandant Tizané qui, enquêtant sur les apparitions mariales, déclare qu'une apparition mariale n'est authentique que si elle contient un évènement qui la met en doute, un “sabotage”. Non pas sabotage humain, qui est toujours présent, mais “sabotage paranormal”, de façon à “mettre à l'épreuve notre libre arbitre”. Dans cette conception, jamais le paranormal ne s'impose à la raison du témoin, mais toujours se propose à sa foi. La signature du paranormal authentique, c'est la tricherie de ce paranormal.

On peut alors se demander si les cas de fraude des grands médiums, loin d'être des bavures, ne sont pas une part importante du phénomène. C'est en tout cas un fait que pour les sceptiques, c'est la part la plus importante du phénomène. Tout se passe comme si le psi fournissait à la fois, à ceux qui veulent croire, bien assez d'éléments pour croire, et à ceux qui veulent douter, bien assez d'éléments pour douter.

Ce problème se retrouve en ufologie, où les OVNI sont aussi spectaculaires que prompts à se dérober à l'enquête, où des enquêteurs découvrent des failles dans des cas anciens que l'on croyait solides, où des chercheurs orientés vers la sociologie du phénomène proposent sérieusement d'amalgamer cas inexpliqués, cas expliqués et canulars avérés dans les statistiques.

Ainsi on peut penser que les parapsychologues qui tiennent, avant toute recherche ultérieure, à rejeter les cas de fraude ou les cas douteux, loin de purifier la parapsychologie, se privent au contraire d'une composante importante des phénomènes psi. Retour sommaire

Ce texte est un essai pour dégager les orientations de la recherche théorique au GERP. Comme il n'y a pas unanimité parmi les théoriciens du GERP, nous avons préféré adopter une perspective historique à une présentation systématique. Il ne faudra pas oublier que nous sommes partie prenante dans cet historique. Nous souhaitons donc que les autres théoriciens du GERP publient leur propre vue sur l'historique des théories du psi au GERP.

Dans une perspective historique, deux périodes peuvent être, selon nous, distinguées.

C'est François Favre qui a fondé l'école de pensée du GERP en définissant à priori les cadres dans lesquels devait selon lui être pensé le psi. Certains de ces cadres ne seront jamais remis en cause par les autres théoriciens du GERP. C'est le cas de ce que François Favre appelle “l 'homogénéité du psi” = tous les phénomènes psi relèvent de la même explication. Il n 'y a pas, il ne saurait y avoir une théorie pour la télépathie, une autre pour la psychocinèse, une pour les OVNI etc.

Le physicien Michel Duneau soutient une hypothèse qui conduira les théoriciens du GERP à rejeter toute explication physiciste du psi. On pourra lire un exte de Michel Duneau dans la revue Parasychologie n°7. Selon lui, les explications du psi basées sur physique ne sont qu'une réduction des problèmes posés par le psi aux problèmes posés par les aspects nouveaux et donc mal connus de la physique de pointe. Ainsi le “magnétisme animal” naît en un temps où le magnétisme physique pose des problèmes aux physiciens, la “radio mentale” naît au début de l'expansion de la radio. La dernière mode des explications physicistes du psi est basée sur la mécanique quantique.

Dans cette première période, l'accent est mis surtout sur “l'aspect subjectif” du psi. Jung est souvent cité. Les mots emplovés sont ceux de synchronicité, acausal, psychophysique. Il manque à tout cela, pour pouvoir être réuni en un tout cohérent, des fondations solides. Or fonder solidement quelque chose sans pour autant rentrer dans le giron réductionniste de la science, ce n'est pas facile, voire pas possible.

Il faut citer Pierre Janin qui, par ses critiques pertinentes, devient vite le moteur de la réflexion théorique du GERP.

Le consensus entre les théoriciens du GERP s'est peu à peu fait autour de l'idée d ' effet d'expérimentateur, qui permet de repousser les théories basées sur la physique. En effet, l'effet d'expérimentateur signifie en gros que le psi se modèle sur les présupposés des parapsychologues. Ainsi un parapsychologue qui a des présupposés favorables à une théorie physique du psi n'aura pas de peine à montrer du psi conforme à ses présupposés, mais cela ne prouvera rien.

Pascal Michel fait remarquer que cet effet d'expérimentateur s'applique tout aussi bien pour les parapsychologues qui ont des présupposés favorables à une théorie psychique, ou “psychophysique” du psi, comme c'est le cas des théories du GERP de la première période. Il dénonce Ies présupposés métaphysiques qui servent de fondations à ces théories. On pourra lire un texte de Pascal Michel dans la revue Parapsychologie n° 8.

Guy Béney renvoie dos à dos les explications psychiques et physiques du psi, qu'il appelle dans son vocabulaire sophistiqué “ipsocentrique” et “cosmocentriques”. Une troisième voie pour la recherche théorique s'ouvre selon lui par ce qu'il appelle un holon transpersonnel qui régule des expressions psi, interpellatives et élusives. Il insiste particulièrement sur les aspects sociologiques du psi. On pourra lire un texte de Guy Béney dans la revue Parapsychologie n° 10. Retour sommaire

Le plus souvent, les scientifiques ne tentent pas de répondre à des questions “pourquoi ?” mais à des questions “comment ?”. Pour de nombreux épistémologues, le pourquoi des choses n'est pas du ressort de la science, mais de la métaphysique.

En parapsychologie, c'est souvent à des questions “qui ?” que tentent de répondre les chercheurs. Alors que les questions “Qui fait tourner la Lune autour de la Terre? Qui produit les éclipses? Qui lance la foudre ?” ou bien semblent saugrenues, ou bien semblent relever de préoccupations religieuses, la plupart des parapsychologues n'hésitent pas à se demander “qui” produit la psychocinèse, les poltergeist, les OVNI, ou plus généralement le psi. Ils ne pensent pas qu'il s'agit de questions saugrenues ou relevant de la religion. Ils tentent de donner des réponses à ces questions, dans le cadre de diverses théories : ce sont les esprits des morts, ou les extra-terrestres, ou l'inconscient collectif, ou les sujets psi qui sont à l'origine des diverses manifestations du psi.

On aperçoit ainsi une séparation entre deux familles de phénomènes : ceux qui relèvent de la question “comment?”, et ceux qui relèvent de la question “qui ?”. Cependant la place de la frontière entre ces deux familles n'a rien d'évidente. Ainsi, pour de nombreuses sociétés primitives, il va de soi que la Lune ne peut tourner autour de la Terre que s'il y a quelqu'un pour la conduire, que les éclipses sont les manifestations évidentes d'une intentionnalité, que la foudre n'a de sens que si elle répond à une finalité. Les questions “qui ?” qui nous semblent saugrenues sont pour ces sociétes les bonnes questions, celles qu'il convient de se poser. Et les reponses que donnent les sociétés primitives ne sont pas loin de celles que donnent les parapsychologues : esprits des morts, êtres non humains, divinités, sorciers.

Il y a bien sûr un rapport entre le fait que nous ne nous posons plus certaines questions “qui ” que se posent les sociétés primitives, et le fait que nous savons comment fonctionnent de nombreux phénomènes comme la Lune ou la foudre. Mais, historiquement, ce n'est pas parce que nous avons appris comment fonctionnent certains phénomènes, que nous avons alors cessé de nous demander qui les provoque. Au contraire, c'est parce que nous avons cessé de nous poser la question “qui ?” pour lui préférer la question “comment ?”, qu'a été rendu possible la découverte des mécanismes de fonctionnement de ces phénomènes.

Se demander “qui produit cela ?”, fait appel aux concepts d'intentionnalité, de finalité, aller chercher la réponse en créant toute une gamme d'entités, tel est le comportement de chacun face à quelque chose qu'il ne comprend pas. Tel est le comportement de certains parapsychologues face au psi. Il est à craindre que cette question, ces concepts, ces entités, ne soient que des masques derrière lesquels se cache l'ignorance dans laquelle on est des mécanismes du psi. Dans ce cas, un premier pas pour lever ce masque consisterait à refuser toute question “qui ?” pour lui préférer la question “comment ?”. Retour sommaire

On reproche souvent aux faits parapsychologiques d'être élastiques, et d'autoriser ainsi quiconque à produire les théories les plus farfelues. Cependant nous espérons ici dégager, sur l'exemple de la position qu'occupe la mort dans les phénomènes psi, que non seulement il ne se produit pas n'ïmporte quoi, mais que de plus il est difficile de trouver une théorie qui puisse expliquer ce qui se passe.

Les parapsychologues ont souvent fait remarquer l'extraordinaire rareté des morts dans toute une série de phénomènes psi. Ainsi les cas de poltergeist sont parfois spectaculaires, peuvent provoquer d'importants dégâts matériels, mais blessent rarement les personnes, et, à notre connaissance, n'ont jamais provoqué la mort. De la même façon les OVNI et leurs occupants sont parfois agressifs, mais l'on ne connait que deux cas sud-américains douteux où ils ont tué un être humain. Enfin les sujets psi se contentent de tordre des petites cuillères et de remettre des montres en marche sans attenter à la vie de leur prochain.

Un contraste frappant apparaît avec la fiction littéraire ou cinématographique. Dans les romans ou les films, les revenants assassinent avec un raffinement de cruauté, les extra-terrestres rasent des villes entières, et de jeunes sujets psi n'hésitent pas à tuer des centaines de personnes. Ceci pose un gros problème théorique si l'on se place dans la perspective de certaines théories à la mode gravitant autour des notions d'inconscient collectif et de réalisation de désirs de sujets : comment le désir de mort dont témoignent les récits de fiction peut-il être à ce point absent des événements psi ?

D'autre part, un certain nombre de phénomènes psi apparaissent comme autant de dénégations de la mort : cas de hantise, phénomènes spirites, conservations de corps après la mort. Peut-on alors proposer, comme hypothèse genérale sur le psi, l'existence d'un refus fondamental de la mort de la part du psi ?

Mais ce serait oublier les prémonitions de mort : si certaines prémonitions permettent d'éviter un accident mortel, un grand nombre annonce la mort à venir avec la froideur d'un constat inexorable. La mort n'est pas ici seulement rencontrée, elle est prévue, parfois avec des détails, quand ce n'est pas avec la date, voire l'heure. Il n'est donc pas facile de produire une théorie qui refuse de se cantonner dans des considérations philosophiques générales sur la mort, mais qui vise à rendre compte des données dans leurs détails.

On voit sur cet exemple de la mort qu'aussi large que puisse être la gamme des phénomènes psi, il ne se produit pas n'importe quoi, et c'est encore une énigme que savoir pourquoi certains types d'événements psi se produisent alors que d'autres, auxquels on pourrait s'attendre, ne se produisent pas. Retour sommaire

D'où vient ce terme de “perception extra-sensorielle” ? C'est la traduction du terme anglais “extra-sensory perception”, que le chercheur américain J.B. Rhine a choisi, en 1932, pour désigner son champ d'étude, et dont il a fait le titre du livre qui l'a rendu célèbre. Ce terme regroupe les phénomènes où un sujet est capable de dire quelque chose qu'il n'est pas sensé savoir, à propos de quelque chose de caché ou éloigné (clairvoyance), pensé par un autre sujet (télépathie) , ou situé dans le futur (précognition).

Aussi classique que puissent être en parapsychologie ce terme et sa définition, ils n'en soulèvent pas moins un gros problème. En effet, quand on dit qu'il y a eu une “perception extra-sensorielle”, on ne fait pas que décrire purement ce qu'il s'est passé. On suppose aussi implicitement tout un modèle hérité de la psychologie classique : qu'il y a un sujet, que ce sujet a des perceptions, qu'habituellement ces perceptions se font par les voies sensorielles, etc. Or, dans l'état actuel de nos connaissances sur les phénomènes psi, rien ne nous permet d'être sûr que c'est sur ce modèle hérité de la psychologie classique qu'il convient de s'appuyer pour décrire les phénomènes psi. On peut donc reprocher à ce terme de “Perception extra-sensorielle” d'apporter un élément d'explication indu.

Un tel reproche a d'ailleurs été formulé dès la première diffusion des travaux de Rhine. Certains chercheurs préféraient un terme qu'ils estimaient plus neutre, ne préjugeant d'aucune explication, comme par exemple : “effet Rhine”. Rhine a du s'aliéner à cette époque des chercheurs qui auraient peut-être avalé la couleuvre des phénomènes psi si elle n'avait pas porté de plus cette étiquette de “perception extra-sensorielle”.

Conserver une terminologie issue de présupposés devenue caducs, c'est rester malgré soi inféodé à ces présupposés. C'est pour cette raison que les parapsychologues ont petit à petit abandonné le mot spirite de “médium”, moyen de communication entre deux mondes, pour des mots comme “sujet psi”, plus proche de leur croyances. C'est maintenant la terminologie devenue classique en parapsychologie qui fait obstacle à l'émergence de nouveaux corps d'hypothèses. Ainsi ce problème de terminologie n'est pas d'importance secondaire.

Avant de tenir pour acquis le fait que le psi est rare et de chercher des raisons à cette rareté, il convient de remarquer que certains parapsychologues donnent du psi une définition très large, qui va jusqu'à inclure les phénomènes psychosomatiques, voire tous les phénomènes de la vie. Pour ces parapsychologues le psi n'apparait rare que parce qu'il n'est pas reconnu par notre société dans toute son étendue.

Si l'on en reste à la définition classique, plus limitée, du psi, il ne fait pas de doute que celui-ci n'est pas fréquent : c'est l'une des raisons du refus constant de la communauté scientifique de le prendre au sérieux. D'où peut provenir cette rareté ? Deux hypothèses peuvent être avancées pour répondre à cette question.

Selon la première hypothèse, la rareté du psi n'est pas plus ni moins surprenante que celle de nombreux phénomènes naturels. Parmi ces phénomènes naturels, on peut citer la chute sur terre de météorites, ou la foudre en boule : ces phénomènes sont rares, et on a longtemps douté de leur existence avant de les accepter. De nombreux animaux rares, comme le calmar géant, ont été tenus pour des légendes avant d'être finalement reconnus par la science. D'après cette première hypothèse, on peut espérer qu'un jour viendra où le monde scientifique accordera droit de cité aux phénomènes psi, comme il l'a fait pour de nombreux autres phénomènes naturels rares.

