L'entretien de Bob Pratt avec le Major Jessie Marcel en 1979 (Roswell)

(Article publié sur mon site www.roswell-fr.org en juillet 2003.)

Dans son livre Roswell, Inconvenient facts and the will to believe (Prometheus Books, juillet 2001), l'ufologue Karl Pflock fournit, parmi les annexes, la transcription de l'entretien complet entre le Major Jesse Marcel et le journaliste Bob Pratt, réalisée en 1979. C'est à partir de cet entretien que Bob Pratt publia son article sur Roswell dans le National Inquirer, et c'est à partir de cet article que l'Evénement de Roswell devint la plus célèbre histoire de l'ufologie…

Ce qui suit est donc la traduction française de l'annexe A du livre de Karl Pflock. Ce texte est traduit par Franck Perigny, qui m'a accordé son autorisation pour le publier sur Roswell-fr.org. Qu'il en soit ici chaleureusement remercié ! (Bien entendu, ce texte reste l'entière propriété de son auteur, et ne saurait être utilisé sur quelque support que ce soit sans son autorisation explicite.)

Jesse A. Marcel, 8 décembre 1979 et Walter Haut, 11 juillet 1990

Le 8 décembre 1979, Bob Pratt, journaliste au National Enquirer, réalisa une interview de Jesse A. Marcel, l'un des principaux témoins de l'incident de Roswell, à son domicile d'Houma, en Louisiane. Un article basé en partie sur cet entretien parut dans l'Enquirer du 28 février 1980. Ce qui suit constitue l'interview intégrale telle qu'elle fut transcrite par Pratt d'après ses bandes magnétiques, un jour ou deux après sa rencontre avec Marcel. Je n'ai modifié le texte de Pratt que pour corriger des erreurs de typographie, de majuscules etc., pour reformuler les questions de Pratt qui n'apparaissaient que sous forme abrégée dans la transcription et pour ajouter un petit nombre de notes explicatives, placées entre crochets. Les propos de Marcel apparaissent exactement tels que Pratt les a transcrits. Les notes entre parenthèses et en italique sont de Pratt.

Cette interview est suivie d'un extrait très révélateur d'un entretien avec Walter Haut qui avait été enregistré en vidéo. Le document se conclut par une citation issue de l'histoire officielle du 509e groupe de bombardement et de la base de Roswell, qui fournit un précieux aperçu du contexte de l'incident.

- Pratt : Parlez-moi de vos antécédents.

- Marcel : [Je] suis entré dans l'armée de l'air en avril 1942, j'étais aide de camp du général Hap Arnold. [Le dossier militaire officiel de Marcel ne confirme pas cette affirmation, que contredisent par ailleurs les dates de ses affectations successives.] J'ai commencé comme sous-lieutenant. Il [Arnold ?] a décidé que je devais rejoindre l'école du renseignement, [pour laquelle il y avait] des examens longs et pénibles. [Je suis allé à] l'école du renseignement aérien de Harrisburg, en Pennsylvanie, sous le commandement du colonel Egmont Koenig. J'ai étudié… d'abord le renseignement de combat, puis j'ai continué dans le renseignement photographique, car j'avais déjà fait pas mal de cartographie et d'interprétation de photos aériennes. J'ai utilisé à la fois le renseignement de combat et le renseignement photographique dans mon travail. Il [Koenig] m'a proposé de rester en qualité d'instructeur, ce que j'ai fait pendant un an et trois mois.

J'ai posé ma candidature pour aller combattre outre-mer. J'ai été envoyé dans le Pacifique sud, en Nouvelle-Guinée, en tant qu'officier de renseignement d'escadron. J'avais déjà piloté avant d'entrer dans l'armée - j'ai commencé en 1928 - ce n'était pas une expérience nouvelle pour moi. J'ai fait beaucoup de vols, des combats aériens, en B-24 [bombardier lourd quadrimoteur]. J'ai été promu au rang d'officier de renseignement de groupe jusqu'à ce qu'on me renvoie aux Etats-Unis, juste avant que la bombe A soit lâchée sur le Japon. Ils m'ont envoyé prendre des cours de navigation au radar à Langley [en Virginie]… C'est à ce moment-là que la bombe est tombée et que la guerre a pris fin. Alors j'ai été réaffecté à la 8e armée aérienne…

- Pratt : Le quartier général était à Colorado Springs…

- Marcel : C'est là que je me suis présenté au rapport, mais le lendemain on me transférait à [la base aérienne militaire de] Roswell, au Nouveau-Mexique - devenue ensuite la base aérienne Walker, immédiatement après la fin de la guerre [la base de Roswell a été rebaptisée “Roswell Air Force Base” puis “Walker Air Force Base” à l'automne 1947] - à la 509e escadre [en fait le 509e groupe] de bombardement, j'étais officier de renseignement de l'escadre de bombardement.

