Highway Star, Deep Purple, 1972
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1972, album Machine Head de Deep Purple. Sept titres bourrés d’énergie brute, dont le fameux “Smoke on the water” qui va rendre le groupe ultra-célèbre à travers tout le globe. Mais l’album contient aussi une vraie pépite d’adrénaline pure, le morceau “Highway Star”. Ultra-basique dans sa conception, tout de suite très prenant grâce à cette rythmique batterie, basse et claviers qui démarre le morceau comme on démarre le moteur d’une grosse cylindrée, Ian Gillan y beugle comme rarement au chant et un Richie Blackmore au mieux de sa forme guitaristique y place un solo remarquable. Le morceau contient en fait deux parties de solo, la première par John Lord aux claviers, toujours un peu en décalage par rapport à l’ambiance générale (mais sans lui, Deep Purple n’aurait certainement pas cette touche si particulière, si instantanément reconnaissable), et la seconde par Blackmore.
Et quel solo ! Sans doute l’un des meilleurs du guitariste avec celui de “Child In Time”, sur l’album précédent “In Rock”, deux ans plus tôt. Pour l’époque, cette compo de plus d’une minute non stop est vraiment particulière, très audacieuse, et évidemment plutôt rapide. Il faut se souvenir que c’était bien avant les guitaristes “shredders” des années 1980, véritables virtuoses techniques, certes, mais généralement sans aucune âme, tout juste bons à aligner des tombereaux de notes plus vite que leurs ombres (qu’ils ont en toc). Le solo de Blackmore, au contraire, réussit à mélanger bravoure technique (sans en faire trop non plus hein) et préservation d’une mélodie qui n’est pas sans rappeler, finalement, le phrasé du blues (amis guitaristes, essayez de jouer ce solo au ralenti pour vous en rendre compte).
Et puis les paroles… Ah bordel, ces paroles ! On aura rarement fait plus con dans l’histoire du rock, plus “ras les pâquerettes”. Il y a trois couplets, trois volets à cette ode à la vitesse et à la puissance mécanique. Le narrateur s’extasie d’abord sur les performances de son automobile : “Personne ne pourra dépasser ma voiture, elle va franchir le mur du son ! Ohhhh… C’est une tueuse ! Elle a tout ce qu’il faut ! Je suis l’étoile de l’autoroute !” Bon… En même temps, l’album étant titré “tête de machine”, ça se tient. Le deuxième couplet s’attarde sur les performances d’un autre type d’engin : sa petite amie. Personne ne la lui prendra, il la gardera jusqu’à la fin, elle aussi. Et puis, “elle a tout ce qu’il faut, la bouche qui bouge et le contrôle du corps, et tout le reste”. Il l’aime, il a besoin d’elle, mais aussi “I seed her”, littéralement, “je l’ensemence”… (Et puis bon, “la bouche qui bouge”, je ne suis pas certain que ce soit pour ses capacités à parler qu’il s’extasie autant sur ce talent de sa copine.)
Mais dans la deuxième partie du morceau les paroles prennent un virage presque métaphysique : ce n’est plus de sa voiture ni de sa petite amie dont parle le narrateur, mais de… sa tête. Sa tête à lui, oui. Non pas son esprit ou sa personnalité ou son âme, mais sa tête. Plus précisément, déclame-t-il avec assurance : “Nobody gonna take my head, I got speed inside my brain”. Soit, au sens littéral : “Personne ne prendra ma tête, j’ai la vitesse dans mon cerveau.” Cette seule ligne restera certainement dans les annales du rock : le monsieur pense tellement rapidement, il est si intelligent, ça va si vite dans sa caboche, qu’on serait tenté de la lui voler. Toute façon, il est trop rapide, personne ne pourra jamais la lui chaparder ! Bon, bien sûr, on est vraiment très tenté d’y voir une seconde interprétation : j’ai du “speed” dans le cerveau, c’est-à-dire des amphétamines. Les amphétamines ont des effets connus : accélération du rythme cardiaque, augmentation de la fréquence respiratoire, augmentation de l’endurance, euphorie et bien-être, sensation d’augmentation des facultés cérébrales… Exactement le genre d’émotions et de sensations physiques que provoque l’audition du morceau (bon, pour l’augmentation des facultés cérébrales, c’est pas tout à fait sûr). Bien sûr “la descente” avec cette drogue a des effets autrement moins sympathiques : insomnie, crises de tétanie, crises d’angoisse et état dépressif (infos pompées sur Wikipedia).
Tiens justement, deux morceaux plus loin, sur le même album, “Pictures of Home” met en scène un type tout seul, perdu dans la montagne, mais alors absolument tout seul. Il erre à l’aveugle, angoissé comme pas permis, son corps est parcouru de frissons, un et un funeste corbeau vole pas loin. Et tout ça “dans cette prison fabriquée par moi-même”. A very very bad trip existentiel en quelque sorte.
Comme quoi, hein, “drugs are bad, mmmmkay”.
~~socialite~~
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