Selon une seconde hypothèse, la rareté du psi est en elle-même une propriété capitale du phénomène psi. Certains auteurs ont employé le mot anglais d' “elusiveness” pour désigner le comportement d'esquive du psi : tout se passe comme si le psi se dérobait volontairement à toute approche expérimentale serrée, à toute enquête approfondie sur un témoignage. D'autres auteurs ont parlé d' “autorégulation” du psi dans notre société : le psi disparaît quand on lui donne beaucoup de place, de publicité, et réapparaît quand on a tendance à l'oublier. D'après cette seconde hypothèse, les cent cinquante ans de recherches passées étaient condamnés d'avance à se prolonger, et il est vain d'espérer pour l'avenir une reconnaissance formelle du psi par la communauté scientifique internationale.

Il faut noter pour conclure qu'au-delà de la rareté des phénomènes psi, toutes les parties intéressées (pro-psi, anti-psi, et sociologues se voulant neutres) s'accordent pour souligner l'importance qu'a prise le psi au niveau de la mythologie collective, de l'idéologie, des croyances. Par ce biais le psi pèse peut-être bien plus, dans un certain sens, qu'il ne l'aurait fait s'il avait été reconnu par les scientifiques mais était resté confiné dans leurs laboratoires. Retour sommaire

C'est en 1947 qu'est apparu le mot “soucoupe volante”, et dans les années qui ont suivi que s'est développée une étude systématique des Objets Volants Non Identifiés, ou OVNI. A cette epoque les parapsychologues s'employaient surtout, à la suite de Rhine, à reproduire expérimentalement des phénomènes psi peu spectaculaires puisque révélés seulement par des études statistiques. De plus leurs préjugés en faveur d'hypothèses spiritualistes les prédisposaient peu à s'intéresser à des phénomènes ne semblant pas relever de telles hypothèses. Ce sont donc des chercheurs étrangers au milieu parapsychologique qui ont créé et développé l'ufologie, discipline nouvelle consacrée à l'étude des OVNI.

Ces chercheurs, favorables à une origine extra-terrestre des OVNI, se sont tournés vers des disciplines comme l'astronomie, l'astronautique, l'exobiologie (étude spéculative des formes de vie différentes de celles connues sur terre). C'est donc assez tardivement que des rapprochements ont été effectués par certains ufologues entre les OVNI et des phénomènes comme les apparitions mariales, ou les apparitions de lutins rapportées par le folklore. L'ensemble des phénomènes jugés dignes d'enquêtes par les ufologues s'est élargi pour inclure les apparitions d'humanoïdes et les contacts (où est confié au témoin un message à diffuser à l'humanité), qui avaient d'abord paru trop incroyables pour être pris au sérieux.

Les ufologues sont alors confrontés à des témoignages de télépathie et de prémonition. D'autre part la grande variété des manifestations, le caractère étrange, “magique”, de nombreuses apparitions d'OVNI, leur font douter de l'hypothèse extra-terrestre dite - “au premier degré”, selon laquelle les objets aperçus sont effectivement des engins spatiaux comme ceux que l'homme commence à construire. De plus les ufologues se mettent à solliciter la sociologie, la psychologie, la psychanalyse, disciplines où l'on côtoie plus facilement les phénomènes parapsychologiques.

On voit alors apparaître dans la littérature ufologique l'idée que psi et OVNI sont deux faces d'un phénomène unique. Phénomène unique qui est rangé sous l'hypothèse extra-terrestre ou sous l'hypothèse du sujet psi. D'autres se contentent de proposer une hypothèse psychocinétique des traces laissées au sol par certains atterrissages d'OVNI. Cependant en général le milieu ufologique, tout en étant sensible à la parapsychologie, ne voit en elle qu'une discipline auxiliaire, c'est-à-dire que les ufologues préfèrent penser qu'il y a entre autres du psi qui intervient dans les phénomènes OVNI, plutôt que penser que le phénomène OVNI est un cas particulier de psi.

Nous avons vu comment s'est fait pour le milieu ufologique le lien entre OVNI et psi. Nous allons voir comment ce lien s'est fait en dehors de ce milieu, et plus particulièrement au GERP.

Le psychologue Carl Gustav Jung a laissé un livre : Un mythe moderne (traduction française : Gallimard, 1961), consacré aux OVNI. Il y traite surtout de rêves de soucoupes volantes, mais consacre quelques pages (p. 256 et 257) à émettre l'hypothèse suivante. Selon Jung les soucoupes volantes proviennent probablement des espaces sidéraux. Après la seconde guerre mondiale, il y a eu coïncidence entre d'une part une augmentation de leur fréquence d'apparition, et d'autre part des phantasmes de navigation interplanétaire et de menace sur l'existence terrestre. (Jung fait sans doute allusion à la menace de guerre atomique.) Si bien que les hommes ont projeté les contenus de l'inconscient sur les soucoupes volantes, donnant à celles-ci un sens guère mérité. Telle est la position de Jung. Cette position très originale n'a jamais, à notre connaissance, été reprise et développée, mais de nombreux auteurs s'appuient sur l'autorité de Jung pour étayer indûment leur propre position.

Au GERP, a toujours prévalu l'hypothèse d'une unité fondamentale du psi, les phénomènes OVNI n'étant qu'un cas particulier de psi. Cette unité s'est faite d'abord par la réduction du phénomène OVNI à l'hypothèse du sujet psi. On pourra lire à ce sujet les articles de François Favre et Pierre Viéroudy parus dans le numéro 6 de la revue Parapsychologie. Par analogie avec l'hypothèse selon laquelle les ectoplasmes apparaissant dans les phénomènes médiumniques sont en fait matérialisés par les médiums, les OVNI seraient en fait matérialisés par un individu ou une collectivité. Une telle hypothèse n'est pas nouvelle, puisque Jung la cite dans Un mythe moderne, pour la qualifier (p. 256) de “dépourvue de tout fondement”.

Une autre façon de défendre l'unité des phénomènes psi est de leur trouver des caractéristiques communes. Ainsi Guy Béney, dans son article du numéro 10 de la revue Parapsychologie, compte les OVNI parmi divers phénomènes psi qui ont d'après lui les propriétés suivantes : tout se passe comme s'ils attiraient l'attention (ils sont “interpellatifs”), tout en s'esquivant devant une curiosité trop appuyée (“élusifs”), dans le but de troubler, de déstabiliser le témoin (“subversifs”).

Notons enfin que pour un chercheur qui admet l'unité du psi, il est capital de s'intéresser de près au phénomène OVNI, étant donné l'importance de celui-ci sur le plan sociologique. En effet, les sondages montrent que la croyance aux OVNI est beaucoup plus répandue dans notre société que, par exemple, la croyance aux fantômes. Retour sommaire

Pour donner une réponse à cette question, on peut penser d'abord à définir ce qu'est une discipline scientifique. Et pour cela donner des critères qui permettent de séparer les disciplines qui sont scientifiques de celles qui ne le sont pas.Les épistémologues (spécialistes de la philosophie des sciences) ont donné de tels critères. Mais il faut savoir qu'il n'existe pas, entre les épistémologues, de consensus sur un critère, quel qu'il soit. Certains critères ont connu la célébrité, comme le critère de “falsifiabilité” de Karl Popper. Mais tous les critères proposés ont été critiqués. Il n'existe pas à l'heure actuelle un critère considéré par tous les épistémologues comme acceptable.

Un critère possible, mais évidemment critiquable, qui pourrait être qualifié de “sociologique”, est de laisser les scientifiques eux-mêmes séparer ce qui est science de ce qui ne l'est pas. Ainsi : est une discipline scientifique ce qui est considéré comme tel, à une époque historique donnée, par la majorité de ceux qui se reconnaissent entre eux comme étant des scientifiques. Selon ce critère, la parapsychologie n'est pas une science. En effet la majorité des scientifiques pensent que la parapsychologie n'est pas une science , et que les hommes de science, dont quelques Prix Nobel, qui ont étudié les phénomènes parapsychologiques, se sont fourvoyés.

Pour les parapsychologues eux-mêmes, la parapsychologie est-elle, peut-elle devenir, doit-elle devenir une science ? Nous nous limiterons, parmi les positions possibles sur ce sujet, à en citer trois. Un première position consiste à vouloir faire rentrer de la science dans la parapsychologie afin de faire de la parapsychologie une discipline scientifique. C'est la position des psychotroniciens des pays de l'Est et de tous ceux qui veulent réduire le psi a la physique actuelle. Une deuxième position consiste à vouloir faire de la parapsychologie une discipline scientifique afin de faire rentrer certaines croyances (en l“'immortalité de l'âme”, aux “pouvoirs de l'esprit”, etc.) dans la science. C'est la position de Rhine et de son école, et de tous ceux qui veulent réduire la parapsychologie à fournir des “preuves scientifiques” de leurs croyances. Pour ces deux premières positions, la parapsychologie est une science naissante. Ce n'est pas le cas pour une troisième position, qui consiste à dénier à la parapsychologie toute aptitude à devenir une discipline scientifique. Ainsi, pour certains parapsychologues, la parapsychologie ne peut être qu'un art, un savoir initiatique, ou une “anti-science”.

Enfin, au niveau de la diffusion sociale de la parapsychologie, il faut souligner la persistance d'une position paradoxale très répandue sur les rapports entre la parapsychologie et la science. Selon cette position la science n'est pas tout, il y a des choses qui échappent à la science, et cela, la parapsychologie le prouve. Et ces preuves fournies par la parapsychologie sont solides, car elles sont obtenues scientifiquement. Ainsi, selon cette position, la science est compétente à légitimer la dénonciation de sa propre incompétence, tandis que la parapsychologie est l'étude scientifique de ce qui ne peut pas être étudié scientifiquement. Retour sommaire

Comme les grandes théories scientifiques, les grandes théories philosophiques ne donnent pas de place, en-leur sein, aux phénomènes psi. Certes Platon déjà décrivait des phénomènes qui relèvent du psi, et sans aucun doute tous les philosophes ont dû lire des descriptions de phénomènes paranormaux. Mais ces phénomènes sont classés comme appartenant soit au domaine du religieux, soit au domaine de la superstition. De même qu'individuellement tout scientifique a uneopinion sur le psi, tout philosophe en a sans doute une. Mais de même que les scientifiques, en tant que collectivité, n'ont jamais permis au psi d'entrer dans la science “officielle”, les philosophes, en tant que collectivité, n'ont jamais admis le psi dans la philosophie officielle. Philosophes et scientifiques se rejoignent dans une position vis-à-vis du psi faite d'indifférence, de mépris ou d'hostilité.

Les parapsychologues, comme les chercheurs de toutes disciplines, ont chacun une position philosophique plus ou moins élaborée, et peuvent éventuellement la faire intervenir plus ou moins explicitement dans leur travail. Ainsi, au début du XXe siècle, les divergences entre le français Charles Richet et la tradition anglo-saxonne, sur l'importance respective de la clairvoyance et de la télépathie, étaient dues à des prises de positions philosophiques différentes. Des parapsychologues ont aussi utilisé des références au psi pour défendre des positions philosophiques : utilisation de la précognition pour défendre le déterminisme, ou des phénomènes spirites pour attaquer le matérialisme. Mais ils sont toujours restés fidèles aux catégories de la philosophie traditionnelle. Ils n'ont pas eux-mêmes apporté à la philosophie une nouvelle théorie, ils n'ont pas fait oeuvre de philosophe.

Seuls quelques marginaux ont tenté de bâtir des philosophies synthétiques qui prennent en compte le psi. Mais ils n'ont trouvé aucun écho important, que ce soit du milieu des parapsychologues ou du milieu des philosophes.

La prise en compte du psi est-elle pensable dans le cadre de la philosophie telle qu'elle s'est faite jusqu'à nos jours, ou bien nécessitë-t-elle une pensée nouvelle ? Le parapsychologue peut-il se satisfaire du pragmatisme de la recherche quotidienne, ou bien doit-il se subordonner à une doctrine philosophique élaborée ? Etant donné que nous ignorons actuellement le mécanisme du psi, nous sommes réduits à poser les questions. Retour sommaire

La mécanique quantique est une théorie physique qui décrit les phénomènes aux niveaux des atomes et des particules élémentaires. Les objets mathématiques qu'elle emploie, ce qu'on appelle son formalisme, lui permettent d'être remarquablement bien vérifiée par l'expérience. La plupart des physiciens sont satisfait de ce Formalisme et l'utilisent sans se poser de questions, mais queloues physiciens désirent trouver un sens à ce formalisme et élaborent ce qu'on appelle des interprétations de la mécanique quantique. Ces interprétations - sont considérées par beaucoup de physiciens comme relevant de la philosophie et non de la physique. En tout cas, trouver un sens physique au formalisme n'est pas une tâche aisée, comme en témoigne ce qu'on appelle les “paradoxes” de la mécanique quantique. Ces paradoxes sont des situations où les conséquences du formalisme sont surprenantes. Les interprétations essayent de rendre ces conséquences compréhensibles.

Il est bien sûr possible de travailler dans le domaine des interprétations de la mécanique quantique sans pour autant établir de lien avec la parapsychologie, comme en témoignent les travaux du physicien Bernard d ' Espagnat. Mais il faut reconnaître que certains concepts utilisés dans des interprétations de la mécanique quantique se prêtent particulièrement bien à des analogies avec certaines hypothèses avancées couramment en parapsychologie. Il en est ainsi par exemple de “l'action de la conscience de l'observateur” dans une mesure, pour la psychocinèse, du “renversement du sens du temps”, pour la précognition, et du “transfert d' information à vitesse supérieure à celle de la lumière”, pour la clairvoyance.

Si de nombreuses rencontres ont eu lieu, et ont encore lieu, entre physiciens et parapsychologues, on est encore loin d'un consensus dans ce domaine. Les physiciens ne sont pas tous d'accord avec le degré avec lequel on peut appliquer la mécanique quantique à la parapsychologie. Certains parapsychologues espèrent tenir enfin la théorie qui leur manque depuis tellement longtemps, mais d'autres ne cachent pas leur scepticisme.