- Pratt : Quel était votre grade ?

- Marcel : Commandant. [Je] suis resté jusqu'en octobre 1947. Le 509e était le seul régiment au monde équipé de la bombe A. Le premier projet auquel j'ai participé était un essai atomique à Bikini en 1946, puis je suis revenu à Roswell jusqu'à la fin de 1947, puis [j'ai été] envoyé à Washington. [D'après son dossier personnel, Marcel est resté à Roswell jusqu'au 16 août 1948.]

J'ai passé huit ans et demi dans l'armée, j'ai aussi servi dans la garde nationale en Louisiane et au Texas. C'était devenu difficile de quitter le service, mais j'estimais que c'était mon devoir envers ma famille. [Selon son dossier, Marcel a été autorisé à quitter le service actif pour raisons familiales le 19 septembre 1950.] J'ai été affecté au programme des armements spéciaux et chargé de collecter des échantillons d'air dans le monde entier pour les faire analyser. En fait, quand nous avons fini par détecter qu'une explosion nucléaire [soviétique] avait eu lieu, nous avons… j'ai dû faire un rapport là-dessus. En fait, c'est moi qui ai écrit le rapport que le président Truman a lu à la radio pour annoncer que les Russes avaient fait exploser une bombe atomique. C'était après que j'ai quitté le 509e. J'ai quitté l'armée en 1950, fin 1950. [Note : Truman n'a pas fait d'annonce à la radio au sujet de l'essai atomique soviétique. La Maison Blanche a publié une déclaration écrite.]

- Pratt : Quel était votre grade à ce moment-là ?

- Marcel : Après cette histoire de soucoupe volante en 1947, j'ai été promu lieutenant-colonel, en décembre 1947. [D'après le dossier de Marcel, il a obtenu cette promotion en tant que réserviste et après l'avoir sollicitée lui-même, le 29 octobre 1947. Elle n'avait rien à voir avec l'“histoire de soucoupe volante” et dans l'active, Marcel a conservé son grade de commandant.]

- Pratt : Quand avez-vous appris que vous aviez été promu ?

- Marcel : Après avoir quitté le service. Ils m'ont tenu tellement occupé que je n'ai jamais pris le temps de jeter un œil à mon dossier personnel. J'ai quitté le service actif avec le grade de lieutenant-colonel. [En fait, selon son dossier, Marcel a été informé de sa promotion par une lettre datée du 20 novembre 1947 et il a signé le serment par lequel il acceptait cette promotion le 1er décembre 1947.]

- Pratt : Vous dites que vous aviez déjà piloté avant la guerre. Est-ce que cela faisait partie de votre travail ?

- Marcel : Pilote privé. [Son dossier, y compris le formulaire de candidature à un poste d'officier de l'armée de l'air qu'il a rempli en 1942, ne fait pas état de cette expérience. En outre, dans son “Résumé de carrière d'officier de réserve”, daté du 20 novembre 1947, la rubrique “Heures de vol” porte la mention : “AUCUNE”.]

- Pratt : Quel était votre métier avant la guerre ?

- Marcel : J'étais cartographe. J'ai travaillé pour l'US Engineers et pour la compagnie pétrolière Shell. Je travaillais pour la Shell comme photographe quand la guerre a éclaté. Tout mon travail de cartographie pour l'US Engineers et pour la Shell était à base de photos aériennes.

[Je n'avais] pas de diplôme à l'époque - j'en ai obtenu un ensuite, six écoles différentes. Je parle français et anglais, je comprends plusieurs autres langues sans les parler. Après la guerre, j'ai travaillé dans l'électronique, je réparais des radios et des télés, puisque j'avais été opérateur radio pendant toutes ces années. [Je suis] à la retraite maintenant, [avec ma] femme. Mon fils est docteur à Helena, dans le Montana. Il est aussi sismologue.

- Pratt : Quand avez-vous trouvé les débris au Nouveau-Mexique ?