On ne peut conclure sans citer Olivier Costa de Beauregard, physicien français, internationalement reconnu comme une autorité dans le domaine de l'application à la parapsychologie des interprétations de la mécanique quantique. D'après ce physicien, le psi n'est pas seulement une possibilité laissée ouverte par une interprétation, mais est une conséquence du formalisme de la mécanique quantique, et certaines prévisions de ce formalisme ont pour vérifications expérimentales les phénomènes psi eux-mêmes. On pourra lire Olivier Costa de Beauregard dans Parapsychologie n°8.(p.39-40), n° 11 (p. 20- 21), n° 12/13 (p. 37-38) , n° 14(p. 39).

Face aux tentatives d'explication des phénomènes psi basées sur la mécanique quantique et ses interprétations, les membres du GERP ont adopté des positions diverses et contradictoires. Cependant, si certains ont pu être séduits (voir l'article de Hervé Gresse et al., dans Parapsychologie no '7, P. 3-10), la plupart sont restés hostiles. Il n'y a pas de consensus sur les raisons de cette hostilité, mais les critiques les plus fondamentales ont été développées par le physicien Michel Duneau, dont on pourra lire les textes dans Parapsychologie no 7 (P.11-18) et no 11 (p.2-7).

En plus de critiques d'ordre technique sur certains concepts utilisés dans les interprétations de la mécanique quantique, Michel Duneau développe de nombreuses idées. Par exemple, on peut citer la mise en évidence du caractère “auto-contradictoire” d'une théorie qui prétend expliquer à la fois les phénomènes normaux et paranormaux comment une théorie physique comme la mécanique quantique peut-elle prévoir des phénomènes qui violent cette théorie elle-même ? D'autre part, Michel Duneau reproche à de nombreux chercheurs de confondre le phénomène étudié avec la représentation dans un langage formalisé de ce phénomène, de confondre l'objet et sa description. Il voit là la source de certains “paradoxes” de la mécanique quantique.

L'idée la plus fondamentale développée par Michel Duneau consiste à prendre un recul historique pour apprécier les rapports entre les théories physiques et les phénomènes parapsychologiques. On aperçoit alors une constante : les théories physiques nouvelles, mal connues ou mal comprises sont volontiers évoquées pour “expliquer” des phénomènes psi, puis sont abandonnées quand les progrès de la physique permettent de dissiper les confusions. Ainsi la théorie du magnétisme animal de Mesmer n'a pu revendiquer des analogies avec le magnétisme physique que tant que celui-ci était mal connu. Ainsi l'analogie entre télépathie et ondes radio n'a pas survécu à une meilleure connaissance de ces dernières. De la même façon sont amenées à disparaitre un jour les analogies entrevues à l'heure actuelle entre certains phénomènes psi et certaines théories physiques. Au premier rang de ces théories encore mal comprises et indûment détournées, figurent les interprétations de la mécanique quantique, mais d'autres, comme la théorie des plasmas, relèvent de la même analyse.

La parapsychologie est une vieille discipline. On peut déplorer qu'à ce grand âge ne soit pas associé un grand savoir théorique. Mais on peut aussi puiser dans la longue histoire de la parapsychologie les leçons qui doivent nous éviter de répéter les erreurs du passé. Retour sommaire

Selon certains, l'existence des phénomènes psi autorise à supposer l'existence de divers phénomènes à l'échelle de l'humanité ou même de l'univers. Ainsi, la télépathie, la psychocinese, permettraient de parler, d'un “esprit” de l'humanité formé par l'union télépathique des êtres humains. Certains étendent un tel “esprit universel” jusqu'à voir son existence dans toute particule matérielle. Cette omniprésence de l “esprit” donnerait à celui-ci un rôle directeur dans les évolutions cosmologique, biologique et sociale. Le psi permettrait aussi de légitimer les prétentions de l'astrologie. Enfin l'univers serait fondamentalement psi, et ce serait donc la nature profonde de l'univers qui nous est dévoilée lors des phénomènes psi.

Cependant, les phénomènes psi qui nous sont directement accessibles ne se produisent que dans la vie quotidienne des personnes. Le plus souvent, les cas spontanés de télépathie rapportés par les parapsychologues ne mettent en jeu que quelques intimes. C'est par des phénomènes tels que la torsion des petites cuillères que la psychocinèse nous est connue. Ainsi les phénomènes psi, tels qu'on les trouve dans la littérature parapsychologique, sont plutôt intimes et anecdotiques. Enfin l'hypothèse du “sujet psi”, selon laquelle le psi provient de pouvoirs inconnus de l'homme, n'est qu'une hypothèse parmi d'autres.

Peut-on déduire du psi, tel qu'il se présente à nous dans ses manifestations rares et limitées, tout ce qu'en déduisent certains ? Le psi tel qu'il s'exprime habituellement, peut-il vraiment être élevé au rang de principe directeur de l' univers ? Il existe encore de grandes lacunes dans notre connaissance de la nature. Mais peut-on, pour combler ces lacunes, extrapoler à l'échelle de l'humanité, de la terre ou du cosmos, l'hypothèse discutable, couramment avancée en parapsychologie, du sujet psi?

Cartes, un modèle de l'univers qui tiendrait compte du psi serait assez différent des modèles, répandus de nos jours, où le psi n'a aucune place. Mais rien ne permet de tenir pour acquis qu 'il soit nécessaire pour élaborer un tel modèle, de supposer valide l'hypothèse du sujet psi et d'extrapoler à partir de cette hypothèse. Si bien que le problème de la place du psi dans l'univers reste un problème ouvert. Retour sommaire

Les maisons hantées étaient déjà connues quand en 1848 est apparue aux Etats-Unis la pratique de l'interrogation des esprits par les “tables tournantes”et les médiums. Cette pratique s'est répandue en quelques années à travers le pays, puis en Europe. Elle a permis la naissance d'une discipline, le spiritisme. Cette discipline est fondée sur l'hypothèse de l'existence d'un “esprit”, indépendant du corps et capable de se manifester après la mort, par exemple par l'intermédiaire d'un médium. Le spiritisme suppose que les hantises et les phénomènes médiumniques sont dus à de telles manifestations, et se consacre à leur étude.

A l'hypothèse spirite s'oppose l'hypothèse selon laquelle les phénomènes seraient dus au pouvoir extraordinaire d'action de certains individus. Cette seconde hypothèse a été soutenue par le chercheur français Charles Richet, dès la fin du XIXè siècle. Elle a profondément imprégné l'école française de métapsychique, tandis que les chercheurs anglo-saxons lui préféraient l'hypothèse spirite. La controverse, venue au premier plan dans les années 1920, a abouti vers 1930 à une séparation entre d'une part les spirites et d'autre part des chercheurs dont la maiorité est acquise à l'hypothèse spirite mais la laisse de côté en pensant qu'elle reviendra au premier plan quand la recherche aura avancé . Le chercheur américain Rhine a fait partie de ce dernier groupe.

La parapsychologie expérimentale moderne a donc été créée par des chercheurs dont l'objectif ultime restait l'établissement de la survivance. Leur soumission tactique à l'hypothèse des pouvoirs inconnus a fait le jeu de celle-ci. En effet, la communauté parapsychologique s'est peu à peu grossie de chercheurs de moins en moins favorables à l'hypothèse spirite.

L'hypothèse des pouvoirs inconnus, ou hypothèse du sujet psi, prétend pouvoir rendre compte des phénomènes de hantise et des phénomènes médiumniques. Dans un cas de poltergeist (esprit frappeur), le parapsychologue recherche systématiquement le sujet psi qui en serait responsable. Cependant, les tenants de l'hypothèse spirite, devenus minoritaires parmi les chercheurs, gardent de nos jours un rôle précieux de dénonciation des excès de l'hypothèse du sujet psi, et de mise en évidence de ses limites. Retour sommaire

Comment l'humanité peut-elle acquérir des connaissances ? La science est-elle la seule façon valable d'acquérir des connaissances ? Ou bien est-ce que la connaissance scientifique ne peut pas dépasser certaines limites ? Ces questions sont d'ordre philosophique. La plupart des scientifiques travaillent dans leurs spécialités sans éprouver le besoin de donner à ces questions des réponses précises. Le scientisme est un courant philosophique qui fournit une réponse à ces questions. Pour le scientisme il n'y a de connaissance véritable que scientifique. La science n'a potentiellement pas de limite. Ce qui prétend échapper à la science est en fait dénué de sens.

La philosophie, dans sa plus grande partie, rejette le scientisme. La philosophie soutient qu'il y a des problèmes dignes d'attention qui ne relèvent pas de la connaissance scientifique. C'est pour la philosophie le cas des problèmes d'ordre général, de l' éthique, de la métaphysique. C'est le cas des problèmes mêmes que prétend résoudre le scientisme : problèmes des limites de la connaissance scientifique, de la valeur des méthodes scientifiques, de la légitimité de la façon dont les scientifiques emploient les concepts et en forgent de nouveaux.

Bon nombre de parapsychologues se donnent pour but de démontrer que le scientisme est une erreur en exhibant des phénomènes qui échappent à la science. Ils pensent donner plus de poids à leur démonstration en insistant sur le caractère scientifique de leurs enquêtes et expérimentations. Une telle position n'est pas nouvelle. Au XIXè siècle, les spirites prétendaient déjà faire une étude expérimentale de la survivance de l'âme. Le parapsychologue américain Rhine, au début de ses recherches, en 1929, voulait fonder une “religion expérimentale”, visant à tester les prétentions de la religion par les méthodes expérimentales de la science moderne. C'est un fait que ni les hommes de religion, ni les hommes de science, n'ont été convaincus.

Une des raisons de l'échec d'une telle position provient de ce qu'elle est assez paradoxale du point de vue du discours philosophique. En effet d'une part elle prétend s'opposer au scientisme d'une façon beaucoup plus radicale que ne s'y opposent les arguments philosophiques. Et d'autre part elle montre une confiance naïvement scientiste pour la procédure scientifique, y voyant une garantie incontestable, alors que la philosophie la met en question.

Une telle position n'est pas la seule possible. Le parapsychologue n'est pas condamné à une confiance scientiste en la vertu de la répétition sans fin de “démonstrations scientifiques” de la fausseté du scientisme. C'est en se donnant d'autres buts que celui de trancher des problèmes philosophiques tels que celui du scientisme, c'est en définissant ses méthodes sans souscrire à des principes critiqués, que l'étude des phénomènes paranormaux peut trouver sa cohérence et sa légitimité. Retour sommaire

Aussi discutable que puisse être de nos jours l'existence d'un lien réel entre phénomènes parapsychologiques et phénomènes hypnotiques, il ne fait pas de doute que d'un point de vue historique ces deux types de phénomènes sont intimement liés.

C'est en 1778 que le médecin autrichien Antoine Mesmer arrive à Paris et répand, sous le nom de magnétisme animal, une technique de guérison grâce à un “fluide” que le médecin “magnétiseur” fait pénétrer par des “passes” dans le corps du malade. Six ans plus tard, une commission de l'Académie des Sciences étudie le phénomène et conclut à l'inexistence du fluide et à l'action du “pouvoir de l'imagination”.

Un disciple de Mesmer, le marquis de Puységur, découvre un état particulier de sommeil magnétique dans lequel certains individus font parfois preuve d'une lucidité extraordinaire. Les magnétiseurs insistent de plus en plus sur cette lucidité, tandis qu'à la doctrine fluidique est préférée la doctrine “animiste”, selon laquelle le magnétiseur ne fait qu'encourager un sommeil partiel naturel. Une nouvelle commission, de l'Académie royale de médecine, conclut en 1840 à l'inexistence de cette lucidité.

En 1843, l'Anglais Braid inaugure une étude des “phénomènes hypnotiques” qui rejette la lucidité, ce qui rend possible sa prise en compte par la communauté scientifique. Deux écoles vont s'opposer : l'école de la Salpêtrière, pour laquelle l'hypnose est un état spécial du système nerveux, et l'école de Nancy, pour laquelle l'hypnose se réduit au phénomène psychologique de la suggestion. Charles Richet appartient à la première école, et mène de pair étude de l'hypnose et fondation de la métapsychique. C'est la deuxième école qui triomphe.

Bernheim, de l'école de Nancy, conclut en 1897 l'étude de l'hypnose par la communauté scientifique : il n'y a pas d'hypnotisme, pas d'état hypnotique, rien qu'un phénomène normal de suggestion. La théorie de la suggestion, à quoi se réduit l'hypnose, est développée par la psychanalyse. Mais la pratique de l'hypnose continue à fasciner un public nombreux, dans des milieux médicaux comme au music-hall.

La parapsychologie doit beaucoup au magnétisme animal et à l'hypnose, et notamment au niveau de l'hypothèse des pouvoirs inconnus de l'homme. Il est donc naturel que cette hypothèse pousse de nombreux chercheurs, comme l'Américain Rhine par exemple, en 1930, à utiliser l'hypnose pour “démontrer” plus aisément l'existence des pouvoirs psi. D'autres chercheurs obtiennent “sous hypnose” des récits de vies antérieures, des messages de l'au-delà ou des comptes rendus de rencontres avec des extra-terrestres. Mais, comme on pouvait s'y attendre étant donnée la nature de l'hypnose selon Bernheim, aucune caractéristique nouvelle, par rapport aux expériences menées ou aux témoignages collectés sans hypnose, n'a pu être découverte. Retour sommaire

Le terme d'“existence” pose des problèmes philosophiques considérables. Quelques remarques seulement seront ici faites.

La philosophie appelle le réalisme la position selon laquelle les choses ont une existence indépendamment de leur description, cette description n'étant qu'un reflet plus ou moins fidèle d'un monde naturel qui nous entoure. A l'opposé se trouve la position selon laquelle la réalité est créée par les affirmations des êtres humains, une idée ne pouvant renvoyer qu'à une autre idée, et non à une chose. Entre ces deux positions se trouve la position selon laquelle la réalité est le résultat d'une construction sociale, le produit des circonstances sociales, culturelles et historiques qui interviennent entre le monde extérieur et les affirmations des êtres humains.