- Marcel : Je ne me rappelle pas la date exacte. C'était en juillet 1947. Comment tout cela a commencé… j'étais dans mon bureau. Je suis allé au mess pour le déjeuner et j'étais assis, en train de déjeuner, quand le shérif [George Wilcox] a appelé de Roswell. Il voulait me parler. Il a dit : “Il y a un homme ici, un fermier qui est venu en ville vendre sa laine - il venait de tondre ses moutons - et il m'a raconté une histoire bizarre. Et je pense qu'il devrait vous en parler.” Alors j'ai dit : “Eh bien, je suis tout ouïe.” Il a dit : “Le nom de cet homme est Brazelle [Brazel]. Il dit qu'il a trouvé quelque chose qui s'est écrasé sur son ranch, soit la veille, soit quelques jours avant, et il ne sait pas ce que c'est.” Il [le shérif] a ajouté : “Cela vaudrait peut-être le coup pour vous d'enquêter là-dessus, puisque je sais que vous êtes l'officier de renseignement de la base.” Alors j'ai dit : “Eh bien, parfait.” Et j'ai dit : “Où puis-je le rencontrer ?” Il a dit : “Eh bien, il va s'en aller d'ici vers trois heures et demie, quatre heures, mais il est dans mon bureau maintenant, si vous voulez passer et lui parler tout de suite. Il sera là, il vous attend.” Il y était et il m'a tout raconté. Ma foi, il a éveillé mon intérêt, alors je suis retourné… J'ai dit [à Brazel] : “Attendez ici.” J'ai dit : “Je dois retourner à la base.” Là, j'en ai parlé à mon supérieur [le commandant de la base et du 509e, le colonel William H. Blanchard]. [J'ai demandé] ce qu'il me conseillait de faire. Il a dit : “Mon conseil c'est que vous feriez mieux de sauter dans cette voiture.” Il a dit : “Quelle quantité de ce truc y a-t-il là-bas ?” J'ai dit : “Eh bien, d'après ce que dit le type, il y en a pas mal.” Il a dit : “Eh bien, vous avez trois agents du CIC qui travaillent pour vous…”

- Pratt : CIC ?

- Marcel : Ce sont des agents du contre-espionnage. Voyez-vous, ma principale activité là-bas consistait à faire habiliter par la commission à l'énergie atomique le personnel militaire qui devait être affecté à la base. J'avais cinq officiers et une vingtaine de dactylos - des appelés - qui travaillaient pour moi, avec un bureau en effervescence permanente. Plus ces trois agents du CIC. Ils faisaient les enquêtes - chaque fois qu'on devait enquêter sur quelqu'un, je les en chargeais, ils envoyaient leur rapport à mon bureau et nous rédigions le rapport. Bref - revenons à nos moutons. Donc, j'ai parlé au colonel Blanchard et il a dit : “Prenez tout ce dont vous avez besoin, mais allez-y.” Alors j'ai pris un de mes agents, un nommé Cabot [capitaine Sheridan W. Cavitt], que nous n'avons d'ailleurs jamais pu retrouver, car j'ignore son prénom. Je n'ai pas conservé les dossiers des agents du CIC. Ils ne m'“appartenaient” pas. Donc… mais ils étaient trois. Donc je l'ai emmené [Cavitt]. Il conduisait une fourgonnette Jeep. Je conduisais ma voiture d'état-major et nous sommes partis à travers la campagne derrière le pick-up de ce fermier [Brazel]. Il n'est pas passé par les routes d'accès. Il m'a dit que le ranch faisait 200 kilomètres carrés. Il était vaste. Du coup, nous sommes arrivés sur place au crépuscule. C'était trop tard pour faire quoi que ce soit, alors nous avons passé la nuit là, dans ce petit… son… abri, et le lendemain matin nous sommes repartis. Il nous a conduits jusqu'à cet endroit et nous avons commencé à ramasser des fragments de quelque chose qui m'était inconnu. Je n'avais jamais rien vu de pareil. J'ignorais ce que nous étions en train de ramasser. Je l'ignore encore aujourd'hui. J'en ai rapporté autant que j'ai pu à la base et… eh bien, un jeune soldat ingénieux a eu l'idée d'essayer d'assembler quelques morceaux pour voir s'il pouvait en tirer quelque chose. Je ne crois pas qu'il soit parvenu à assembler ne serait-ce que deux morceaux. C'était trop éclaté. C'était répandu sur une vaste étendue, je dirais longue de 1 200 m et large de plusieurs dizaines de mètres. Donc nous avons chargé les débris et nous sommes rentrés à la base.

Pendant ce temps-là, notre officier chargé des relations publiques [Walter Haut] a fait du zèle… Il en a entendu parler, il a prévenu l'AP [Associated Press]. C'est là que ça a vraiment commencé à barder. Je crois que j'ai reçu des appels de partout. Des journalistes tentaient d'entrer pour me parler, mais je n'avais rien pour eux. Je ne pouvais rien leur dire : je n'avais rien à dire. Ils voulaient voir les débris, que je ne pouvais pas leur montrer.

Tôt le lendemain matin, mon commandant d'unité [Blanchard] m'a envoyé à Carswell [nom actuel de la base qui, en juillet 1947, s'appelait encore base aérienne militaire de Fort Worth] voir le général [Roger M.] Ramey [commandant de la 8e armée aérienne]. [J'ai chargé] tous les débris sur un B-29 [bombardier lourd quadrimoteur]. Mon commandant d'unité m'a dit de continuer et de les emmener à la base aérienne Wright-Patterson [constituée par la fusion des deux bases voisines Wright et Patterson, encore distinctes en 1947], dans l'Ohio, mais quand je suis arrivé à Carswell [Fort Worth], le général Ramey n'était pas là. A sa place, il y avait plein de journalistes avec un tas de micros qui voulaient m'interviewer, mais je ne pouvais rien dire. Je ne pouvais rien dire tant que je n'avais pas parlé au général. Je devais m'en remettre à ses ordres. Et il [le général Ramey] a dit (Marcel rit) : “Eh bien, ne dites rien.” Alors j'ai dit : “Général, le colonel Blanchard m'a dit d'emmener ces trucs à Wright-Patterson.” Et il a dit : “Laissez ça ici. On s'occupera de ça ici.” Et c'est là que ça se termine - mon rôle dans l'histoire s'arrête là. Je ne sais toujours pas ce que j'ai ramassé.

- Pratt : Ont-ils gardé le B-29 ?

- Marcel : Non, non. Tout a été transféré dans un avion de transport. Le général m'a dit : “Retournez à Roswell. Ils ont plus besoin de vous là-bas.” Il a dit : “Vous avez beaucoup de travail là-bas, ce que vous faites est important. Ça, ce ne sera rien…”

- Pratt : Quel était le nom du fermier ?

- Marcel : Brazelle [Brazel], je ne connais pas son prénom.

- Pratt : Où se trouve le ranch par rapport à Roswell ?

- Marcel : Au nord des sites d'essai et… je dirais à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Roswell.

- Pratt : Comment s'appelait le shérif ?

- Marcel : Je n'arrive pas à me rappeler [c'était George Wilcox]. C'était le shérif du comté où se trouvait Roswell [le comté de Chaves].

- Pratt : Quel type de ranch était-ce ?

- Marcel : Bétail et moutons.

- Pratt : Le lendemain matin, il vous a emmenés à cet endroit ?

- Marcel : Oui. En fait, il a sellé deux chevaux. Je n'étais jamais monté à cheval de ma vie et j'ai dit : “Vous deux, vous prenez les chevaux.” Cabot [Cavitt] était un drôle… il venait de l'ouest du Texas. Il était à son aise sur un cheval. Donc ils sont partis. Nous sommes allés jusque là-bas et nous avons chargé tous ces trucs dans la Jeep. Nous sommes revenus assez tard. Mais je n'étais pas satisfait. J'y suis retourné. J'ai dit à Cabot [Cavitt] : “Ramenez la Jeep à la base, moi je retourne là-bas pour en ramasser autant que je pourrai en mettre dans la voiture.”

- Pratt : Comment était le terrain ?

- Marcel : Très plat. C'est très aride par là. Il y avait de l'amarante, c'était parfait pour élever des moutons, ils avaient de quoi brouter. Je n'ai pas tellement fait attention à ça parce que j'avais d'autres sujets de préoccupation.

- Pratt : Quand vous êtes arrivés là-bas, qu'avez-vous vu ? Des bouts de métal ? Quoi au juste ?

- Marcel : J'ai vu… Eh bien, nous avons trouvé du métal, des petits morceaux de métal, mais nous avons surtout trouvé un matériau difficile à décrire. Je n'avais jamais rien vu de pareil et je ne sais toujours pas ce que c'était. Nous l'avons ramassé malgré tout. Une chose, une chose…

- Pratt : C'était quelque chose de fabriqué ?