Quelle que soit la position vers laquelle le lecteur se sent attiré par ses convictions philosophiques, il importe qu'il sache qu'aucun consensus n'existe, ni sur la solution à apporter à ce problème, ni sur la façon de poser le problème.

La science est souvent vue comme un passage incessant entre l'explication des faits par la théorie et la vérification de la théorie par les faits. Mais un fait, du moment qu'on le rapporte, se charge de la théorie implicite contenue dans les termes avec lesquels on le rapporte. Si bien que ce que l'on confronte, ce n'est pas seulement théorie et faits, mais c'est aussi théorie et présupposés implicites contenus dans la description des faits.

La théorie, ou des faits nouveaux, peuvent l'emporter. Des faits jusqu'alors indubitables se trouvent avoir tort, être infirmés. Ils deviennent des “faits apparents”, par opposition aux “faits réels”. C'est ce qui s'est passé pour des faits aussi flagrants que la rotation du soleil autour de la terre, la génération spontanée et la perception usuelle de l'espace et du temps.

En parapsychologie aussi, des faits réels sont devenus, pour certains, faits apparents. Les phénomènes spirites se présentent comme des manifestations d'“esprits désincarnés”. Pour de nombreux parapsychologues ce n'est là qu'une apparence, ces phénomènes étant en fait due à la clairvoyance ou à la psychocinèse du médium. De même, les OVNI se présentent comme des manifestations d'extra-terrestres, mais quelques chercheurs les rapprochent des hantises ou des productions expérimentales d'ectoplasme. A l'opposé, les torsions d'objets de métal semblent révéler les pouvoirs de l'esprit humain sur la matière, mais certains les attribuent aux extra-terrestres. Des parapsychologues doutent que l'apparente télépathie soit bien de la transmission de pensée.

Ceci rend le problème de l“existence” des phénomènes psi assez délicat : ce qu'on proclame “exister” pourrait bien n'être que l'apparence que se donne un phénomène plus complexe. Remarquons enfin qu'il est quelque chose dont même les plus “rationalistes” ne peuvent contester l'existence, à savoir le phénomène social constitué par les diverses croyances suscitées par les phénomènes psi.

Ce mot est introduit en 1882 par le chercheur anglais P.W.H. Myers pour désigner “la communication d'impressions de toutes sortes d'un esprit à un autre, indépendamment des voies sensorielles reconnues”. La parapsychologie appelle classiquement “agent” celui qui émet l'impression, et “percipient” celui qui la reçoit. Le mot de clairvoyance est utilisé pour désigner l'acquisition de connaissances sur des objets matériels et des événements, par des moyens autres que ceux des sens.

Cette terminologie pose des problèmes. Est-ce bien l'agent qui est actif, qui “émet” des impressions, ou ne serait-ce pas le percipient qui est actif, qui va chercher, en quelque sorte, les impressions de l'agent ? D'autre part, si on devine un message caché, est-ce de la clairvoyance de ce message, ou bien est- ce de la télépathie avec quelqu'un qui connait le message ?

Les réponses à ces questions varient selon les croyances des chercheurs qui tentent d'y répondre. Les chercheurs anglais du début du siècle sont influencés par les croyances spirites. Aussi préfèrent-ils, en majorité, l'hypothèse d'une télépathie où le percipient est passif, hypothèse qui s'accorde le mieux avec leur croyance en l'influence des “esprits désincarnés”. A cette tendance s'oppose l'école française de Charles Richet, pour qui la clairvoyance est le phénomène principal et la télépathie un cas particulier, la percipience étant alors la faculté réellement active.

De ces deux tendances c'est la deuxième qui l'emporte. Dans les années 1920, les chercheurs anglais commencent à douter de la distinction entre un agent actif et un percipient passif, et à prendre la clairvoyance au sérieux. La télépathie est vue par certains chercheurs non pas comme une transmission, mais comme le résultat d'une “harmonie” analogue à celle oui existe entre un émetteur et un récepteur radio. Le chercheur américain J.B.Rhine, dont les idées auront beaucoup d'influence, suppose le percipient actif. Pour Rhine, clairvoyance et télépathie sont deux aspects d'une même fonction qu'il appelle perception extra-sensorielle.

De nos jours la croyance au “sujet psi” favorise l'hypothèse d'un percipient actif. Mais surtout la tendance à l'unification s'est accentuée, comme en témoigne le terme de “phénomènes psi”, de plus en plus utilisé. On fait remarquer que télépathie et clairvoyance peuvent parfois être décrites en termes de psychocinèse ou de précognition. On recherche des explications globales. Enfin la comparaison avec d'autres formes de paranormal que celles mises en avant par la parapsychologie amènent à jeter un doute sur les hypothèses habituellement avancées pour rendre compte de la télépathie. Retour sommaire

Classiquement, en parapsychologie, une apparition a lieu quand on croit voir une personne qui est en fait en un autre endroit, ou qui est morte. Quand l'apparition d'une personne morte se répète en un lieu, on parle de hantise. On parle aussi de “grande hantise”, par opposition aux “petites hantises” que sont les poltergeists, ou l'on entend des phénomènes sans voir d'apparitions.

Une telle définition, héritée des doctrines spirites, semble à certains trop restrictive. En élargissant la définition, on peut considérer comme étant des apparitions :

  1. des êtres vivants décrits par le folklore : animaux mystérieux (loups-garous, serpents de mer, hommes des neiges), lutins, fées ;
  2. des êtres relevant des religions : dieux, démons, anges, Saintes Vierges ;
  3. des spectres revenant de l'au-delà : fantômes, vaisseaux fantômes, esprits matérialisés lors des séances spirites ;
  4. les soucoupes volantes et les extra-terrestres qui en sortent.

Pendant longtemps chaque communauté de chercheurs a eu tendance à ne considérer que la catégorie d'apparitions qui l'intéressait. De nos jours, la tendance est plutôt au rapprochement entre les catégories. Ainsi des ufologues ont rapproché des soucoupes volantes les apparitions de lutins ou les apparitions de la Sainte Vierge. Certains chercheurs ont tenté de regrouper tous les phénomènes d'apparition sous l'hypothèse que leurs croyances leur font préférer. Ainsi certains ont soutenu l'origine diabolique de toutes les apparitions, exceptées bien entendu celles envoyées par leur dieu. Certains chercheurs ont soutenu que les apparitions sont dues à une psychocinèse d'un ou plusieurs “sujets psi”. De la même façon, certains chercheurs attribuent aux extra- terrestres l'origine de nombreuses apparitions.

Que peut-on dire des apparitions, si l'on rejette les conclusions faciles dictées par une croyance a priori en les démons, les esprits des morts, les sujets psi ou les extra-terrestres ? D'abord qu'il existe des “familles” d'apparitions liées à des familles de phénomènes dont chacune tend à promouvoir une croyance. Que ces familles sont en nombre limité. Qu'il peut surgir une nouvelle famille de nos jours (les soucoupes volantes datent de 1947). Que ces familles peuvent disparaître en devenant légende, ou être récupérées par une autre famille : ainsi la parapsychologie reprenant à son compte les phénomènes spirites. Enfin qu'il existe aussi des apparitions atypiques : residus de familles mort-nées, futures bases de familles encore à naître ? Le fait est qu'elles embarrassent parfois ceux dont les croyances fournissent des explications toutes faites. Retour sommaire

Depuis la fin du XVIIIè siècle, les hommes de science sont les principaux opposants à l'étude du paranormal. L'opposition due à l'Eglise a perdu de son importance. L'opposition due à la presse n'est que le résultat de l'alignement de celle-ci sur la position des hommes de science.

L'opposition des scientifiques a souvent pris des formes dépourvues de nuances. Ainsi l'un d'eux a pu dire que la télépathie étant impossible, même le témoignage de ses propres sens ne pourrait le conduire à y croire, tandis qu'un autre a pu dire que même si les phénomènes étaient authentiques, ils ne I'intéresseraient pas. À première vue, la fermeté de cette opposition peut surprendre. Comment des scientifiques renommés peuvent-ils refuser de considérer des faits, alors que la méthode scientifique recommande d'être soumis avant tout aux faits ?

Les travaux menés par des historiens, des philosophes et des sociologues, surtout depuis le début des années 1960, à la suite de Thomas Kuhn, fournissent des réponses à ce problème. L'étude de la science telle qu'elle se fait montre qu'elle suit des voies qui ne sont pas ce que, d'après les philosophes qui ont édicté la méthode scientifique, elles devraient être. Cette “méthode scientifique” n'étant qu' un recueil de principes, peut-être fort raisonnables, mais ayant peu de rapports avec la conduite réelle de la science, il n'est plus surprenant que des scientifiques renommés semblent ne pas s'y soumettre. De plus, il devient compréhensible que tenter de suivre la “méthode scientifique”, comme l'ont fait les disciplines qui étudient le paranormal, ne permette pas de parvenir à convaincre les opposants. On peut donc maintenant comprendre la fermeté de l'opposition, comme l'échec des chercheurs dans le domaine du paranormal. Peut-on trouver des remèdes ?

L'un des caractères de la science telle qu'elle se fait, mis en avant par de nombreux historiens, philosophes et sociologues, est l'importance des théories, voire leur suprématie sur les faits. Le scientifique ne peut travailler sur un fait que si celui-ci peut prendre place dans un cadre théorique. Le parapsychologue a donc intérêt à élaborer des théories dans le cadre duquel les faits qu'il étudie puissent se penser. C'est bien ce qu'il fait. Pourquoi cela ne satisfait-il pas les scientifiques ?

Il faut remarquer que, quand elles ne sont pas explicitement fondées, comme le spiritisme, sur une croyance religieuse, les théories avancées par les parapsychologues font appel à des concepts plus familiers des milieux de la philosophie que de ceux de la science. Par exemple, lors de recours à une discipline aussi apparemment exacte que la mécanique quantique, on trouve évoquer la “conscience” de l'observateur. Certes, il existe d'autres conditions, pour pouvoir être pris en considération par le monde scientifique, qu'une base théorique solide. Mais, tant que les parapsychologues n'auront à proposer aux scientifiques que des théories présupposant certaines positions philosophiques discutées, il y a peu d'espoir que l'opposition aux phénomènes paranormaux faiblisse. Retour sommaire

On appelle prémonition, ou précognition, l'acquisition paranormale de connaissances sur des événements à venir. Rares au début du siècle, les témoignages de précognition constituent de nos jours la plus grande partie des phénomènes parapsychologiques spontanés. Ces précognitions spontanées surviennent, le plus souvent, lors de rêves. Dans de nombreux cas, il est difficile de déterminer la date à laquelle la précognition se réalisera.

La précognition a soulevé des problèmes théoriques. Comment distinguer précognition d'un événement d'une part, et psychocinèse qui produit cet événement d'autre part ? Comment distinguer clairvoyance d ' une part et précognition de l'instant où cette clairvoyance est confirmée d'autre part ? Les parapsychologues n'ont pu établir de telles distinctions, ce qui a contribué à préférer le terme générique de “psi” au découpage classique en télépathie, clairvoyance, précognition et psychocinèse. Certains chercheurs ont proposé un modèle faisant dériver tout le psi de la précognition. Enfin, remarquons que la précognition semble impliquer un déterminisme qui choque les convictions philosophiques de certains, et conforte les convictions philosophiques d'autres.

Le temps entre en jeu lors d'autres phénomènes paranormaux que les précognitions. Il existe des témoignages d'arrête de montres ou d'horloges lors d'événements tels que la mort d'un proche. Des arrêts de montres se produisent aussi avant, ou pendant, une observation rapprochée d'OVNI. Les “extra- terrestres” semblent avoir un curieux rapport avec le temps. Parfois, ils n'en comprennent pas le sens. Ceux qu'ils enlèvent vivent, lors de leur enlèvement, une période de temps plus courte, ou plus longue que celle vécue par ceux restés sur terre. On retrouve ici un thème classique des légendes de lutins. Les enlevés décrivent aussi des horloges sans aiguilles, que l'on retrouve dans les “villages fantômes”.

Le temps peut-il encore de nos jours être considéré comme un simple obstacle, que le “sujet psi” peut, grâce à ses “pouvoirs inconnus”, dépasser ? Ou bien les phénomènes paranormaux nécessitent-ils, pour être analysés, une théorie du temps qui nous échappe encore ? Quoi qu'-il en soit, les théories avancées à l'heure actuelle sont loin de rendre compte des phénomènes dans toute leur complexité.

Une position est dite réductionniste (on dit aussi réductiviste), si elle réduit quelque chose à autre chose plus simple ou plus fondamentale. On voit qu'avec une telle définition, ce mot peut être utilisé dans des circonstances très variées. Nous nous limiterons à deux utilisations courantes, et à quelques emplois de ce mot en parapsychologie.

Dans une première utilisation courante, le réductionnisme désigne une position philosophique. Selon cette position, il est théoriquement possible de décomposer tout phénomène en d'autres phénomènes plus simples, et donc de réduire l'étude d'un phénomène en l'étude de ces autres phénomènes plus simples. Ainsi, selon cette position, la sociologie peut se réduire à la psychologie, puisqu'un phénomène social étudié par le sociologue peut se décomposer en la somme des actes des individus concernés, qui sont du ressort de la psychologie. De la même façon, la psychologie peut se réduire à la biologie, la biologie à la physique, et la physique aux mathématiques. A cette position réductionniste s'oppose la position philosophique selon laquelle il y a des phénomènes qui ne peuvent pas être décomposés en des éléments plus simples.

Dans une seconde utilisation courante, le réductionnisme désigne une méthode scientifique qui consiste à décomposer un phénomène en des éléments plus simples auxquels on peut appliquer des disciplines considérées comme plus fondamentales. Autrement dit, cette méthode reductionniste consiste à suivre, dans la pratique et sur un cas précis, le réductionnisme philosophique. Il convient de ne pas confondre ces deux sortes de réductionnisme. En effet, on peut très bien utiliser une méthode réductionniste, et de façon apparemment efficace, comme en biologie moléculaire , par exemple, sans pour autant souscrire aux idéaux de la philosophie réductionniste. Inversement, on peut très bien, comme l'ont fait Freud et Marx, afficher une philosophie résolument réductionniste, tout en développant des méthodes originales, puisque la psychanalyse ne se réduit pas à la biologie, ni le marxisme à la psychologie . (Il faut noter que psychanalyse et marxisme sont considérés comme réductionnistes dans une autre acception du terme.) De nos jours, un des principaux opposants à la méthode réductiomiste est le mathématicien René Thom, qui préfère une approche “structurale”.