- Marcel : Oh, oui, sans aucun doute. Mais il y a une chose que je me rappelle très distinctement. Je voulais voir brûler un peu de ce truc, mais tout ce que j'avais, c'était un briquet pour allumer mes cigarettes, vu que je suis un gros fumeur. J'ai allumé le briquet sous ce truc et il n'a pas brûlé.

- Pratt : Y avait-il des marques ?

- Marcel : Oui. Quelque chose d'indéchiffrable. Je n'avais jamais rien vu de tel. Oh, moi je les appelle des hiéroglyphes. J'ignore s'ils ont jamais été déchiffrés.

- Pratt : Mais il y avait des marques ?

- Marcel : Oh, oui… des petites barres, solides, qu'on ne pouvait ni plier ni briser, mais cela n'avait pas l'air d'être du métal. On aurait plutôt dit du bois.

- Pratt : Grandes comment ?

- Marcel : La taille était variable. Pour autant que je me souvienne, cela pouvait aller d'un demi-centimètre à un centimètre d'épaisseur. Il y avait pratiquement toutes les longueurs. Aucune n'était très longue.

- Pratt : Quelle était la taille de la plus grande ?

- Marcel : Je dirais un peu moins d'un mètre.

- Pratt : Quel était leur poids ?

- Marcel : Nul. On ne le sentait même pas - exactement comme du balsa.

- Pratt : Le morceau d'un mètre… était-il plus large ?

- Marcel : Oh, non. C'était une barre solide, rectangulaire, tout comme il y a des baguettes carrées (Marcel fait un croquis). Les longueurs variaient et sur la longueur, certaines d'entre elles portaient ces petites marques, des marques en deux couleurs pour autant que je m'en souvienne. Pour moi c'était comme du chinois, ça n'avait pas de sens.

- Pratt : Est-ce que tout avait cette forme, longue et fine ?

- Marcel : Toutes les barres étaient comme ça. Il y avait un autre truc qui ressemblait beaucoup à du parchemin, mais lui non plus ne brûlait pas. De toute évidence… je présume, je ne suis pas… j'étais familiarisé avec pratiquement tous les systèmes d'observation météo utilisés par l'armée et il n'y avais là rien que je puisse identifier comme du matériel météo.

- Pratt : Vous pilotiez depuis 1928, depuis vingt ans lorsque c'est arrivé. Avez-vous reconnu des parties d'un avion ?

- Marcel : Non, ça ne pouvait pas provenir d'un avion.

- Pratt : Ni d'un ballon météo ou expérimental ?

- Marcel : Je n'en ai pas eu l'impression, non. Déjà, si ç'avait été un ballon, cela n'aurait pas été poreux comme les morceaux que nous avons ramassés. Ils étaient poreux.

- Pratt : Avez-vous remarqué des extrémités brisées ou arrachées, ce genre de chose ?

- Marcel : Non. Pour auant que je me souvienne, elles étaient nettes. Voyez-vous, j'avais si peu de temps à consacrer à ceci - j'avais d'autres tâches à accomplir. J'ai rapporté le matériel, mon commandant d'unité l'a vu, mon état-major l'a vu et le lendemain, le patron m'a dit de l'emporter à Wright-Patterson.

- Pratt : Pourquoi là-bas ?

- Marcel : Pour l'analyser. Ils voulaient voir ce que c'était.

- Pratt : Qu'est-ce qu'il y avait à Wright-Patterson ?

- Marcel : Les laboratoires d'analyse de l'armée de l'air, je suppose.

- Pratt : Combien de morceaux y avait-il ?

- Marcel : Peut-être plusieurs centaines. Je ne sais plus. Il y a si longtemps que j'ai eu ces trucs en main. J'ai tout bonnement chassé tout ça de mon esprit.

- Pratt : Quand vous êtes allés sur le site ce matin-là, la zone recouverte par les débris était-elle visible de loin ?

- Marcel : Mon Dieu, oui, à peu près aussi loin qu'il était possible de voir… Elle était longue de 1 200 m et large de 60 à 90 mètres. Je vais vous dire ce que j'ai pensé. J'ai remarqué une chose : en fait, rien n'a frappé le sol, rebondi sur le sol. Cela avait dû exploser au-dessus du sol avant de tomber. Et j'ai appris plus tard que, plus loin à l'ouest, vers Carrizozo, ils ont trouvé quelque chose de ce genre aussi. Je ne sais pas ce qu'ils ont trouvé. [C'était à] la même époque, à 100, 130 kilomètres à l'ouest de cet endroit.

- Pratt : Des fermiers ont trouvé quelque chose de semblable là-bas ?

- Marcel : Je crois que c'est un arpenteur qui l'a trouvé. [Marcel fait probablement référence à l'histoire de Barney Barnett, dont des il a entendu parler par des interviewers précédents.]

- Pratt : Avez-vous ramassé tous les morceaux ?

- Marcel : Je n'ai pas fait toute la zone. [Nous] en avons ramassé autant que nous pouvions en transporter et nous avons laissé le reste sur place.

- Pratt : Etaient-ils regroupés ou éparpillés ?

- Marcel : Eparpillés sur toute la zone… Exactement comme si quelque chose avait explosé au-dessus du sol avant de tomber. Une chose m'a impressionné, c'était la facilité avec laquelle on pouvait déterminer dans quelle direction ça allait. Ça se déplaçait du nord-est au sud-ouest. Ça se voyait à la façon dont c'était disposé. On voyait où ça commençait et où ça se terminait parce que ça allait en diminuant. Je n'ai pas parcouru toute la zone recouverte, mais je voyais que c'était plus large à l'endroit où nous avions regardé en premier et que cela s'amincissait en allant vers le sud-ouest.

- Pratt : Quelle était la longueur des morceaux les plus courts ?

- Marcel : Dix à douze centimètres. On aurait dit [que cela venait de] quelque chose de plus grand qui avait éclaté.

- Pratt : Y avait-il des cassures nettes ou des cassures évidentes ?

- Marcel : Je ne me souviens pas de ça. Rien n'avait l'air déchiré. J'ai du mal à me le représenter, parce que je ne l'ai pas vu bien longtemps. C'est comme quand on tient une patate chaude : on cherche à s'en débarrasser.

- Pratt : Quand il a trouvé les débris, depuis combien de temps le fermier n'était-il pas allé sur le site ?

- Marcel : Je me rappelle vaguement qu'il m'a dit avoir entendu une explosion pendant la nuit et que le lendemain, il est sorti, il est allé dans cette direction et il a vu ces débris.

- Pratt : Bien sûr, nous n'avions pas de satellites artificiels en 1947…

- Marcel : Non.

- Pratt : Mais nous avions des missiles, n'est-ce pas ?

- Marcel : Oh, oui.

- Pratt : Et il était évident que ce n'était pas une fusée ?

- Marcel : Oh, non. Mh-mh. J'ai vu des fusées. J'ai assisté à des lancements de fusées sur le site d'essais de White Sands. Ça ne fait aucun doute, ça ne provenait ni d'un avion ni d'un missile ou d'une fusée.

- Pratt : C'est étrange, n'est-ce pas ?

- Marcel : Oui. C'est déconcertant. Je me suis toujours demandé une chose : pourquoi l'armée de l'air n'en a jamais parlé. Ils ont probablement trouvé quelque chose qu'ils veulent garder pour eux. C'est mon avis. Il y a eu beaucoup de récits de soucoupes volantes dans cette région. En fait, je ne suis pas sûr… Je n'en jurerais pas, mais un soir, vers onze heures et demie - j'habitais en ville -, l'officier de sécurité m'a appelé pour me dire : “ Vous feriez mieux de venir ici et vite. ” Il n'a pas voulu en dire plus au téléphone. Alors j'ai sauté dans ma voiture et appuyé sur le champignon et j'ai roulé le plus vite possible. La route était en ligne droite. Quelque chose a attiré mon attention. C'était une formation de lumières qui se déplaçaient du nord au sud. Mais c'était si… Je veux dire, nous n'avions rien qui puisse se déplacer aussi vite. Ça, je le savais. Nous n'avions aucun avion capable d'aller à cette vitesse, parce qu'elles n'ont été visibles que trois ou quatre secondes environ, entre le moment où elles sont apparues au-dessus de moi et celui où elles ont disparu à l'horizon. C'étaient des lumières brillantes qui formaient un “ V ” parfait. J'ai hésité à en parler parce que je savais que personne ne me croirait, mais deux ou trois jours plus tard, un soldat a dit : “ J'ai vu quelque chose dans le ciel l'autre nuit ” et il a décrit exactement ce que j'avais vu.