En parapsychologie, le terme de réductionnisme s'emploie aussi en des circonstances très variées. Dans son utilisation la plus courante, il qualifie les explications des phénomènes paranormaux qui réduisent ceux-ci à des phénomènes connus : hallucinations, illusions, hystérie, hyperesthésie (grande sensibilité des sens), fraude, prestidigitation, géologie (pour certains cas de poltergeists et d'OVNI), etc. Le terme de réductionnisme peut aussi qualifier les explications qui réduisent tous les phénomènes paranormaux ou la plupart d'entre eux à une unique source. En ce sens, on peut dire que la parapsychologie de nos jours, et en particulier au GERP, est assez réductionniste. Dans chacun de ces emplois, il convient de distinguer, comme cela a été fait dans les paragraphes précédents, un réductionnisme de principe, qui vise un idéal théorique où l'on peut opérer une certaine réduction, et une méthode réductionniste, qui se contente dans la pratique et sur un cas précis, de proposer une telle réduction. Enfin, peut-on qualifier de réductionnistes les explications avancées de nos jours en terme de mécanique quantique ou de bio-plasma ? Nous nous contenterons de poser la question.

En conclusion, il faut bien voir que le terme de réductionnisme est un terme péjoratif même s'il est revendiqué hautement par certains, il reste peu précis et on doit, sous peine de se voir mal compris, l'utiliser avec précaution. Retour sommaire

La psychanalyse est une discipline fondée par Freud à la fin du XIXè siècle. A l'origine méthode efficace de traitement de certains troubles mentaux, elle devient une théorie qui étudie un grand nombre de phénomènes : rêves, lapsus, folie, etc. De nos jours, la psychanalyse est bien implantée dans les milieux psychiatrique et universitaire de nombreux pays. Cependant, dans ces mêmes milieux, elle demeure contestée par certains . Il convient de ne pas confondre la psychanalyse avec la psychologie jungienne, qui en est issue mais s'en est fort éloignée.

Freud fait preuve, jusqu'à sa mort en 1939, d'un intérêt sans cesse croissant pour la transmission de pensées. D'abord, malgré l'opinion de certains de ses disciples, il se range à l'avis d'autres disciples, qui font valoir qu'il sera beaucoup plus difficile de défendre une psychanalyse déjà très contestée, si elle admet l'existence d'un phénomène aussi décrié que la transmission de pensées. En 1921, Freud fait cependant une prudente communication sur des cas de télépathie. Puis d'autres psychanalystes publient des cas analogues. En 1932, Freud publie un long article sur ce sujet, dans lequel il estime que la psychanalyse est parvenue à une position assez solide pour qu'elle puisse l'aborder sans risque d'y perdre de la crédibilité.

Par la suite, et encore de nos jours, la plupart des psychanalystes ont suivi la position de Freud. La télépathie est admise, mais rarement évoquée. Les autres phénomènes paranormaux sont refusés. Les liens entre les milieux psychanalytique et parapsychologique sont donc assez ténus. Quelques parapsychologues sont , de formation, des psychanalystes, mais ils n'ont pas fait école.

Du point de vue de la théorie, les psychanalystes se sont pour la plupart rangés aux côtés de Freud. Pour eux, la télépathie est en soi un phénomène étranger à la psychanalyse. C'est-à-dire que la psychanalyse ne peut pas fournir une théorie de la télépathie. Quand une transmission de pensées a lieu lors d'une cure psychanalytique, elle doit être analysée comme l'est un rêve, un lapsus ou un fantasme. Mais si un événement télépathique particulier peut se voir appliquer les méthodes de la psychanalyse, l'explication des phénomènes télépathiques dans leur ensemble ne relève pas de la psychanalyse. A cette position s'oppose celle selon laquelle la psychanalyse peut fournir des outils conceptuels utiles à l'élaboration d' une théorie de la télépathie et des autres phénomènes psi. Certains chercheurs ont proposé, sans succès, de telles théories.

Occupées par les controverses avec leurs adversaires, traversées de courants multiples et rivaux, chacune des deux disciplines que sont psychanalyse et parapsychologie considère parfois l'autre comme une alliée encombrante. L'une d'elle parviendra-t-elle à la respectabilité d'une science reconnue, et, si c'est le cas, cela sera-t-il bénéfique à l'autre ? La question reste posée.

Trois hypothèses sont souvent avancées pour rendre compte des phénomènes paranormaux : l'hypothèse spirite, l'hypothèse de l'existence de pouvoirs inconnus de l'homme, et l'hypothèse extra-terrestre, qui est venue concurrencer les deux premières depuis le milieu du XXè siècle. L'hypothèse diabolique est beaucoup moins citée. Elle a pourtant une importance historique et sociale considérable.

En quoi consiste cette hypothèse diabolique ? Comme chacune des trois autres hypothèses, elle présuppose une croyance, sur laquelle elle est fondée. Selon cette croyance, il existe deux entités,nommées Dieu et diable ; ces deux entités peuvent agir sur la terre ; des critères permettent de discerner une activité divine d'une activité diabolique. L'hypothèse diabolique consiste à attribuer à l'activité diabolique les phénomènes paranormaux qui ne relèvent pas de l'activité divine.

L'hypothèse diabolique a constitué la principale forme de théorie du paranormal avant le XVIIIe siècle, à une époque où l'autorité de la religion n'avait pas encore été menacée par l'autorité de la science. Elle se distingue ainsi des trois autres hypothèses, qui se sont développées à des époques où la science possédait une autorité reconnue, et qui se sont heurtées à cette autorité. Alors que les trois autres hypothèses se définissent par rapport à l'autorité de la science, qu'elles contestent cette autorité ou essayent de se la rallier, l'hypothèse diabolique, quant à elle, se définit par rapport à l'autorité de la religion.

L' hypothèse diabolique n'a-t-elle plus alors qu'un intérêt historique ? Le soutien qu'elle rencontre encore n'est-il qu'un vestige d'un passé révolu ? Le croire serait sous-estimer gravement la force de la religion. La religion a su résister efficacement à l'offensive spirite à la fin du XIXE siècle. De nos jours, la position officielle de la religion est encore d'attribuer à des manifestations diaboliques la plupart des phénomènes paranormaux . Les sondages montrent que la croyance au diable est encore très vivace, même si elle est moins répandue maintenant que les croyances aux perceptions extra-sensorielles ou aux extraterrestres. De nombreuses personnes croient en l'origine diabolique des OVNI. Des livres sont consacrés à la défense de cette position (tel, en France, celui de Jean Robin - Les Objets Volants Non Identifiés ou la Grande Parodie, chez Guy Tredaniel, Editions de la Maisnie, Paris, 1977.)

L'hypothèse diabolique n'a donc pas seulement une importance historique, mais possède encore une importance sociale. Son sort est en fait lié à celui de la religion qui la soutient. Si, d'une part , l'actuel recul de la religion provoque un recul de cette hypotèse, d'autre part cette hypothèse est assurée de se maintenir aussi longtemps que la religion, et donc peut-être de survivre à l'une des trois autres hypothèses. Il ne faut pas oublier que notre ignorance est telle, en ce qui concerne l'origine des phénomènes paranormaux, qu'aucun consensus ne s'est encore fait en faveur d'une des hypothèses en présence. Dans l'état actuel de nos connaissances, la croyance au diable n'est ni plus ni moins un acte de foi que ne l'est la croyance au sujet psi. Ceci, ainsi que l'importance historique et sociale de l' hypothèse diabolique, interdit d'exclure a priori cette hypothèse de l'ensemble des hypothèses qui prétendent rendre compte du paranormal. Retour sommaire

En quoi consiste la méthode scientifique ? C'est un ensemble de principes qui, d'après les philosophes des sciences, gouvernent les sciences. Citons quelques uns de ces principes. La science part des faits, choisit pour en rendre compte la théorie la plus simple possible. De préférence, cette théorie doit être quantitative, et doit être objective, c'est-à-dire ne pas faire intervenir l'expérimentateur ou l'observateur.

Dans l'étude du paranormal, tous les chercheurs n'ont pas aspiré à être “scientifiques”. Ainsi, par exemple, certains spirites se sont plus préoccupés des informations sur l'au-delà fournies par les médiums, que de la façon dont ces informations étaient obtenues. Cependant, en majorité, les chercheurs ont attaché de l'importance à ce qui pouvait rendre leurs travaux plus “scientifiques”. Dans l'étude des médiums, ils ont multiplié les précautions contre la fraude, ils ont fait appel à des témoins neutres, ou même sceptiques. Ils ont utilisé des appareils de plus en plus sophistiqués. Àinsi, en 1931, le français Eugène Osty, pour étudier le médium Rudi Schneider, dans l'obscurité, utilisait un appareil photographique à ultraviolet, déclenché par une cellule photoélectrique à infra-rouge.

Citons d'autres exemples. Dans les études statistiques du paranormal, l'américain Troland, dès 1916, employait un appareillage entièrement mécanique. Après que Rhine ait été critiqué pour avoir mal utilisé les statistiques, ce sont les statisticiens professionnels eux-mêmes qui, en 1937, ont défendu la validité de l'analyse statistique effectuée par Rhine. Ces méthodes statistiques ont fait leurs preuves en biologie et en psychologie.

Cependant, bien que les parapsychologues fassent appel à la méthode scientifique, leurs conclusions sont rejetées. De plus, leurs plus farouches critiques sont ceux-là mêmes qui donnent le plus de valeur à cette méthode scientifique. Comment expliquer ce paradoxe ?

Avant tout, il serait faux de croire qu'il existe une méthode scientifique unique et indiscutable. Un consensus n'existe, parmi les philosophes des sciences, sur pratiquement aucun concept ni aucun principe de la philosophie des sciences. Les définitions les plus diverses de notions fondamentales telles que le fait, l'objectivité, la science, ont été critiquées. De plus, certains , tout en reconnaissant l'existence d'une méthode scientifique, nient sa primauté, voire sa valeur, parmi les sources de connaissance. Pour d'autres, tel Paul Feyerabend, c'est l'existence même d'une méthode scientifique qui est mise en doute.

La plupart des chercheurs qui mettent en doute l'existence même d'une méthode scientifique, voient en elle une idéologie chargée de faire croire aux scientifiques qu'ils font bien la science telle qu'elle devrait se faire. Mais la science telle quelle se fait, quant à elle, a peu de rapport avec cette idéologie. Parmi ces chercheurs, certains, comme Thomas Kuhn, pensent que la rationalité de la science est à chercher, non dans une “méthode”, mais dans les rapports sociaux entre les scientifiques.

Les critiques de la parapsychologie lui reprochent de ne pas suivre la “méthode scientifique”. Si cette “méthode scientifique” n'est qu'un rêve de philosophes, il n'est pas étonnant que toutes les tentatives des parapsychologues pour satisfaire, en suivant cette “méthode”, ceux qui les critiquent, soient restées vaines.

De plus, ces tentatives risquent de rester vaines encore longtemps.

On appelle “phénomènes de la médiumnité” les phénomènes observée par un petit groupe de personnes, le plus souvent dans une pièce obscure, autour d'un “médium” que l'on dit “en transe”. Parmi ces phénomènes, on distingue classiquement, en parapsychologie, les phénomènes psychiques, tels la clairvoyance ou la précognition manifestée par le médium, et les phénomènes physiques. Les phénomènes physiques de la médiumnité consistent principalement en des déplacements d'objets, en divers bruits ou odeurs, et en l'apparition d'une substance le plus souvent blanchâtre, qui peut prendre une grande variété de formes. Le français Charles Richet, au début du XXe siècle, a nommé cette substance “ectoplasme”. D'autres noms lui ont été donnés, tels, par exemple, ceux de “téléplasme”, “idéoplasme”, ou plus récemment, “plasma psi”.

Une telle substance a été observée dès le début des phénomènes spirites, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Elle semble issue du corps du médium, sous la forme d'une vapeur lumineuse, ou bien de “pseudopodes”. Elle se déforme constamment, et peut prendre de façon provisoire l'apparence d'un corps humain avec ses vêtements, d'une main humaine ou des objets les plus divers. On dit alors que ces objets ont été “matérialisés”.

Les principales études sur l'ectoplasme sont celles qu'ont menées, dans les années 1910, l'allemand Albert von Schrenck-Notzing, les français Juliette Bisson et Gustave Geley, et le britannique William Crawford. De nombreuses photographies d'ectoplasmes ont été prises. Parfois, les médiums sont fouillés avant chaque séance pour prévenir les accusations de fraude de la part des sceptiques.

Les grands médiums à effets physiques ont disparu au début des années 1930, en concomitance avec une multiplication des accusations de fraude. Tous les médiums ont été accusés de produire leurs ectoplasmes par des tours d'illusionisme. Les personnes qui les ont étudiés ont été accusées soit d'avoir été les complices des médiums, soit de s'être laissées berner. Parmi les critiques les plus farouches se trouvent de nombreux membres des sociétés de recherche psychiques, qui défendent l'existence de la télépathie, mais refusent les phénomènes physiques de la médiumnité.

Des chercheurs ont essayé de relier le phénomène d'ectoplasmie aux autres phénomènes paranormaux. C'est de la psychocinèse que l'ectoplasme est le plus souvent rapproché. Crawford a tenté d'expliquer la psychocinèse par la production de “leviers” d'ectoplasme qui font bouger les objets à distance. Inversement, pour d'autres chercheurs, la psychocinèse est le phénomène de base qui permet la production d'ectoplasme. Les ectoplasmes ont été aussi rapprochés des phénomènes d'apparitions : fantômes, apparitions religieuses ou OVNI.