- Pratt : Etait-ce avant l'incident des débris ?

- Marcel : Juste avant. Quoi qu'il en soit, je me dis qu'il y a quelque chose de vrai dans ces histoires d'ovnis. J'y crois. Même mon fils Jesse [Dr Jesse A. Marcel], une après-midi… il allait en ville et… Ils vivent au bord d'une petite route sinueuse, au flanc d'une montagne, et un de ses fils a dit : “Papa, regarde ça !” Mon fils a arrêté la voiture et regardé en l'air et il a vu un objet circulaire luisant qui a décollé brusquement.

- Pratt : Parlez-moi de la fourgonnette de Cabot [Cavitt].

- Marcel : Elle était un peu plus grande qu'un pick-up et couverte. Nous avons rempli l'arrière avec des débris et ensuite je suis retourné et j'ai rempli ma voiture.

- Pratt : Et il en restait beaucoup ?

- Marcel : Oh, mon Dieu, oui. Oui, nous n'en avons ramassé qu'une toute petite partie.

- Pratt : Vous avez chargé tout ça sur le B-29 et vous alliez l'emporter à Wright…

- Marcel : Tout ce que nous avions.

- Pratt : Et vous n'avez plus jamais eu de nouvelles du général Ramey ou…

- Marcel : Rien du tout.

- Pratt : … ou de la base Wright ?

- Marcel : Rien du tout.

- Pratt : Savez-vous si Blanchard en a eu ?

- Marcel : Je ne peux pas savoir. J'en doute, parce que s'il en avait entendu parler, il me l'aurait dit. Et il n'a jamais rien dit. [Voir la note placée à la suite de cette transcription.*]

- Pratt : Combien de temps êtes-vous resté à Roswell après cela ?

- Marcel : [Jusqu'à la] fin 1947. [En fait, jusqu'en août 1948.]

- Pratt : Où êtes-vous allé ensuite ?

- Marcel : Muté à Washington. On m'a donné un bureau et un titre long comme ça (il écarte les mains). J'étais dans le bâtiment du service de la conscription, près du siège de l'Etat [du Département d'Etat ?] sur E Street.

- Pratt : Que pensez-vous que c'était ?

- Marcel : Eh bien, d'après ce que je sais, ou ce que je peux supposer, c'était… Je connaissais bien la plupart des trucs qui volaient à l'époque, pas seulement nos propres appareils militaires mais aussi ceux de l'étranger, et je persiste à penser que cela n'était pas de ce monde. C'est venu sur terre, mais pas de la Terre. La plus grande erreur que j'aie jamais faite - bien sûr, je ne pouvais pas - a été de ne pas en conserver un morceau. Mais par égard pour mon travail et pour le service, je ne pouvais pas.

- Pratt : Vous aviez trois mille heures de vol comme pilote…

- Marcel : Exact, [et] huit mille heures de temps de vol [total].

- Pratt : Quelles médailles avez-vous obtenues ?

- Marcel : J'ai eu cinq médailles parce que j'ai abattu cinq appareils ennemis au combat. [Selon le dossier de Marcel, il a reçu deux médailles, toutes deux au titre des heures de vol accumulées au combat. Le dossier ne parle pas d'avions ennemis abattus.]

- Pratt : Depuis un B-24 ?

- Marcel : Oui, depuis la mitrailleuse centrale d'un B-24 dans le Pacifique sud. Et j'ai reçu l'étoile de bronze pour mon travail d'instruction du personnel affecté au combat aérien, c'étaient des bleus qui sortaient de leur Etat. J'étais responsable de ça. J'ai reçu une étoile de bronze pour ça. J'ai eu des citations - j'en ai même eu une de la marine - [du] bureau du renseignement de l'armée de l'air, pour les essais de la bombe A dans le Pacifique sud, Kwajalein.

- Pratt : Vous étiez tous des officiers triés sur le volet.

- Marcel : Exact. [J'ai fait] le tour du monde cinq fois, visité soixante-huit pays. [J'ai] un diplôme de physique nucléaire, une licence, à… je l'ai terminée à l'université George-Washington, à Washington. [J'ai] fréquenté LSU [Louisiana State University, université d'Etat de Louisiane], Houston, l'université du Wisconsin, l'université de New York, l'université d'Etat de l'Ohio, (incompréhensible) et Washington. [Selon son dossier militaire, Marcel a fréquenté, en étudiant libre, l'université d'Etat de Louisiane pendant douze à dix-huit mois avant la guerre. Ni son dossier ni les archives de l'université George-Washington ne contiennent de trace de son passage dans cette dernière université ni, à plus forte raison, du diplôme qu'il prétend y avoir obtenu.]

- Pratt : Vous a-t-on jamais dit de ne pas en parler ?

- Marcel : Inutile de le dire, on le sait. Je ne pouvais pas destabiliser mon service et être critiqué pour ce que j'avais dit.

- Pratt : L'officer chargé des relations publiques de la base [Walter Haut] a appelé l'Associated Press, etc. Pensait-il qu'une soucoupe volante s'était écrasée ?

- Marcel : Je n'en sais rien. Je ne lui ai pas parlé et je n'ai pas lu ses déclarations. J'ai entendu des versions contradictoires à ce sujet. J'ai entendu dire que cet officier chargé des relations publiques avait prévenu la presse sans consulter le commandant d'unité et, plus tard, j'ai entendu dire que le patron l'avait autorisé à le faire. Mais je n'ai pas vérifié ça.

- Pratt : A combien de missions de combat avez-vous participé ?

- Marcel : J'ai totalisé 468 heures au combat, j'étais officier de renseignement d'escadre de bombardement, j'ai été alternativement pilote, mitrailleur et bombardier. J'ai été abattu une fois, à ma troisième mission, au large de Port Moresby.

- Pratt : Tout le monde a survécu ?

- Marcel : Tous les autres se sont écrasés sur une montagne. Je me suis éjecté juste avant l'impact, je pense que c'était à 400 mètres à l'intérieur des terres. Les moteurs ont lâché [sur notre] B-24. Je me suis éjecté à huit mille pieds et je suis tombé de six mille pieds avant de pouvoir ouvrir mon parachute. J'ai eu de la chance d'y arriver - il était défectueux. Heureusement que j'avais un ventral. Mon dorsal ne marchait pas, alors j'ai actionné mon ventral. Je ne laissais rien au hasard et ça m'a réussi.

* * *

* Le 11 juillet 1990, Fred Whiting, du Fund for UFO Research (fonds pour la recherche ovni), a réalisé une interview de Walter Haut enregistrée en vidéo, dont est extrait cet échange :

- Whiting : Le colonel [Blanchard] a-t-il parlé de cet incident après la déclaration du général Ramey ? Par exemple en réunion d'état-major ?

- Haut : Pendant la réunion d'état-major qui a suivi, environ unesemaine après (je crois bien qu'elles avaient lieu chaque lundi), il a fait un commentaire à propos de l'ordre du jour. Il me semble qu'après cela, il a dit quelque chose du genre : “Nous avons vraiment fait une bourde avec cette histoire la semaine dernière. En fait”, a-t-il dit, “l'équipe qui envoyait ces ballons se trouvait sur notre propre terrain. Ils venaient de White Sands et ils mesuraient les vents dans la haute atmosphère, d'est en ouest.”

Bien entendu, cette révélation n'aurait pas pu avoir lieu la semaine suivant l'incident, car à ce moment Blanchard était en congé. Mais dans le “calendrier des visiteurs et des cadres” du 3 au 15 septembre 1947 (in “Histoire commune du 509e groupe de bombardement et de la base de Roswell, du 1er au 30 septembre 1947”), on trouve cette mention à la date du 10 septembre : “M. Peoples, M. Hackman et le lieutenant Thompson, du commandement du matériel de l'air, sont arrivés à la base pour inspecter les installations de ce commandement et pour s'entretenir avec le lieutenant-colonel Briley.”

James Peoples était le responsable scientifique du projet Mogul. De toute évidence, sa visite à Roswell était destinée à s'assurer que les activités du projet Mogul/université de New York, qui venaient tout juste de reprendre à Alamogordo, ne susciteraient pas d'autre malentendu. Le lieutenant-colonel Joseph Briley, commandant d'escadron de bombardement en juillet 1947, était en septembre 1947 l'officier opérationnel du 509e. Kevin Randle et Donald Schmitt l'ont présenté comme un des témoins dont les déclarations viennent à l'appui de l'hypothèse crash de soucoupe volante.

Texte traduit de l'américain par Franck Périgny

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  • de Grégory Gutierez