Que savons-nous de nos jours sur l'ectoplasmie ? Comme en ce qui concerne les autres phénomènes paranormaux, les opinions des chercheurs dépendent surtout de leurs convictions philosophiques. Déjà, il n'était peut-être pas indifférent que l'auteur de l'hypothèse des “leviers” ectoplasmiques, Crawford, ait été professeur de mécanique. En fait, nous ne savons même pas si c'est réellement le médium qui produit l'ectoplasme, ou si cette production apparente n'est que ce qu'une entité ou un mécanisme inconnu donne à voir. Dans ce dernier cas, l'ectoplasme remplirait, pour ceux qui préfèrent croire au “sujet psi”, la fonction que remplissent les fantômes de décédés pour ceux qui préfèrent croire à la survie de l'âme, ou les atterrissages d'humanoïdes pour ceux qui préfèrent croire aux extraterrestres.

Il est de tradition, parmi les auteurs dans le domaine du paranormal, d'être optimiste quant à l'avenir de l'étude du paranormal. Pour tous ces auteurs, les croyances qu'ils soutiennent ne sauraient, à plus ou moins long terme, que se développer, être “reconnues”, et prendre une place importante parmi les connaissances humaines. L'avenir dira si cet optimisme est justifié. Ce que l'on peut déjà dire, c'est que se sont trompés les nombreux auteurs qui ont annoncé pour une époque de nos jours révolue l'accomplissement de leurs espérances.

L'avenir de l'étude du paranormal dépend avant tout des faits eux-mêmes. Une vague de phénomènes peut survenir brutalement et prendre, en peu de temps, une importance sociale considérable. Cela a été le cas des phénomènes spirites, à partir de 1848, et des soucoupes volantes, à partir de 1947. Une famille de phénomènes peut aussi, après une période de prospérité, décliner et perdre toute importance sociale. Cela a été la cas, à partir de 1934, des grande médiums à effets physiques. Ce qui provoque ces apparitions et ces disparitions de familles de phénomènes paranormaux nous est encore inconnu.

Quels sont les avenirs possibles pour la parapsychologie ? La diminution ou la disparition du paranormal pourrait provoquer son extinction pure et simple, ou sa relégation dans un folklore excentrique. Une discipline marginale comme la phrénologie (étude du caractère d'après la forme du crâne) a connu ce sort.

Ou bien l'état actuel pourrait continuer, avec peut-être de nouveaux types de phénomènes, joignant, ou relayant, ceux déjà connus. Enfin le paranormal pourrait être reconnu “officiellement”, c'est-à-dire par les élites intellectuelles qui le rejettent actuellement. Dans ce cas, cette reconnaissance pourrait être due à des faits nouveaux irrécusables, ou à une théorie acceptable par tous. La considération de quelques disciplines maginales permet de préciser comment pourrait se faire une reconnaissance de la parapsychologie. Une discipline marginale peut, sans être intégrée à la science, obtenir une importance sociale comparable à celle de certaines disciplines scientifiques. C'est le cas de la psychanalyse et, dans certains pays, du marxisme. Une discipline marginale peut, comme l'acupuncture, obtenir que la science se penche sur elle. Certains phénomènes ont longtemps été considérés comme paranormaux, et rejetée comme tels, avant d'être reconnus par la science. Il en est ainsi des météorites, de l'hypnose, et des personnalités multiples. Il faut noter que, dans ces cas, la science ne fait pas référence aux précurseurs marginaux qui ont étudié ces phénomènes. Tout se passe comme si ces phénomènes n'acquéraient d'existence réelle qu'au moment de leur reconnaissance par la science, la gloire revenant à celui qui a fait entrer le domaine d'étude, considéré comme nouveau, dans la science.

Enfin, les travaux actuels sur le paranormal seront peut-être, dans le futur, utilisés de la même façon que les astronomes, de nos jours, ont utilisé l'observation d'une supernova par les astronomes chinois en 1054 : c''est-à-dire comme une donnée précieuse recueillie par des gens qui, à l'époque, ne pouvaient pas comprendre de quoi il s'agissait. Retour sommaire

Il est peu fréquent de voir les mots “parapsychologie” et “politique” se côtoyer. Dans les textes relevant de l'un de ces deux termes, on trouve généralement peu d'allusions à l'autre. Cependant des textes existent, qui traitent des rapports entre la politique d'une part, et les sciences, les arts ou les religions d'autre part. Si bien que des textes analogues peuvent être envisagés, consacrés aux rapports entre la politique et la parapsychologie, que cette dernière soit considérée comme une science, un art ou une croyance de nature religieuse. Une telle analogie permet d'entretenir la richesse potentielle des rapports entre politique et parapsychologie.

En règle générale, la croyance au paranormal est plus répandue dans les milieux dits “de droite” que dans ceux dits “de gauche”. La tradition socialiste défend des valeurs telles que la raison et la science, tandis que les positions conservatrices soutiennent en général une certaine spiritualité.

Cependant de nombreuses exceptions existent à cette règle générale. Par exemple, le militant socialiste Upton Sinclair a soutenu I'existence de la télépathie. D'autre part, une adhésion profonde à une certaine forme de spiritualité peut provoquer le rejet d'autres formes : ainsi les catholiques pratiquants croient moins au paranormal que les non-pratiquants.

Aucun pays n'a jusqu'ici défini une politique de recherches en parapsychologie. En Union Soviétique, seule une partie de la parapsychologie est étudiée. Les nombreux laboratoires américains de parapsychologie vivent surtout de fonds privés. La recherche sur les OVNI est un peu plus favorisée. En France, un organisme est officiellement chargé de s'occuper de ces phénomènes. En 1978, I'ONU s'est penchée sur le problème des OVNI.

A propos des rapports entre parapsychologie et politique, il convient de ne pas confondre le sens usuel des mots “de droite” et “gauche” avec le sens spécial que William McDougall a donné à ces mots en 1920. McDougall distingue, parmi les chercheurs qui étudient les phénomènes parapsychologiques, une aile droite, prudente et soucieuses d'extrêmes précautions expérimentales, et une aile gauche, prête à relâcher la rigueur des expérimentations pour obtenir des résultats plus spectaculaires. Selon cette distinction, les milieux spirites sont plus “à gauche” que par exemple, l'Institut Métapsychique International (IMI) en France, ou la Society for Psychical Research (SPR) en Grande-Bretagne.

D'autres rapports entre politique et parapsychologie peuvent être envisagée. Ainsi, pour certains chercheurs, la parapsychologie n'est pas seulement l 'étude de certains phénomènes, mais elle est aussi un art de vivre qui implique des prises de positions éthiques et politiques. On peut aussi se poser le problème de l'intervention cachée du psi dans les événements politiques, particulièrement quand le “hasard” semble avoir des conséquences importantes. Enfin, les diverses croyances véhiculées par les événements paranormaux, telles les croyances à la survie de l 'âme, au sujet psi ou aux extraterrestres, sont assez répandues pour avoir une influence sur l'opinion et, par ce moyen, avoir des conséquences politiques. Retour sommaire

L'astrologie est fondée sur I'existence supposée d'un rapport entre certaines propriétés d'un sujet d'étude, d'une part et, d'autre part, la position du soleil, de la lune et des planètes dans le ciel, au lieu et à l'instant où s'est produit un évènement concernant fondamentalement ce sujet. En général, mais pas exclusivement, le sujet est un individu, l'événement le concernant est sa naissance, et les propriétés du sujet sont sa personnalité, ses rapports avec la société, son avenir, etc..

Un astrologue établit, à partir de la date et du lieu de l'événement, et à l'aide de tables de positions astronomiques, un ou plusieurs diagrammes qui constituent un résumé de l'état du ciel lors de l'événement. Il interprète ensuite ces diagrammes, sur la base, d'une part, d'une ou de plusieurs des nombreuses traditions astrologiques, dont certaines remontent à l'antiquité, et d'autre part de son expérience personnelle de l'astrologie. Enfin, il produit une synthèse, plus ou moins détaillée, de ses interprétations.

L'astrologie a-t-elle un rapport quelconque avec la parapsychologie ? A première vue, l'astrologie semble éloignée des préoccupations principales de la parapsychologie, c'est-à-dire des apparitions et des cas spontanés ou expérimentaux de clairvoyance, psychocinèse, etc.. L'astrologie relève davantage du réseau de ce qu'on appelle “sciences occultes”. Elle s'apparente ainsi à l'alchimie et aux divers systèmes de divination, dont elle partage certaines valeurs, comme l'importance de la “tradition” et du “symbolisme” . Cependant il n'y a aucun consensus sur l'origine des phénomènes paranormaux, si bien que certains affirment qu'astrologie et parapsychologie peuvent être pensées à l'intérieur d'un cadre théorique commun. D'autres, au contraire, n'admettent pas d'autres rapports qu'une éventuelle intervention de la clairvoyance ou de la précognition lors du travail d'interprétation de l'astrologue..

D'un point de vue sociologique, l'astrologie et la parapsychologie ne peuvent pas être confondues. Certains sondages montrent en effet que les personnes qui croient à l'astrologie ne sont pas réparties dans la société de la même façon que les personnes qui croient à la parapsychologie.

Enfin, comme pour la parapsychologie, se pose le problème de la vérification expérimentale de l'astrologie. Apparemment, cette vérification est plus simple qu'en parapsychologie. Il suffit, semble-t-il, d'appliquer l'analyse statistique à un échantillon de population pour voir s'il existe des corrélations entre la position des planètes à l'instant de la naissance, et certaines caractéristiques humaines. Le français Michel Gauquelin a ainsi trouvé, dans son échantillon, des corrélations entre le fait d'être champion sportif et la position de Mars dans certaine secteurs du ciel à l'instant de la naissance. D'autres analyses , faites depuis 1976 par des adversaires de l'astrologie, n'ont montré aucune corrélation. Une controverse s'est engagée, chaque camp reprochant à l'autre de mal conduire l'analyse, notamment au niveau du choix de l'échantillon de population. Ainsi, il semble que l'utilisation d'une “méthode scientifique” ne permette pas de mettre tout le monde d'accord sur l'astrologie. Comme pour la parapsychologie, on peut se poser des questions sur la pertinence de l'utilisation de telles méthodes.

Le mot de psychocinèse est la traduction de l'anglais “psychokinesis”, souvent abrégé en “PK”, introduit en 1934 par l'Américain J.B. Rhine. Il désigne l'action paranormale sur le monde physique, et s'oppose ainsi à l'obtention paranormale de connaissances par la télépathie, la clairvoyance ou la précognition, que Rhine a regroupé sous le terme de “perception extrasensorielle”. Avant Rhine, on parlait de télékinésie ou, plus généralement, de phénomènes physiques de la médiumnité.

Les phénomènes de psychocinèse ont longtemps été refusés par de nombreux chercheurs dans le domaine du paranormal, qui n'admettaient que les phénomènes de perception extra-sensorielle. Rhine a pour cela préféré attendre huit ans avant de publier, en 1943, les résultats de ses expérimentations sur des jets de dés. Depuis, la tendance est de regrouper les phénomènes paranormaux sous le terme de “psi”. Cette tendance est issue notamment de problèmes tels que celui de la distinction entre psychocinèse et précognition. Ainsi, quand on obtient un jet de dés conforme à celui qu'on voulait obtenir, s'agit-il d'une psychocinèse, ou bien avait-on, par précognition, deviné le résultat du jet, puis choisi de vouloir obtenir celui-ci ?

Les phénomènes de psychocinèse les plus souvent décrits sont des déplacements d'objets. Quand un objet ou une personne a s'élève de l'endroit où il est, on parle de lévitation. Dans les études de laboratoire, on cherche à modifier, par exemple, la chute d'un dé, l'état d'un dispositif électronique ou d'une plaque photographique. Depuis le début des années 1970, à la suite du succès de l'israelien Uri Geller, c'est la torsion d'objets métalliques qui est à la mode.

D'où provient la psychocinèse? Comme pour d'autres domaines de la parapsychologie, l'étude de la psychocinèse est faussée à la base par le présupposé selon lequel l'apparence que le phénomène se donne permet de comprendre directement l'origine de celui-ci. Ainsi, de nombreux parapsychologues croient que la psychocinèse est réellement ce qu'elle semble être, à savoir une action directe de la pensée d 'un sujet psi sur la matière. De plus, ils étendent cette hypothèse à de nombreux phénomènes paranormaux qui ne se présentent pourtant pas comme l'action d'un sujet psi. C'est ainsi que, lors d'un poltergeist, est évoqué l'“inconscient” d'un sujet, faute d'une action volontaire de celui-ci. Pour une apparition qui ne semble pas liée à un sujet, certains chercheurs font appel à “l'inconscient collectif ” d'une communauté, d'une société, voire de l'humanité entière.

D'autres hypothèses ont été proposées, qui font concurrence à celle de l'existence de sujets psi. Ces hypothèses sont elles aussi prolongées au-delà de leur domaine strict. Ainsi, face à ceux qui prétendent que certaine OVNI sont produits par psychocinèse, d'autres soutiennent que les apparentes capacités de psychocinèse de certaine sujets psi leur viennent des extraterrestres. D'autre part, les spirites font valoir que l'absence de médium dans de nombreux cas de poltergeist donne du poids à l'hypothèse de l'intervention d'un monde des esprits, même là où un supposé sujet psi est présent. Enfin, certains évoquent la psychocinèse dans des phénomènes de nature religieuse, tandis que l'Eglise suspecte l'intervention du démon dans la psychocinèse.

Chacun peut se prononcer, au sujet de la psychocinèse, pour l'hypothèse qu'il sent la plus compatible avec ses convictions philosophiques. Mais chacun doit savoir qu'aucun consensus n'existe et que les diverses hypothèses avancées apportent plus d'infomations sur les croyances de ceux qui les défendent que sur l'origine des faits. Retour sommaire

Considérons d'abord les problèmes qui se posent au chercheur d'une discipline d'étude du paranormal. Certains de ces problèmes sont très généraux. C'est le cas du problème des rapports avec les autres chercheurs de la discipline : reconnaissance de priorité de publication, courtoisie dans les polémiques. C'est le cas du problème de l'obtention de crédits : de qui, et par quels moyens? On peut encore citer les problèmes posés par l'expérimentation sur les animaux.

Comme de nombreux chercheurs en sciences humaines, tels les psychologues et les ethnologues, le parapsychologue rencontre des personnes humaines, dans le cadre d'expériences de laboratoire et d'enquêtes sur des cas spontanés. Comment doit-il se comporter vis-à-vis du sujet psi qu'il étudie ou du témoin qu'il interroge? Vis-à-vis de la tricherie, parfois non reconnue par le fraudeur? A-t-il le droit de cacher des informations aux personnes, de se servir, par exemple, d'une glace sans tain? Dans quelle mesure doit-il garder confidentielles certaines informations, préserver l'anonymat? Certaines enquêtes sur des événements paranormaux traumatisants sont délicates. Devra-t-il assumer un rôle de psychothérapeute face aux personnes qui demandent une aide? Enfin, quand des guérisons paranormales se produisent, ce sont tous les problèmes liés à la déontologie médicale qui surgissent.

D'autres problèmes sont posés par les relations avec le grand public. Que penser de la presse à sensation, de la presse spécialisée dans l'ésotérisme? De ceux qui prétendent avoir des “pouvoirs psi” et en font commerce? De ceux qui vendent des méthodes supposées permettre l'acquisition de ces pouvoirs? Doit-on favoriser sans restriction la diffusion des connaissances parapsychologiques? Se préoccuper de ce que certains parapsychologues appellent l'hygiène sociale? Citons enfin le problème posé par l'utilisation du psi à des fins immorales.

D'autres problèmes sont soulevés par les phénomènes paranormaux eux-mêmes, ou par les théories qui en rendent compte. Ainsi la précognition pose le problème du déterminisme, et par là de la responsabilité. L'existence supposée de l'au-delà modifie le rapport de l'homme à sa mort, mais aussi sa conduite dans la vie. De même l'existence supposée d'extraterrestres qui viennent nous visiter pose des problèmes moraux. Certains ont soutenu que cette existence mettrait l'humanité sous tutelle, lui permettrait indûment de se décharger, sur les entités qui la surveilleraient, de certaines responsabilités. D'autres ont rétorqué que cette existence est salutaire à I'humanité, car loin de porter atteinte à sa liberté, elle accroit l'enjeu du choix de son destin.

C'est sans doute si l'on se place dans le cadre de l'hypothèse du sujet psi que les problèmes moraux prennent le plus d'importance. Si l'homme a des “pouvoirs”, le plus souvent inconscients, il ne doit pas se laisser dominer par eux, mais au contraire il doit s'en rendre maître. Si le psi est une production inconsciente de l'humanité, c'est un impératif moral pour cette dernière de contrôler cette production. Enfin, si de nombreux phénomènes biologiques ou historiques sont des manifestations du psi produit par l'humanité, le contrôle de ce psi ne fait qu'un avec la prise en main, par l'homme, de son destin. Ainsi, beaucoup s'appuient sur des phénomènes paranormaux, et sur les théories qui en rendent compte, pour fonder certaines positions morales. On peut se demander si ce ne sont pas d'abord ces positions qui leurs font préférer les théories les plus susceptibles de leur convenir ensuite, et qui leur font ainsi préférer ignorer les phénomènes rentrant mal dans le cadre de ces théories. Ce qui conduit à un dernier problème : doit-on, des phénomènes paranormaux, viser le savoir ou accepter l'ignorance? Retour sommaire

Il n'existe pas de consensus sur une définition de l'occultisme. Souvent le dictionnaire se contente d'une liste d'exemples de “sciences occultes”. Dans cette liste on trouve la parapsychologie, ou la télépathie, à côté, par exemple, de l'alchimie et de la magie. Cette promiscuité contraint chacune des disciplines concernées à se prononcer sur ce qui la rapproche ou l'éloigne des autres.

Il faut d'abord remarquer que de nombreuses disciplines, que l'on place d'habitude dans le groupe des sciences occultes, refusent ce qualificatif à d' “occulte”. C'est le cas, par exemple, de la parapsychologie, du spiritisme, ou de la mystique. Pour ces disciplines, I'occultisme est l'écueil qu'il faut éviter. Parfois deux disciplines qui rejettent I'occultisme s'accusent mutuellement d'en relever. Au contraire, certains se réclament de l'occultisme, et utilisent ce terme comme source de séduction, ou argument commercial.

L'occulte renvoie à un savoir caché, secret. Qu'est-ce qui est caché ? Certains chercheurs distinguent, dans ce qui est appelé habituellement l'occultisme, trois façons dont un savoir peut être caché.

D'abord, est caché le mécanisme de certains phénomènes rares, imprévisibles, tels que les phénomènes paranormaux qu'étudient la parapsychologie ou l'ufologie. Ces phénomènes sont considérés, par les chercheurs qui les étudient, le plus souvent comme naturels, et parfois comme susceptibles d'une approche scientifique. Ils ne sont que des “secrets de la nature”, comme ceux que les scientifiques se donnent pour but de pénétrer. Seul le refus de les étudier dont font preuve les scientifiques permet de maintenir une séparation entre phénomènes “occultes” et phénomènes “scientifiques”.

Ensuite, sont cachés certains savoirs dont l'accès fait appel à d'autres modes de connaissance que la connaissance rationnelle. Ces savoirs ineffables nécessitent une révélation, une initiation, ou un travail personnel qui ne peuvent pas toujours être rationnellement explicités. C'est le cas du mysticisme, de certains modes de divination, et aussi, selon certains, de la psychanalyse.

Enfin, sont cachés certains savoirs, parce qu'ils sont détenus par des communautés qui en interdisent l'accès aux étrangers. Les membres de cette communauté doivent tenir le secret.

Un savoir peut donc être occulte parce qu'il traite de phénomènes qui ne sont pas acceptés socialement, parce que son mode d'accès n'est pas rationnel, ou parce qu'il est couvert par le secret. Bien sûr, ces trois dimensions peuvent se combiner. De plus, un savoir peut partager certains de ces caractères sans relever de l'occultime. Enfin, un savoir peut rester caché pour une quatrième raison, mais qui ne relève pas de l'occuItisme : la difficulté à le comprendre due à sa complexité. C'est le cas de théories physiques et mathématiques.

Comment alors se place, de nos jours, l'étude des phénomènes paranormaux par rapport à l'occultisme? Jusqu'ici, dans l'ensemble, parapsychologues et ufologues n'ont pas limité l'accès aux informations qu'ils ont amassées, ni rejeté l'étude rationnelle. Seule leur mise à l'écart dans la société les rattache à l'occultisme. Mais il a toujours existé des courants qui revendiquent le paranormal pour soutenir des positions proches de celles qui se réclament de l'occultisme. Et l'avenir de la recherche sur le paranormal dépend notamment de l'attitude des chercheurs face à ces courants. Retour sommaire

Les spirites soutiennent l'existence et la survivance de l'“âme”. Ils partagent cette position avec de nombreuses religions. Mais au lieu de la fonder sur la seule foi, ils font appel à des phénomènes paranormaux qui leur semblent démontrer dans les faits l'intervention d'esprits de personnes décédées. Ce sont ces phénomènes qui seront appelés ici des phénomènes spirites, tandis que l'explication qu'en donnent les spirites sera appelée l'hypothèse spirite.

Les spirites ont eu des controverses avec les milieux scientifiques, sur l'existence même des phénomènes spirites ; avec les milieux de la religion, sur le caractère divin ou diabolique des phénomènes ; à l'intérieur même du milieu spirite, par exemple sur la réincarnation ; enfin avec le milieu des métapsychistes, puis des parapsychologues. Les spirites et les parapsychologues soutiennent I'existence de facultés paranormales chez l'être humain, facultés qui en font un “sujet psi”. Mais cette existence, qui constitue l'hypothèse du sujet psi, permet, pour les parapsychologue d'expliquer les phénomènes spirites sans avoir recours à l'hypothèse spirite. Au contraire, pour les spirites, certains phénomènes ne peuvent pas être expliqués par l'hypothèse du sujet psi.

Les spirites font valoir, contre l'hypothèse du sujet psi, les cas d'apparitions de personnes décédées dont l'apparence est différente de l'idée préconçue des témoins, ou qui sont perçues par des enfants, ou qui surviennent longtemps après le décès. Lors de séances spirites se présentent des esprits inconnus du médium et des assistants, et qui font preuve d'initiatives personnelles, inattendues. Ils peuvent, directement ou par l'intermédiaire du médium, écrire avec leur écriture passée, parler des langues étrangères inconnues des assistants, se matérialiser complètement. Tous ces phénomènes ne peuvent, selon les spirites, être expliqués par le seul dédoublement de personnalité du médium, associé à la télépathie.

Les spirites ont mis en avant des phénomènes assez subtils pour soutenir la présence de personnalités extérieures au monde des vivants. Lors des séances spirites, les oublis, les erreurs manifestes des esprits sont avancés comme des preuves de l'indépendance de leurs personnalités : sinon, pourquoi les sujets psi qui produiraient ces esprits auraient-ils pu commettre ces oublis et ces erreurs ? Les esprits des grands spirites s'efforcent de donner des preuves de leur survie de la façon la plue indirecte, la plus tortueuse possible, comme dans les “correspondances croisées”, où des brides d'information, données à différentes époques à différents médiums, forment un puzzle que les vivants doivent reconstituer. Le sommet est atteint quand l'idée même d'une nouvelle forme de preuve émane de ces esprits.

Les phénomènes spirites, comme les autres familles de phénomènes paranormaux, tels les apparitions mariales, les apparitions d'OVNI ou les pouvoirs psi, n'ont pas pu obtenir le consensus qui aurait fait d'eux des “preuves”. En particulier, ils n'ont pas convaincu le milieu scientifique dans son ensemble. Ils ont cependant contraint peu à peu les parapsychologues qui veulent les expliquer à abandonner la simple association de la télépathie et de la psychocinèse d'un sujet, pour faire appel à un “psi” dont le pouvoir est quasi illimité. Les spirites rejettent ce psi qu'ils trouvent forgé pour les besoin de la cause. La polémique continue donc entre les partisans de l'hypothèse spirite et ceux de l'hypothèse du sujet psi. Chacun reste attaché à la famille de phénomènes paranormaux qui étaye ces convictions, insiste sur la cohérence, l'unité interne de cette famille, et dénigre les autres familles et les discours qui soutiennent ces dernières.

L'inconscient est d'abord un terme du vocabulaire technique des psychanalystes et de certains psychologues, mais ceux-ci n'ont pas pu se mettre d'accord sur le sens précis à accorder à ce terme, sens qui varie donc selon les auteurs. Quand il est utilisé à propos du paranormal, c'est le plus souvent pour réduire à des désordres psychologiques les témoignages et les croyances des partisans de l'existence du paranormal. Le pouvoir de l'inconscient, susceptible de faire prendre à quelqu'un ses désirs pour des réalités, se substitut ainsi au “pouvoir de l'imagination” auquel, en 1784, avait recours une commission d'enquête pour rendre compte des phénomènes du magnétisme animal. C'est dans cette tradition que se place l'école française des “nouveaux ufologues”, pour expliquer les phénomènes ufologiques.

D'autre part, les chercheurs des divers domaines d'étude du paranormal utilisent souvent le concept d'inconscient. Ceux qui voient dans leurs phénomènes de prédilection l'influence d'une entité extérieure mettent sur le compte de l'inconscient les cas où une telle influence leur semble s'exercer sans se montrer manifestement. Ainsi les spirites expliquent l'acquisition de certaines connaissances paranormales par une communication de l'esprit d'un défunt avec l'inconscient de la personne en cause. De même, des ufologues, partisans de l'hypothèse extraterrestre, croient plausible une action directe des extra- terrestres sur l'inconscient de certains témoins ou contactés.

Ce sont les parapsychologues qui font le plus usage du concept d'inconscient. En effet, pour un grand nombre de chercheurs, les phénomènes paranormaux sont dus à des “sujets psi”. Quand un phénomène spontané a lieu, ils cherchent quel est le sujet psi qui l'a inconsciemment provoqué. Quand ils ne peuvent pas en désigner un, ils attribuent le phénomène à “l'inconscient collectif” d'un groupe de personnes, groupe qui peut parfois s'étendre à l'humanité toute entière. Le concept d'inconscient est ainsi utilisé pour soumettre a priori tous les phénomènes paranormaux à l'hypothèse du sujet psi.

L'inconscient peut donc être utilisé soit par des critiques, comme une arme contre le paranormal, soit par des partisans du paranormal, pour réduire à leurs théories préférées les phénomènes qui s'y prêtent mal. Une autre utilisation est faite par des chercheurs qui tentent d'appliquer les théories psychanalytiques à la compréhension des phénomènes paranormaux, sans pour autant réduire ceux-ci à des désordres mentaux. Ces chercheurs, qu'ils soient des psychanalystes qui s'intéressent au paranormal, ou des parapsychologues informés des méthodes psychanalytiques, interrogent les phénomènes comme on le fait des rêves ou des symptômes, qui sont susceptibles de révéler un contenu caché sous le contenu apparent. Cette méthode peut être critiquée pour les mêmes raisons pour lesquelles on critique la psychanalyse quand elle prétend s'appliquer à des œuvres ou à des personnes en dehors du champ strict de la cure psychanalytique.

Le concept d'inconscient a-t-il un avenir dans l'étude du paranormal? Si on ne veut pas le réduire à un mot passe-partout, évoqué pour masquer un constat d'ignorance et d'impuissance, il faut s'appuyer sur les théories psychanalytiques. Or, d'une part, ces théories sont elles-mêmes critiquées. Et, d'autre part, on doit constater que, malgré l'abondance des utilisations du terme d'inconscient par les parapsychologues, peu d'échanges fructueux ont eu lieu entre parapsychologues et psychanalystes sur la théorie de l'inconscient. Ainsi, les psychanalystes Mélanie Klein et Jacques Lacan, chacun réputé pour ses apports théoriques, ont pu faire ces apports en dehors de toute référence aux travaux sur le paranormal, tandis que les parapsychologues ont pu ignorer les travaux de ces deux psychanalystes. Tout ceci ne laisse guère entrevoir une utilisation du terme d'inconscient en parapsychologie qui ne se limite pas à une simple évocation.

Les guérisons paranormales peuvent être spontanées, ou liées à certaines pratiques, tels les pèlerinages, ou à certains individus, les guérisseurs. Ces derniers peuvent guérir directement, par exemple par imposition des mains ou par une intervention chirurgicale, ou peuvent prescrire un traitement.

Les diverses communautés intéressées par l'étude du paranormal tiennent sur les guérisons paranormales des discours similaires à ceux qu'elles tiennent sur les autres phénomènes paranormaux. Ainsi les spirites mettent en avant les nombreux cas où un guérisseur se dit associé à l'esprit d'un décédé, qui le seconde ou le guide. Les parapsychologues préfèrent en général faire du guérisseur un “sujet psi”, détenteur de certains pouvoirs. Certains parapsychologues ont soumis des guérisseurs à des expériences de laboratoires dont le principe est semblable à celui des expériences sur des sujets psi possédant d'autres types de pouvoirs. Ils ont tenté de montrer que, statistiquement, un guérisseur avait une influence bénéfique sur des êtres vivants, tels des souris, des semences et des champignons, ou sur des processus biologiques, telle l'activité d'une enzyme. Ils ont obtenu, comme dans les autres types d'expériences de laboratoires en parapsychologie, des résultats parfois positifs, mais qui n'ont pas convaincu la communauté scientifique.

Les autorités religieuses, face à certaines guérisons paranormales, préfèrent les attribuer à la divinité plutôt qu'aux forces démoniaques, rompant ainsi avec leur attitude usuelle face aux phénomènes paranormaux. Les ufologues citent des cas de guérisons liés à des observations d'OVNI. Enfin la communauté scientifique, dans sa majorité, déploie contre les guérisons paranormales des arguments analogues à ceux qu'elle avance contre les autres phénomènes paranormaux : les guérisseurrs fraudent, les chercheurs qui les étudient sont incompétents, les personnes guéries ont été suggestionnées. Les guérisons paranormales possèdent cependant, à l'intérieur du cadre des phénomènes paranormaux, une certaine spécificité.

D'abord, il est plus difficile d'apprécier le caractère paranormal d'une guérison que celui, par exemple, d'une psychocinèse. En effet, les médecins ne disposent pas encore d'une théorie bien établie des divers mécanismes en jeu dans une guérison “nomale”. lls ne disposent, pour rendre compte de la complexité de ces mécanismes, que de quelques concepts, tels ceux de placebo, psychosomatique, hystérie, suggestion, rémission spontanée, etc. L'effet placebo, par exemple, permet à un patient qui croit à l'efficacité du remède qu'on lui donne, d'être soulagé par une substance pourtant banale. Ces concepts permettent aux médecins de tenir un discours sur certaines guérisons en dépit de leur ignorance des mécanismes de celles-ci.

Il est possible qu'avec les progrès de la médecine, par le simple effet d'une plus grande précision des discours sur les guérisons, on assiste à une augmentation du nombre des guérisons paranormales. En effet, certaines guérisons, aujourd'hui attribuées à un mécanisme naturel encore mal expliqué, apparaîtront impossibles quand elles ne pourront pas se soumettre à une théorie qui se voudra définitive des mécanismes de guérison. De la même manière, les OVNI n'ont pu apparaître que lorsque les sciences eurent expliqué un nombre suffisant de phénomènes spatiaux pour qu'un reliquat soit dégagé de ce qui avait été la masse indifférenciée des “météores”, et désigné comme paranormal.

Les guérisons paranormales sont donc des phénomènes mal délimités parmi les guérisons. Ceci rend leur étude plus difficile, et, bien que leur utilité manifeste semble rendre cette étude plus pressante que celle portant sur d'autres phénomènes paranormaux, il est probable que ces derniers resteront des objets de prédilection pour les parapsychologues.

En apparence, les phénomènes paranormaux semblent divisés en familles bien distinctes, et chacune de ces familles relève de questions qui lui sont propres. Ainsi, par exemple, les phénomènes spirites posent le problème de l'existence de la survie de l'âme, les phénomènes parapsychologiques celui des pouvoirs inconnus de l'homme, les phénomènes ufologiques celui de l'existence et de la visite d'extraterrestres. Cependant, depuis longtemps, certains chercheurs ont établi des liens entre ces diverses familles. Ainsi, les spirites ont vu dans les pouvoirs inconnus de l'homme des manifestations de propriétés habituellement latentes de l'âme, qui confirmaient l'existence de cette dernière. Dès la fin du XIXe siècle, H.P. Blavatsky supposait que d'anciennes visites d'extraterrestres pouvaient avoir influencé des religions.

Plus récemment se sont multipliés des chercheurs qui ont relié des phénomènes appartenant à des familles distinctes. Parfois ces chercheurs se sont contentés de faire remarquer que des phénomènes appartenant à des familles différentes ont des caractères communs. Ainsi, par exemple, au début des années soixante, les apparitions mariales ont été rapprochées des OVNI. Jacques Vallée, en 1969, a rapproché les OVNI des légendes de lutins du folklore. D'autres fois, des chercheurs ont plutôt tenté d'annexer, à leur domaine de prédilection, des phénomènes d'autres familles. Vers 1975, Pierre Guérin a soutenu que certains phénomènes parapsychologiques pouvaient être d'origine extraterrestre, tandis qu'à la même époque, Pierre Viéroudy prétendait que certains OVNI pouvaient avoir été matérialisés par des sujets psi.

En général, les chercheurs sont très attachés à une hypothèse particulière et méprisent les phénomènes n'en relevant pas directement. Appliquer leur hypothèse à ces derniers phénomènes leur semble donc être une extension bienvenue, mais secondaire. Au contraire, que l'on puisse appliquer une hypothèse rivale à leurs phénomènes de prédilection leur semble relever de la plaisanterie ou du sacrilège. Est-il possible de prendre en compte les liens entre les diverses familles de phénomènes paranormaux, sans pour autant tout annexer sous une seule hypothèse ? Il faut remarquer que chacune des diverses hypothèses qui se font concurrence aurait, si elle parvenait à faire le consensus autour d'elle, des conséquences philosophiques considérables. Il est tentant d'être fasciné par ces conséquences et d'y subordonner toute la recherche, réduisant ainsi les phénomènes à n'être plus que des détours propres à soutenir telle ou telle croyance philosophique.

L'hypothèse unitaire consiste à supposer une communauté d'origine et de mécanisme à tous les phénomènes paranormaux. Bien que ce soit une voie peu souvent suivie, il est possible d'adopter cette hypothèse sans préjuger ni d'une définition exacte du paranormal, ni de l'origine de celui-ci, ni de son mécanisme. La recherche consiste alors à cerner les contraintes imposées par la masse des phénomènes, à dégager des constantes, et à proposer des lois qui ne sont plus inféodées aux hypothèses classiques, et qui peuvent donc être discutées par des chercheurs indépendamment de leurs croyances philosophiques. Retour sommaire

Il convient de distinguer trois problèmes. D'abord se pose la question de l'existence, dans notre galaxie ou dans l'Univers, de civilisations extraterrestres. Ensuite, si l'on suppose acquise cette existence, on peut se demander si une telle civilisation intervient dans les affaires humaines. Enfin, si une telle intervention est jugée possible, on peut se demander si certains phénomènes paranormaux en sont la manifestation.

Parmi ces trois problèmes, seul le premier, c'est-à-dire celui de l'existence de civilisations extraterrestres, est considéré par la majorité de la communauté scientifique comme relevant pleinement de la science. Cependant aucun consensus n'a été atteint, et deux camps continuent à s'affronter. Dans le camp sans doute le plus important numériquement, on soutient que des civilisations extraterrestres existent dans notre galaxie, probablement en grand nombre, qu'un contact avec notre propre civilisation aura lieu, et que ce contact doit être activement recherché par la radioastronomie. Le principal argument de ce camp est “le principe de banalité”, selon lequel rien de ce qui s'est produit sur la terre n'a de raison d'être exceptionnel, et doit donc s'être produit ailleurs. L'autre camp soutient que notre civilisation est la seule qui existe dans notre galaxie. Ce camp s'est récemment renforcé autour de I'argument selon lequel une civilisation peut rapidement coloniser la galaxie, et aurait donc, si elle existait, déjà colonisé la terre, ce qui n'est apparemment pas le cas.

Depuis la fin du XIXe siècle, de nombreux chercheurs ont vu, dans certains cataclysmes, ou dans les vestiges archéologiques ou les récits mythologiques de diverses civilisations, des indices d'interventions extraterrestres. Ces chercheurs n'ont pas été suivis par les communautés des géologues, des archéologues ou des historiens, qui proposent pour ces indices des explications faisant l'économie de telles interventions.

Quant au troisième problème, la catégorie de phénomènes paranormaux qui semble relever le mieux de l'hypothèse extraterrestre est évidemment celle des phénomènes ufologiques. Mais certains ont proposé cette hypothèse pour d'autres catégories. Le “sujet psi” Uri Geller, par exemple, prétend que ses pouvoirs de psychocinèse et de clairvoyance lui ont été transmis par des extraterrestres. Peut-on expliquer ainsi la totalité du paranormal ? Certains phénomènes de prémonition semblent difficiles à simuler, même par une civilisation possédant une avance considérable sur la nôtre.

D'autre part, l'hypothèse extraterrestre connait un net recul dans son domaine de prédilection, c'est-à-dire en ufologie, même parmi les chercheurs qui rejettent les explications conventionnelles des OVNI proposées par les critiques du paranormal. Quelques uns, parmi ces chercheurs, préfèrent l'hypothèse de la matérialisation de projections psychiques, ce qui subordonne l'ufologie à la parapsychologie. Mais, depuis 1975 environ, la majorité de ces chercheurs penchent vers l'hypothèse “ultraterrestre”, selon laquelle les phénomènes ufologiques proviennent d'un “univers parallèle”, ou d'une “autre réalité”, d'où pourraient être issues également les autres catégories de phénomènes paranormaux. Il est à craindre que le recours à de telles hypothèses ne soit qu'un palliatif à l'insuffisance des hypothèses classiques, et en particulier de l'hypothèse extraterrestre, et qu'il dissimule ainsi l'ignorance profonde où nous sommes de l'origine du paranormal. Retour sommaire

Dans ce dernier numéro de la série des B-A-BA de la parapsychologie, vont être proposées quelques réponses à la question :

“Que faire, de nos jours, en parapsychologie?” Ces réponses sont subordonnées au principe fondamental suivant : il faut que le dialogue reste possible, que ce soit à l'intérieur du milieu de la recherche sur le paranormal, ou dans les rapports de ce milieu avec les scientifiques ou avec le public. Une discipline comme les mathématiques peut devenir hermétique sans trop de dommages pour elle-même, grâce au capital de confiance qu'elle a accumulé depuis des siècles. Mais une telle voie serait mortelle à l'étude du paranormal.

Définition de l'objet d'étude.

Cette définition est elle-même la source de nombreuses polémiques. Pour se dégager de ces dernières, il suffit de s'en tenir à la définition de caractère sociologique : le paranormal est l'ensemble des phénomènes étudiés par des chercheurs qui se reconnaissent entre eux, ou sont reconnus par la société, comme appartenant à une même communauté. Une telle définition n'a rien d'original. Elle est semblable à celle que les sociologues utilisent pour la science, afin de s'affranchir de toute polémique sur la nature de celle-ci. De plus, elle recoupe assez bien celle du sens commun - les phénomènes qu'elle regroupe sont à peu près ceux qui sont perçus comme paranormaux par l'homme de la rue.

En tout cas, il faut refuser des définitions qui seraient inféodées à une hynothèse a priori sur l'origine du paranormal. Définir le paranormal comme l'ensemble des phénomènes qui résultent des interventions d'esprits désincarnés, ou de désirs de sujets, ou d'intelligences extraterrestres, c'est s'interdire tout dialogue en dehors du strict cercle de ceux qui croient à l'hypothèse en question.

Direction des travaux.

Recueillir des phénomènes, en donner des comptes rendus, les comparer, les classer, élaborer des hypothèses, tenir compte des contraintes que les phénomènes imposent aux hypothèses, revenir sur certains phénomènes rares ou douteux , mais qui sont rendus nécessaires par la structure des hypothèses proposées, tout ceci fait partie de la panoplie des moyens de travail dans la recherche sur le paranormal. Mais ces moyens ont souvent été utilisés pour “démontrer” une hypothèse pour laquelle existait un préjugé favorable. Les conséquences ont été désastreuses : ainsi se sont créées des communautés coupées du monde de la science, et qui s'accusent mutuellement d'être sectaires. Chacune d'entre elles se confine aux phénomènes servant ses croyances, et ignore, rejette, dénigre, ou détourne les phénomènes qui pourraient les mettre en doute.

Cette panoplie de moyens peut cependant se révéler fructueuse, si elle est appliquée à l'ensemble des phénomènes paranormaux : telle est l'hypothèse unitaire. Alors, les croyances véhiculées par les phénomènes permettent de définir des familles, et des constantes apparaissent dans l'histoire, et dans la structure de ces familles. Le problème n'est plus de savoir si Ies croyances en question sont “vraies” ou “fausses” ni de déterminer les conditions qu'il faudrait réunir pour les “prouver”. D'autres questions surgissent, qui ont été jusqu'ici négligées par les chercheurs. Quel est l'impact exact, dans la société, des phénomènes ? Pour chaque famille se répètent des mécanismes qui ont pour conséquence de répandre la croyance dans la masse tout en en prémunissant les milieux intellectuels. Ces mécanismes sont-ils propres aux phénomènes paranormaux ? Plus généralement, la diffusion, dans la société, des connaissances sur le paranormal est-elle analogue à celle des autres types de connaissances ? Comment peut-on expliquer le fait que le paranormal se restreint à quelques grandes familles, au lieu de bourgeonner en une multitude de croyances hétéroclites ? Pourquoi aucune famille de phénomènes ne s'est-elle développée pour soutenir des croyances telles que, par exemple, celle en le Père Noël ? Jusqu'ici, la subordination de la recherche à des hypothèses restrictives a empêché que soient seulement posées ces questions. Il serait de l'intérêt même des diverses communautés qui ont pris part à l'étude du paranormal de les prendre en compte.

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  • de Grégory Gutierez